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Combattre la pauvreté d’un village à l’autre

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Combattre la pauvreté d’un village à l’autre

Au Ghana, la réalisation des objectifs du Millénaire passe par l’agriculture
Panos/Aubrey Wade
Mama Kasim et Aseatu Bawa, cultivateurs de Kuapa Kokoo, ouvrant des cabosses de cacao. Kuapa Kokoo est une coopérative de producteurs de cacao comptant 45 000 membres répartis dans les forêts de Kumasi, au Ghana. Photo: Panos/Aubrey Wade

Debout au milieu d’un champ de maïs fraîchement ensemencé, Bright Osei Kwaku se rappelle qu’il y a un an environ il a plus que doublé sa production grâce à l’utilisation de semences améliorées et d’engrais, et à des conseils techniques sur les méthodes de culture. Son champ d’à peu près un hectare a donné en tout environ 15 sacs de 100 kilogrammes, contre seulement six l’année précédente où il n’avait pas bénéficié d’un tel soutien.

Beaucoup de jeunes Ghanéens, comme lui, ont abandonné l’agriculture ou en rêvent. Mais M. Kwaku, 25 ans, pense qu’il lui est possible de rester sur sa terre. «Je vais continuer à cultiver la terre, a-t-il déclaré à Afrique Renouveau. J’ai un revenu et de la nourriture. La ferme me donne assez pour vivre.»

Étant donné la hausse rapide des prix des aliments sur les marchés mondiaux, le moment est opportun pour encourager un accroissement de la production agricole, explique Isaac Kankam-Boadu, animateur-formateur pour l’agriculture et l’environnement du projet Villages du Millénaire de Bonsaaso, un groupe de hameaux pauvres et isolés dans la région Ashanti du Ghana. «Le prix élevé des aliments est une excellente occasion pour les agriculteurs de gagner plus d’argent», déclare-t-il.

M. Kankam-Boadu raconte qu’en 2007 les cultivateurs de maïs de Bonsaaso ont réussi à quadrupler leurs rendements, passant d’une moyenne d’environ 1 tonne par hectare à 4 tonnes. Les agriculteurs n’ont pas seulement augmenté leurs revenus, ils ont aussi fourni environ un dixième de leurs récoltes au nouveau programme d’alimentation scolaire qui aide de nombreux enfants des écoles de leur région à mieux se nourrir.

Les Villages du Millénaire

Créer de tels liens est au cœur du projet Villages du Millénaire. La première de ces initiatives de développement intégré a été lancée en 2004 à Sauri, au Kenya. Le projet a rapidement été élargi et ces villages existent aujourd’hui en Éthiopie, au Malawi, au Mali, au Nigéria, au Rwanda, au Sénégal, en Tanzanie et en Ouganda. Les sites ont été sélectionnés en fonction des indicateurs de pauvreté ainsi que pour représenter les différentes zones écologiques et climatiques de l’Afrique. Plus de 400 000 personnes vivent aujourd’hui dans les villages choisis pour le projet.

L’idée est née de recherches et de délibérations sur les politiques de développement menées à l’initiative de Jeffrey Sachs, Conseiller spécial auprès du Secrétaire général de l’ONU pour les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Les OMD, adoptés par les dirigeants du monde entier en 2000, visent à réduire considérablement la pauvreté et la privation partout dans le monde.

L’approche du projet Villages du Millénaire est fondée sur deux idées centrales : premièrement, des changements simples et peu coûteux dans les domaines de la nutrition, de la santé, de l’approvisionnement en eau, de l’assainissement, de l’éducation, de la position sociale des femmes, de l’agriculture, des communications, du réseau routier et du réseau de distribution d’électricité peuvent faire sortir les habitants des campagnes africaines de l’extrême pauvreté. Deuxièmement, associer la mobilisation des communautés locales, le soutien de l’État et l’aide au développement externe peut permettre de financer ces villages pour environ seulement 110 dollars par personne et par an. La plupart des projets Villages du Millénaire sont organisés sous l’égide du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).

De l’alimentation scolaire aux téléphones portables

Cette initiative du Millénaire est arrivée à Bonsaaso en mars 2006, dans 10 localités tout d’abord. À la fin de cette même année, le projet avait été élargi à 30 villages, couvrait quelque 400 kilomètres carrés et touchait plus de 30 000 personnes. La région a été sélectionnée en raison de la grande pauvreté de bon nombre de ses habitants, de la prévalence de la malnutrition, du manque de services sanitaires, du faible taux de scolarisation des enfants et du bas niveau de nombreux autres indicateurs de développement humain.

En 2008, deux ans après le lancement du projet, les communautés de Bonsaaso obtenaient déjà des résultats probants. Mohammed Salifu, un planteur de cacao, a récolté neuf sacs de 64 kilos en 2007, contre seulement quatre l’année précédente, simplement en suivant les conseils de l’agent de vulgarisation agricole envoyé à Bonsaaso par le Ministère de l’alimentation et de l’agriculture. Grâce à de nouveaux plants de cacaotiers à plus haut rendement et à croissance plus rapide, il espère faire encore mieux cette année.

Cependant, des récoltes de cacao et de produits alimentaires plus abondantes poseront des problèmes nouveaux. L’état désastreux des routes de Bonsaaso et d’autres régions du Ghana rend difficile l’acheminement des récoltes aux marchés. Mais des entreprises de construction routière chinoises engagées par le gouvernement s’activent actuellement et le projet a fait l’acquisition de deux camions de 5 tonnes pour transporter la production agricole. Le développement des infrastructures physiques ne fait pas partie des objectifs du Millénaire, souligne Ernest Mensah, un facilitateur de projet,«Mais si vous voulez éliminer la pauvreté, vous avez besoin d’infrastructures», ajoute-t-il.

Éviter la dépendance

Les critiques des projets de développement soutenus par des bailleurs de fonds externes font remarquer qu’ils aboutissent souvent à rendre les bénéficiaires dépendants de cette aide, et que les projets s’effondrent fréquemment si cette aide se raréfie. Le projet des Villages du Millénaire fait appel à des ressources extérieures importantes ; en moyenne 60% du financement provient de bailleurs de fonds, 30% des autorités nationales et régionales et le reste est un apport de la communauté elle-même.

Le projet est en partie conçu pour convaincre les bailleurs de fonds de fournir plus de ressources à long terme en leur montrant concrètement que l’aide au développement peut être utilisée de manière efficace pour réduire la pauvreté. En démontrant que cette assistance peut véritablement être efficace en Afrique, M. Sachs et ses collègues espèrent convaincre les grands pays industrialisés de respecter leurs engagements.

Pour éviter que les bénéficiaires ne comptent sur l’aide extérieure afin de poursuivre le fonctionnement des projets de Villages du Millénaire, les concepteurs du projet soulignent que certaines formes d’assistances seront progressivement réduites et que les autorités locales et les villageois auront à assumer une part plus importante des coûts. Actuellement, note M. Kankam-Boadu, les nouveaux plants de cacaotier à haut rendement fournis aux agriculteurs sont subventionnés, mais les subventions diminueront à l’avenir.

Les organisateurs du projet encouragent de diverses manières les autorités nationales et locales à renforcer leur présence à Bonsaaso : en construisant des routes, en multipliant les branchements au réseau d’électricité, en envoyant sur place un plus grand nombre d’enseignants, d’agents de santé et de conseillers agricoles.

Il est également indispensable de créer des institutions communautaires et de cultiver l’esprit d’initiative pour parvenir à la viabilité à long terme. Les acteurs locaux participent régulièrement à la construction de nouvelles écoles, de logements pour les enseignants, de dispensaires et de centres communautaires en offrant leur main-d’œuvre, ainsi que du sable, des pierres, du bois et d’autres matériaux de construction.

Le projet emploie plusieurs «animateurs-formateurs» qui ont pour rôle de renforcer les commissions scolaires, les associations de parents d’élèves, les commissions de gestion d’approvisionnement en eau et autres instances locales, ainsi que d’obtenir la participation des chefs traditionnels qui jouent un rôle clé dans la mobilisation de la population. Stephen Antwi, le coordonnateur pour le développement communautaire associé au projet, a déclaré à Afrique Renouveau que les structures communautaires aideront Bonsaaso à poursuivre son développement même après la réduction des contributions extérieures. “Nous conserverons très probablement ces moyens pendant des années”, ajoute-t-il.