Le 30 avril de chaque ann茅e, les m茅lomanes du monde entier c茅l猫brent la Journ茅e internationale du jazz pour, explique la Directrice g茅n茅rale de l鈥橭rganisation des Nations Unies pour l鈥櫭ヾucation, la science et la culture (UNESCO) Audrey Azoulay, 芦 honorer le jazz et son h茅ritage toujours vivace, et rendre hommage au pouvoir qu鈥檃 cette musique de rapprocher les gens. 禄听 L鈥橴NESCO 艙uvre pour la paix, la justice et la promotion de l鈥櫭﹖at de droit dans le monde.
Depuis 2012, ann茅e de son inauguration au si猫ge des Nations Unies 脿 New York, des concerts et 茅v茅nements jazz organis茅s 脿 travers le monde culminent en un concert-茅v茅nement qui r茅unit chaque ann茅e plusieurs grands noms du jazz dans une m茅tropole diff茅rente.
Cette ann茅e, c鈥櫭﹖ait Melbourne en Australie. En 2020, ce sera le tour du Cap en Afrique du Sud. Un choix sans doute li茅 au fait que la ville a son propre festival de jazz et o霉 l鈥檌ndustrie du jazz est 脿 la fois dynamique et cr茅ative. Un choix qui 茅voque autant le r么le jou茅 par la musique pour l鈥櫭ゞalit茅 des droits que l鈥檌nfluence p茅renne du jazz en Afrique.
En 2018 d茅j脿, un concert sp茅cial de jazz honorait le tricentenaire de la Nouvelle-Orl茅ans, une ville am茅ricaine de renomm茅e culturelle et historique aux bords du Mississipi. Dans l鈥檃uditorium de l鈥橭rpheum, le maire de l鈥櫭﹑oque, Mitch Landrieu, avait du mal 脿 contenir sa joie. 芦 Les gars ! 莽a fait du bien d鈥櫭猼re ici 禄, s鈥檈st-il exclam茅.
芦 Vous savez o霉 le jazz est n茅 ? A la Nouvelle-Orl茅ans 鈥� l脿, juste au bout de la rue. On n鈥檃urait pas pu l鈥檌nventer ailleurs 禄.
Satchmo au Congo
Dans l鈥檃mbiance bon enfant de la salle, le Preservation Hall Jazz Band, un groupe local, ouvrit les festivit茅s par une joyeuse procession musicale au bout de laquelle dansa, tout sourire, une mascotte g茅ante, plus grande que nature, du c茅l猫bre trompettiste et chanteur de jazz, Louis Armstrong, aussi connu sous le nom de Satchmo. La procession rappelait l鈥檌mage du vrai Armstrong, souriant de toutes ses dents, port茅 en triomphe par ses fans 脿 L茅opoldville, l鈥檃ctuelle Kinshasa, en R茅publique d茅mocratique du Congo (RDC) en 1960, avant l鈥檜n de ses concerts.
C鈥櫭﹖ait une des nombreuses visites de M. Armstrong en Afrique dans le cadre du programme des Ambassadeurs du jazz du gouvernement am茅ricain, cr茅茅 en 1956 au plus fort de la guerre froide pour promouvoir les valeurs et la culture am茅ricaines 脿 l鈥櫭﹖ranger.
Plusieurs musiciens de jazz, dont Louis Armstrong, Dizzy Gillespie ou encore Duke Ellington sillonnaient alors le monde en leur qualit茅 d鈥檃mbassadeurs culturels.
芦 Notre arme est la plus cool qui existe, 禄 aurait m锚me d茅clar茅 M. Gillespie, en r茅f茅rence 脿 sa c茅l猫bre trompette.
Les ambassadeurs du jazz am茅ricain n鈥檕nt peut-锚tre pas gagn茅 de guerres sur le continent africain, mais, des rives du Mississippi aux c么tes africaines et au-del脿, le jazz n鈥檈n a pas moins eu des effets durables sur la politique, l鈥檃rt ou la litt茅rature.
Accra en Jazz
Le temps 茅tait plut么t doux ce dimanche soir 脿 Accra. Takashi Band, un groupe acoustique local fort de 10 musiciens, 茅tait en concert dans un bar-grill d茅di茅 au jazz et 脿 ses multiples influences.
Le r茅pertoire 茅tait 茅clectique, combinant des titres de high-life ghan茅ens avec des c茅l猫bres standards de jazz. L鈥檃udience s鈥檃nima 脿 peine quand Kojo Essa, le leader du groupe, 芦 banquier le jour et musicien la nuit 禄, comme il aimait dire, interpr茅ta What a Wonderful World en une imitation sans 茅quivoque du Louis Armstrong du d茅but des ann茅es 60, quand ce dernier alla 脿 Accra jouer avec des musiciens du cru.
Puis il passa 脿 Fly Me to the Moon, 鈥渟tyle agbadza鈥�, dit-il , et presque tout le monde se leva d鈥檜n bond. Agbadza, un rythme local, est 茅galement populaire au Togo et au B茅nin.
Jazz et luttes de lib茅ration
En Afrique du Sud, l鈥檃ctivisme du jazz 脿 l鈥櫭﹑oque de l鈥檃partheid refl茅ta le r么le du jazz dans la lutte pour les droits civiques aux 脡tats-Unis ; mais le jazz sud-africain reste singulier en ses sonorit茅, style et mode d鈥檈xpression.
Au temps de l鈥檃partheid, des musiciens en exil tels que Mariam Makeba, le trompettiste Hugh Masekela (surnomm茅 affectueusement le p猫re du jazz sud-africain) et le pianiste et compositeur Abdullah Ibrahim (connu sous le nom de Dollar Brand et surnomm茅 le roi du jazz sud-africain) ont toujours exprim茅 leur soif de libert茅 et d鈥櫭ゞalit茅.
L脿-bas plus qu鈥檃illeurs, la musique 茅tait donc au c艙ur de la lutte pour les libert茅s en Afrique du Sud.
Le documentaire Amandla! A Revolution in Four-art Harmony sorti en 2002 et o霉 figure Mannenberg, l茅gendaire morceau d鈥橝bdullah Ibrahim, t茅moigne du pouvoir f茅d茅rateur de la musique contre le r茅gime de l鈥檃partheid.
Sorti en 1974 pour protester contre le d茅placement forc茅 de personnes de couleur au Cap, Mannenberg allait devenir l鈥檜n des titres les plus populaires des ann茅es 80 en Afrique du Sud.
芦 Nous avions capt茅 l鈥檈sprit de la nation et son humeur 脿 cette 茅poque 禄, M. Ibrahim expliqua dans un entretien 脿 la Voix de l鈥橝m茅rique en 2012. Il raconta comment en 1976, apr猫s le soul猫vement de Soweto au cours duquel plus de 100 manifestants furent tu茅s, les gens 芦 ont repris la chanson, qui a 茅t茅 jou茅e et chant茅e partout鈥� 脌 certains 茅gards, elle est presque devenue l鈥檋ymne non officiel de l鈥橝frique du Sud 禄.
Apr猫s l鈥檃voir , selon M. Ibrahim, entendu le titre en prison, Nelson Mandela se serait exclam茅 : 芦 c鈥檈st le signe que la lib茅ration approche 禄.
Jazz et litt茅rature
Cependant, l鈥檌nfluence du jazz en Afrique va au-del脿 de la politique. Comme aux 脡tats-Unis, il a inspir茅 romanciers et autres 茅crivains, notamment dans les pays d鈥橝frique francophone.
芦iAucune autre forme musicale n鈥檃 aussi souvent figur茅 dans la tradition [litt茅raire] francophone africaine 禄, 茅crit Pim Higginson, professeur d鈥櫭﹖udes fran莽aises et francophones 脿 Bryn Mawr, une universit茅 f茅minine am茅ricaine, dans l鈥檌ntroduction de son essai de 2017, Scoring Race : Jazz, fiction and Francophone Africa.
Jazz et vin de palme du congolais Emmanuel Dongala est souvent cit茅 comme l鈥檈xemple de r茅f茅rence au jazz dans la litt茅rature. Pour autant, Mirages de Paris, publi茅 en 1937 par le S茅n茅galais Ousmane Soc茅, fut le premier roman africain 脿 parler de jazz.
Au nombre des r茅cits 茅voquant le jazz, on peut encore citer Cola Cola Jazz de l鈥櫭ヽrivain togolais Kangni Alem et Trop de soleil tue l鈥檃mour du Camerounais Mongo Beti. Une autre camerounaise, L茅onora Miano, a 茅crit Tel des astres 茅teints et Blues pour Elise et Fiston Mwanza Mujila, originaire de la R茅publique d茅mocratique du Congo, Tram 83.
Quoique la trame de chacun de ces livres est diff茅rente, tous ces 茅crivains ont en commun d鈥檜tiliser le jazz pour exprimer la diversit茅 des identit茅s culturelles de leurs protagonistes et la mani猫re dont ils g猫rent la modernit茅.
Pour la plupart de ces 茅crivains, 芦 la structure des compositions de jazz 禄, explique Kangni Alem, un 茅crivain togolais, 脿 Afrique Renouveau, 芦 demeure la plus grande influence禄. Alem donne l鈥檈xemple de Misterioso-911, une pi猫ce de th茅芒tre de l鈥櫭ヽrivain ivoirien Koffi Kwahul茅. Un titre qui, sans doute, est un clin d鈥櫯搃l 脿 Misterioso, un album du pianiste Thelonious Monk sorti en 1958.
A l鈥檌nstar du jazz, ces 艙uvres litt茅raires c茅l猫brent la diversit茅 culturelle exprim茅e dans la libert茅 d鈥檈xpression et la cr茅ativit茅.
Ces 茅crivains 芦 se tournent sans cesse vers le jazz en tant qu鈥檌d茅e, terrain contest茅 ou de formation 脿 travers et autour desquels se n茅gocient les notions de race et d鈥檌dentit茅, de r茅sistance et d鈥檈xpression 禄, explique M. Higginson.
Ainsi, 芦 en f锚tant le jazz, le monde c茅l猫bre bien plus qu鈥檜ne musique 禄, d茅clare Mme Dubois, 脿 Afrique Renouveau. 芦 Il c茅l猫bre aussi la cr茅ativit茅, les partenariats, les collaborations et la libert茅 d鈥檈xpression鈥� promeut les objectifs de d茅veloppement durable鈥� et favorise le dialogue entre les cultures 禄.听 听 听 听
