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Afrique Renouveau : Pourquoi avoir organis茅 la Conf茅rence internationale sur l鈥櫭﹎ergence de l鈥橝frique ?

M. Dieye : En 2015, lors de la premi猫re conf茅rence 脿 Abidjan, le PIB de l鈥橝frique affichait depuis 15 ans une croissance de pr猫s de 5 % . En 2000, The Economist avait qualifi茅 l鈥橝frique de 芦 continent sans espoir 禄. Dix ans plus tard, en guise d鈥檈xcuse, il consacrait sa une 脿 芦 L鈥檈ssor africain 禄. 脌 l鈥櫭﹑oque,听 les [indicateurs 茅conomiques] 茅taient en train de changer s鈥檃gissant du taux de croissance, de la r茅duction de la pauvret茅 et du听 d茅veloppement humain. J鈥檃i discut茅 avec le Pr茅sident ivoirien Alassane Ouattara et nous avons convenu de capitaliser sur le nouvel esprit 茅mergent et d鈥檕rganiser une conf茅rence pour 茅tudier la r茅alit茅 du r茅cit. Comment consolider et maintenir cette trajectoire 茅mergente ? C鈥檈st la raison d鈥櫭猼re de la conf茅rence. 听

Compte tenu du contexte 茅conomique adverse, principalement d没 脿 l鈥檈ffondrement des cours des mati猫res premi猫res, pouvez-vous encore dire que l鈥橝frique est 茅mergente ?

Oui. L鈥檃nalyse r茅v猫le qu鈥檜n tiers de la croissance de 5 % a 茅t茅 d茅clench茅 par la classe moyenne 茅mergente et un tiers par une meilleure gouvernance 茅conomique et politique. Seul un tiers s鈥檈xplique par la hausse des cours des mati猫res premi猫res. Le taux de croissance moyen, de 2000 脿 2015, 茅tait de 5 % en ce qui concerne le PIB r茅el. Il se situe aujourd鈥檋ui entre 2 et 3 %. Ne vous laissez pas duper听 par la tyrannie des moyennes. Certains pays ont encore une croissance de plus de 5 % : l鈥櫭塼hiopie, le Rwanda, la Tanzanie, la C么te d鈥橧voire et l鈥橭uganda, par exemple. Certains ont 茅t茅 gravement touch茅s par la baisse des cours des mati猫res premi猫res, surtout les producteurs de p茅trole, comme le Nig茅ria, le Gabon, la Guin茅e 茅quatoriale et l鈥橝ngola. Ce sont ceux dont le taux de croissance a consid茅rablement ralenti, en particulier la Guin茅e 茅quatoriale. Les pays en conflit, comme le Soudan du Sud et la R茅publique centrafricaine, ont 茅galement contribu茅 脿 ce ralentissement de la croissance 茅conomique continentale. Certains pays, cependant, continuent sur la voie de l鈥櫭﹎ergence. La C么te d鈥橧voire enregistre une croissance 脿 deux chiffres ou presque. Le Rwanda et le S茅n茅gal affichent une croissance de plus de 6 %.听

Comment parvenir 脿 l鈥櫭﹒uilibre lorsque des pays dont les taux de croissance diff猫rent听 discutent d鈥檈njeux 茅conomiques communs ?

Ils ont certains points communs. M锚me des pays comme l鈥櫭塼hiopie, la C么te d鈥橧voire et le S茅n茅gal, qui ont des taux de croissance 茅lev茅s, identifient encore des domaines o霉 investir davantage pour soutenir la croissance.

Comme ?

Les transformations 茅conomiques structurelles. Par exemple, la cha卯ne de valeur du cacao est retenue 脿 hauteur de 15 % en moyenne sur le continent, avec 85 % en dehors. Il est impossible de soutenir le d茅veloppement en suivant cette voie. Alors, comment am茅liorer la transformation des mati猫res premi猫res dans le pays avant l鈥檈xportation ? Et la transformation structurelle passe par l鈥檃ugmentation de la productivit茅.听

De nombreuses conf茅rences ont lieu sur le continent. Les critiques les听 qualifient d鈥檃teliers de discussion . En quoi celle-ci est-elle diff茅rente ?

脌 Abidjan [en 2015], nous avons voulu tester le mod猫le que nous proposions : un 茅tat de d茅veloppement qui permet de changer le mod猫le de production et de consommation, mais qui a aussi une incidence sur le d茅veloppement humain. Nous avons fait quelques calculs d鈥櫭﹍asticit茅. Le mod猫le, que j鈥檃ppelle Abidjan 1,cherche 脿 appliquer un 茅tat de d茅veloppement avec une plus grande marge budg茅taire pour stimuler le d茅veloppement et s鈥檃ppuyer sur des ressources internes, au lieu de l鈥檃ide publique au d茅veloppement. Il est impossible de soutenir un parcours听 de d茅veloppement sans consommer la production locale, sans d茅velopper la valeur retenue en interne et sans听 une croissance qui affecte le d茅veloppement humain. Il faut une coop茅ration r茅gionale, car nos 茅conomies sont extr锚mement 茅troites. 脌 plus long terme, il faut un dialogue inclusif.

Croyez-vous en ce que certains experts appellent 芦 protectionnisme sophistiqu茅 禄, qui consiste fondamentalement 脿 formuler des politiques prot茅geant les industries locales ?听

Je ne pense pas. Le protectionnisme fait partie du pass茅. Je crois au patriotisme 茅conomique, ce qui est totalement diff茅rent.

Comment faire du patriotisme 茅conomique si les consommateurs pr茅f猫rent les produits import茅s ?

Le patriotisme 茅conomique devrait commencer avec le gouvernement. Le fait que certains minist猫res africains importent du mobilier d鈥橝llemagne, de France ou du Royaume-Uni me laisse perplexe. Nous devons utiliser nos entreprises locales.听

O霉 le patriotisme 茅conomique a-t-il fonctionn茅 ?

Le Nig茅ria et le Kenya ont des politiques de pr茅f茅rence locale, tant pour l鈥檃chat de biens que pour la priorit茅 accord茅e 脿 l鈥檈ntrepreneuriat local.

Comment peut-il y avoir des niveaux accrus de coop茅ration r茅gionale quand le commerce intra-africain se chiffre 脿听 11 % 脿听 peine ?听

Certaines r茅gions s鈥檈n sortent mieux que d鈥檃utres, comme la CEDEAO [Communaut茅 茅conomique des 脡tats de l鈥橝frique de l鈥橭uest]. La SADC [Communaut茅 de d茅veloppement de l鈥橝frique australe] se porte mieux ces derniers temps. Il y a des obstacles 脿 surmonter, notamment au niveau de l鈥檌nfrastructure. Le march茅 est en plein essor entre le Ghana et le Togo en Afrique de l鈥橭uest, m锚me si la facilitation des 茅changes n鈥檈st pas l脿. Les gens souhaitent l鈥檌nt茅gration, mais les 脡tats et les gouvernements sont 脿 la tra卯ne. L脿 o霉 le climat de paix et de s茅curit茅 est meilleur, les gens font du commerce et collaborent entre eux davantage que dans les zones d鈥檌ns茅curit茅, comme dans la r茅gion d鈥橝frique centrale.

L鈥橝frique a-t-elle suffisamment de ressources internes 脿 mobiliser pour le d茅veloppement ? Si oui, lesquelles ?

Absolument ! La plupart des 茅conomies en d茅veloppement de l鈥橝frique 茅taient auparavant听 financ茅es听 par l鈥檃ide publique au d茅veloppement. Aujourd鈥檋ui, m锚me les envois de fonds sont sup茅rieurs 脿 cette aide. Cette derni猫re en Afrique est inf茅rieure 脿 60 milliards de dollars par an et les envois de fonds ont grimp茅 pour passer de 62 脿 65 milliards de dollars. Une 茅tude du groupe de l鈥檃ncien Pr茅sident sud-africain Thabo Mbeki [le groupe de haut niveau de l鈥橴nion africaine sur les flux financiers illicites en provenance d鈥橝frique] fait appara卯tre que le continent perd chaque ann茅e entre 50 et 60 milliards de dollars 脿 cause des flux financiers illicites. C鈥檈st 3 % du PIB de perdu. Si nous renfor莽ons la bonne gouvernance et r茅primons听 plus fermement la corruption, nous conserverons听 cette somme.听

Selon les experts,听 les Africaines sont touch茅es de fa莽on disproportionn茅e par le manque d鈥檌nclusion financi猫re. Y a-t-il une solution ?

Notre dernier Rapport sur le d茅veloppement humain en Afrique r茅v猫le qu鈥檈n n鈥檌ncluant pas les femmes dans le processus de d茅veloppement, l鈥橝frique a perdu chaque ann茅e听 95 milliards de dollars en moyenne, avec un sommet de听 104 milliards en 2014. Ceci repr茅sente听 6 % du PIB. Le paradoxe, c鈥檈st que nos banques ont de l鈥檃rgent que nous n鈥檜tilisons pas. Le PNUD et la BAD pr茅conisent aux pays d鈥檌nvestir dans les femmes pour traiter ce syndrome d鈥檈xclusion, qui est听 une erreur du point de vue 茅conomique. Investir dans les femmes permet de doubler facilement听 les taux de croissance du PIB et d鈥檃m茅liorer le bien-锚tre de la soci茅t茅 dans son ensemble.听

Il y a un th猫me socioculturel sous-jacent, notamment celui des听 barri猫res associ茅es au patriarcat. Comment les briser ?

Une politique 茅conomique ne peut fonctionner qu鈥檃vec une bonne 茅conomie politique. Et vous avez raison de dire qu鈥檈n Afrique certaines normes culturelles entravent le d茅veloppement des femmes. Dans certains pays, les femmes ne peuvent pas acc茅der aux terres ni en poss茅der pour les utiliser comme garanties de pr锚ts. Nous devons donc collaborer avec les notables locaux, la soci茅t茅 civile et d鈥檃utres pour briser ces barri猫res culturelles.听

Existe-t-il un pays o霉 l鈥檃utonomisation des femmes a conduit au d茅veloppement 茅conomique ?听

Les Seychelles, le Rwanda et le S茅n茅gal en sont un exemple. Dans ces pays, le d茅veloppement 茅conomique conna卯t une bonne progression.听

Quelle est votre vision de l鈥櫭ヽonomie africaine ?

Le centre de gravit茅 茅conomique mondial se d茅place lentement mais s没rement vers l鈥橝frique. Des pays comme la Chine, l鈥橧nde et la Turquie ont le sentiment que听 l鈥檃venir du monde se joue en Afrique et que c鈥檈st l脿 que la rentabilit茅 des investissements est la plus 茅lev茅e. Je gage听 que si nous parvenons 脿 faire face 脿 l鈥檌ns茅curit茅 dans le Sahel, dans la r茅gion des Grands Lacs et dans la corne de l鈥橝frique, l鈥橝frique sera le nouvel eldorado.听 听 听