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L’Internet au fil de l’eau

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L’Internet au fil de l’eau

Des systèmes de contrôle de la qualité de l’eau grâce à l’Internet des objets
Afrique Renouveau: 
An official checks data from an internet-based water monitoring device at a borehole in Basbedo, Burkina Faso. Photo: Panos/Andrew McConnell
Photo: Panos/Andrew McConnell
Un responsable vérifie des données à partir d’un appareil de contrôle de l’eau connecté près d’un puits à Basbedo au Burkina Faso. Photo: Panos/Andrew McConnell

Imaginez un monde où votre placard de cuisine vous prévient dès qu’il n’y a plus de sel et où votre téléphone portable vous avertit par SMS de la quantité d’eau restant dans votre chauffe-eau. L’Internet des objets (IdO) a rendu le rêve réalité.

Il y a plus de dix ans, Kevin Ashton, co-fondateur du Centre Auto-ID (appelé aujourd’hui Auto-ID Labs) de l’Institut de technologie du Massachusetts inventait le terme Internet des objets pour désigner le réseau et les communications entre des objets possédant une adresse IP leur permettant de se connecter à Internet.

Le monde est désormais entré dans l’ère du numérique où l’IdO améliore la qualité de vie. Dans les pays africains comme le Ghana, le Niger, le Rwanda et l’Afrique du Sud, la mise en place de l’IdO progresse régulièrement dans des secteurs essentiels au développement durable comme le contrôle de la qualité de l’eau.

Afin de comprendre comment l’IdO permet d’améliorer ce contrôle, Afrique Renouveau a interviewé Ilana Cohen, responsable en chef des marchés du Programme mobiles et équipements pour le développement auprès de l’Association GSM (Association du réseau de téléphonie mobile mondial), un organisme commercial représentant les intérêts des opérateurs dans le monde.

Pour le GSM, le réseau de téléphonie mobile mondial, l’IdO est un vaste dispositif basé sur une technologie numérique cellulaire ouverte, permettant la transmission de données.

Les applications IdO communiquent de machine-à-machine (M2M). Les objets connectés, comme un compteur d’eau par exemple, se servent du réseau pour échanger des informations à des fins de mesure et de contrôle.

En zones rurales, le GSM est la technologie la plus couramment utilisée pour transférer des données sur de longues distances. Mais le GSM consommant beaucoup d’énergie et passant par un réseau Internet souvent interrompu, les entreprises préfèrent utiliser des réseaux à bande étroite (NB IdO), moins coûteux et qui consomment moins d’électricité. Ce système convient mieux à des applications qui ne nécessitent qu’une connexion ponctuelle à faible débit. L’IdO à bande étroite gagne en popularité auprès des utilisateurs.

Les capteurs et les actionneurs (l’élément d’une machine qui déclenche ou contrôle son mouvement) utilisés par l’IdO dans le secteur de l’eau, peuvent aussi bien mesurer les changements de température et de composition chimique que la quantité d’eau ou l’humidité du sol. Ils peuvent aussi signaler une pompe défectueuse.

En Afrique, la mise en place de l’IdO ne s’est pas fait attendre, Des start-ups et des institutions travaillent sur des projets avec l’objectif de stocker et de distribuer de l’eau potable, d’irriguer les fermes et de contrôler l’utilisation de l’eau.

Les compteurs d’eau sont souvent réputés pour leur manque de précision. Les consommateurs paient parfois plus d’eau qu’ils ne consomment ou sous-estiment leur consommation et se retrouvent en difficulté. Ces impayés empêchent les entreprises de services de fournir de l’eau potable en continu dans certaines zones. Leurs clients risquent alors de boire de l’eau non potable ou d’être forcés d’aller chercher de l’eau hors de leur foyer. A Niamey, au Niger, dans des endroits où l’alimentation en eau était défaillante, les habitants ont désormais accès à l’eau potable chez eux grâce à des compteurs interactifs CityTaps, qui leur font gagner quinze fois plus de temps.

L’entreprise technologique CityTaps s’est donnée pour mission d’installer l’eau courante dans chaque foyer urbain en fournissant des compteurs interactifs qui utilisent l’IdO à la Société d’Exploitation des Eaux du Niger (SEEN), le service public de distribution de l’eau.

Au Rwanda, SweetSense – entreprise technologique qui fournit des appareils de contrôle à distance à bas prix pour des projets dans les secteurs de l’eau, de l’énergie et de l’environnement – utilisent des capteurs pour surveiller l’efficacité des pompes à eau.

En Afrique du sud, EZ Farms, créé par IBM Research, fournit un système qui contrôle la qualité de l’eau à distance et utilise des capteurs disséminés dans les terres pour aider les agriculteurs à mieux gérer l’eau. Des agrégateurs, qui réunissent informatiquement certains types d’informations provenant de diverses sources, aident les agriculteurs à faire les choix les plus rentables.

Patrick Thomson, qui dirige le programme de recherche sur l’eau à la Smith School of Enterprise and the Environment à l’Université d’Oxford, travaille sur le contrôle et la protection de l’eau en Afrique de l’Ouest et de l’Est. Parmi les nombreux projets IdO liés à l’eau, il est notamment en charge d’un projet de mesure de l’eau lancé en 2013. Le projet a débuté par le test pendant douze mois d’une pompe manuelle connectée à Kyuso dans le comté de Kitui au Kenya, pour tenter de résoudre le problème des pannes récurrentes.

Selon un rapport sur l’utilisation de l’IdO par l’Union internationale des télécommunications, une agence des Nations Unies qui coordonne les opérations et les services de télécommunication dans le monde, “la fiabilité des services d’eau est étroitement corrélée à l’extrême pauvreté et au manque d’eau dans les zones rurales. Près d’un million de pompes manuelles fournissent de l’eau à plus de 200 millions de personnes en zones rurales en Afrique. Cependant, on estime que plus d’un tiers des pompes sont susceptibles d’être défectueuses à tout moment”.

M. Thomson explique que son projet a eu des effets bénéfiques, notamment financiers. La question, soulevée par son collègue, le Dr. Tim Foster, lui a semblé cruciale : “Pourrions-nous faire les choses différemment si une pompe pouvait signaler qu’elle est cassée ?” En russisant à faire “dire” à la pompe, par le biais du réseau GMS, quand elle ne fonctionne plus, M. Thomson et son équipe ont répondu par l’affirmative.

La technologie

“Dans la poignée de la pompe est installé un accéléromètre”, explique M. Thomson, “similaire à celui qui se trouve dans un smartphone pour repérer dans quel sens l’appareil est tenu. Celui-ci détecte le mouvement de la poignée, ce qui permet d’établir si la pompe fonctionne et quel volume d’eau est pompé. Cette information est ensuite transmise par le réseau GSM à un serveur central où nous traitons cette information.” En 48 heures, au lieu de plusieurs semaines, la pompe peut être réparée.

Le succès du projet de Kyuso a conduit à de nouvelles découvertes qui pourraient permettre de prévenir n’importe-quelle panne à l’avenir.

Un nouveau projet de pompe à eau financé par l’UNICEF dans le comté de Kwale dans le sud-est du Kenya cherche à déterminer comment les données fournies par les accéléromètres peuvent être employées pour mesurer la profondeur de l’eau sous la pompe afin de contrôler le fonctionnement de celle-ci. Ainsi, il sera possible de prévoir précisément quand la pompe risque de tomber en panne. L’objectif est de réduire au minimum les temps d’arrêt de la pompe, indique M. Thomson.

Le fondateur de CityTaps, Grégoire Landel, explique à Afrique Renouveau que CityTaps garantit aux entreprises de distribution le paiement des consommations en eau grâce à un système de compteurs qui nécessite un prépaiement par téléphone portable. CityTaps installe des compteurs connectés qui contrôlent le volume exact d’eau consommé et payé.

La mise en place de ces nouvelles technologies est complexe et difficile. En Afrique de l’Ouest, M. Landel raconte avoir vu les entreprises de distribution d’eau et d’électricité accomplir de véritables “petits miracles” au quotidien pour leurs clients. Lorsque les gens constatent les bienfaits d’un produit, ils sont généralement prêts à payer pour l’amélioration de leur qualité de vie.

Si le projet à Kyuso n’a pas posé de défis majeurs, indique M. Thomson, certains gouvernements et communautés préfèrent néanmoins les projets qui répondent immédiatement à leurs besoins. Comme M. Landel, il estime qu’il est important d’écouter et de développer de solides relations au sein d’une communauté afin d’adapter la technologie aux attentes de celle-ci. Car c’est au final la satisfaction des personnes concernées qui détermine le succès d’un projet et lui donne sens.

Y a-t-il un avantage à ce que la pompe à eau puisse signaler qu’elle est cassée ? La réponse est sans conteste oui. Une pompe à eau cassée qui n’est pas réparée est coûteuse et dangereuse pour la communauté qui en dépend. Pas de vie sans eau. Ainsi, l’IdO vient en aide à l’Afrique sub-saharienne en contrôlant, mesurant et protégeant ses ressources en eau, améliorant le quotidien des personnes qui vivent, en ville comme à la campagne.