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Un cargo livre de l鈥檃ide alimentaire en Somalie, prot茅g茅 par un navire de guerre n茅erlandais (脿 l鈥檃rri猫re plan) contre une 茅ventuelle attaque de pirates.

Photo: Panos / Sven Torfinn

Les actes de piraterie r茅p茅t茅s et spectaculaires commis au large des c么tes de la Somalie ont amen茅 le Conseil de s茅curit茅 脿 se r茅unir quatre fois au cours du second semestre 2008. Le but de ces r茅unions convoqu茅es 脿 l鈥檌nitiative des grandes puissances 茅tait de combattre la menace qui p猫se sur le trafic commercial dans une des voies maritimes les plus importantes du monde. A sa r茅union de d茅cembre, le Conseil de s茅curit茅 a autoris茅 les pays qui m猫nent d茅j脿 des op茅rations navales dans les eaux somaliennes 脿 茅largir 茅ventuellement leur lutte contre la piraterie aux sph猫res a茅rienne et terrestre. Mais le Secr茅taire g茅n茅ral, Ban Ki-moon, a soulign茅 que le probl猫me de la piraterie somalienne ne peut 锚tre dissoci茅 de la n茅cessit茅 de parvenir 脿 un accord de paix global dans ce pays.

De plus, la piraterie n鈥檈st pas limit茅e aux eaux somaliennes. Les Etats en difficult茅 situ茅s 脿 proximit茅 de goulets d鈥櫭﹖ranglement du trafic maritime (o霉 les navires doivent ralentir) sont les plus susceptibles d鈥檃ttirer des pirates, explique Mme Kerstin Petretto, chercheuse 脿 l鈥橧nstitut allemand de la s茅curit茅 et des affaires internationales.

Mais la piraterie est plus fr茅quente au large de la Somalie. Depuis qu鈥檈lle a commenc茅 脿 recenser de tels agissements en 1984, l鈥橭rganisation maritime internationale (OMI) a d茅nombr茅 plus de 440 actes de pirateries signal茅s au large des c么tes somaliennes. 鈥淪ur ce nombre, 120 ont eu lieu dans la seule ann茅e 2008鈥�, a d茅clar茅 en novembre au Conseil de s茅curit茅 Efthimios Mitropoulos, Secr茅taire g茅n茅ral de l鈥橭MI. Plus de 40 navires et 600 marins ont 茅t茅 pris en otage et on estime que ces op茅rations ont rapport茅 environ 120 millions de dollars de ran莽on aux pirates.

Toujours plus loin

Les pirates somaliens op猫rent aussi de plus en plus loin dans l鈥橭c茅an Indien 脿 partir de leurs bases du Puntland, dans le Nord de la Somalie. Le Sirius Star, un superp茅trolier transportant 2 millions de barils de p茅trole, a 茅t茅 attaqu茅 脿 450 miles nautiques (833 kilom猫tres) au sud-est du port k茅nyan de Mombasa, bien plus au sud que n鈥檌mporte quel d茅tournement pr茅c茅dent. 鈥淐et incident est significatif 脿 deux titres鈥�, explique Pottengal Mukundan, Directeur du Bureau maritime international (BMI). 鈥淧remi猫rement, c鈥檈st le plus gros navire 脿 avoir 茅t茅 d茅tourn茅. Deuxi猫mement, l鈥櫭﹍oignement de la c么te semble indiquer qu鈥檌l s鈥檃git d鈥檜ne op茅ration hautement organis茅e 鈥� et pas simplement d鈥檕pportunisme."

La multiplication des actes de piraterie a provoqu茅 en 2008 une hausse de 12 脿 15 % des primes d鈥檃ssurance, et l鈥檃ssurance sp茅ciale contre le risque du passage dans le golfe d鈥橝den, qui avoisine les eaux somaliennes, est pass茅e de 500 脿 20 000 dollars par vaisseau. Les navires qui se rendent en Europe peuvent 脿 la place contourner le cap de Bonne-Esp茅rance de l鈥橝frique du Sud, mais la route du golfe d鈥橝den, qui voit passer environ 20 000 navires par an et plus de 12 % de tout le p茅trole transport茅 par voie maritime, est plus rapide et moins co没teuse. Mais m锚me la route du cap de Bonne-Esp茅rance n鈥檈st pas totalement s没re. Le Sirius Star a 茅t茅 attaqu茅 alors qu鈥檌l faisait route vers le cap de Bonne-Esp茅rance.

鈥楾errain tr猫s propice鈥�

D茅pourvue de gouvernement effectif, mais dot茅e de longues plages isol茅es et habit茅e par une population d茅sesp茅r茅e et habitu茅e 脿 la guerre, 鈥渓a Somalie est un terrain extr锚mement propice 脿 la piraterie鈥�, explique un rapport d鈥檕ctobre 2008 de Chatham House, un institut de recherche britannique.

Des soldats ougandais de l鈥橴nion africaine escortent jusqu鈥檃u port de Mogadiscio (Somalie) un cargo lib茅r茅 par les pirates.

Photo: Reuters / Omar Faruk

Au Puntland, la r茅gion autonome de Somalie la plus associ茅e 脿 la piraterie, ces op茅rations sont consid茅r茅es comme d鈥檌mportantes sources de revenus qui procurent des emplois et b茅n茅ficient 脿 des centaines de personnes.

Au d茅part, de nombreux pirates 茅taient simplement des p锚cheurs ; comme le souligne Mme Petretto, les zones de p锚che de la Somalie 茅taient auparavant une source de revenus pour la population locale, mais elles ont progressivement attir茅 de nombreux bateaux de p锚che europ茅ens et asiatiques qui ont surexploit茅 les stocks de poissons et probablement inspir茅 aux Somaliens 鈥渓e sentiment qu鈥檌ls ont de bonnes raisons de s鈥檈n prendre aux navires 茅trangers鈥�.

Il existe des mesures efficaces de lutte contre la piraterie ; jusqu鈥檈n 2004 le d茅troit de Malacca, l鈥櫭﹖roit passage qui s鈥檕uvre entre la Malaisie, l鈥橧ndon茅sie et Singapour, 茅tait la r茅gion du monde la plus infest茅e de pirates, avec cette ann茅e-l脿 103 attaques. Les trois pays ont alors organis茅 conjointement des patrouilles a茅riennes et maritimes quotidiennes et ont r茅ussi 脿 ramener 脿 seulement 32 le nombre d鈥檃ctes de piraterie commis entre janvier et septembre 2008.

Depuis que le Conseil de s茅curit茅 a autoris茅 en juin les puissances navales 脿 conduire des patrouilles similaires au large de la Somalie, les navires de guerre de plus d鈥檜ne douzaine de pays, y compris des pays de l鈥橭TAN, des membres de l鈥橴nion europ茅enne ainsi que la Russie et l鈥橧nde, se sont relay茅s pour assurer la surveillance de cette zone. R茅sultat : le nombre de d茅tournements de navire r茅ussis a chut茅, passant entre ao没t et octobre de 53 % 脿 31 % du nombre total d鈥檃ttaques perp茅tr茅es. Mais la zone concern茅e est trop vaste 鈥� on l鈥檈stime 脿 6,5 millions de kilom猫tres carr茅s 鈥� pour 锚tre contr么l茅e efficacement.

Des moyens limit茅s

Les pays africains eux-m锚mes ne disposent pas des moyens n茅cessaires pour contribuer 脿 un tel effort. Ils n鈥檕nt pas 鈥渄鈥檃rgent pour le carburant, encore moins le mat茅riel pour assurer une surveillance ad茅quate en mer et la s茅curit茅 des ports鈥�, affirme Chris Trelawny, responsable de la s茅curit茅 maritime 脿 l鈥橭MI.

Pour combattre efficacement la piraterie, les pays c么tiers africains auraient besoin de 鈥渟yst猫mes d鈥檃lerte rapide et de services de renseignement efficaces, de forces de dissuasion et d鈥檌ntervention cr茅dibles鈥� dot茅es d鈥檜ne haute mobilit茅鈥� et de la capacit茅 de mener des op茅rations prolong茅es鈥�, explique Len le Roux de l鈥橧nstitut sud-africain des 茅tudes de s茅curit茅. Ce sont pr茅cis茅ment l脿 les moyens 鈥渜ui font cruellement d茅faut en Afrique鈥�.

Le Nig茅ria, riche pays p茅trolier dans les eaux duquel sont commis la grande majorit茅 des actes de piraterie en Afrique de l鈥橭uest, a la meilleure marine de guerre de la r茅gion. Mais en 2005, son ancien commandant a d茅clar茅 aux m茅dias locaux que 鈥渄ans son 茅tat actuel鈥� elle 茅tait incapable de prot茅ger les eaux territoriales du pays, car elle 茅tait 鈥渕al 茅quip茅e et sous-financ茅e鈥�. Les eaux situ茅es au large du Cameroun et de l鈥橝ngola sont 茅galement le th茅芒tre d鈥檃ctes de piraterie, mais les marines de ces pays sont encore moins bien 茅quip茅es.

L鈥橝frique du Sud est en meilleure posture et son aviation patrouille quotidiennement les c么tes du pays ; mais ces patrouilles a茅riennes peuvent tout 脿 fait ne pas rep茅rer certains navires ou les vedettes rapides pris茅es des pirates.

Pire, selon M. le Roux, il n鈥檈xiste pas de solution r茅gionale. Il note que les mesures prises par l鈥橴nion africaine pour mettre sur pied des forces de maintien de la paix ne tiennent pas compte des menaces maritimes. Ces plans, affirme-t-il, donnent 鈥渓鈥檌mpression que l鈥橝frique n鈥檃 pas de c么te ou de zone maritime, encore moins d鈥檌nt茅r锚ts maritimes plus g茅n茅raux comme le commerce ou les ressources maritimes鈥�.

Approche r茅gionale

La coop茅ration internationale aide aujourd鈥檋ui les pays d鈥橝frique de l鈥橭uest 脿 mieux assurer la s茅curit茅 maritime. Les Etats-Unis et les pays europ茅ens collaborent avec les marines de guerre locales pour renforcer leurs moyens et pour organiser conjointement le contr么le de leurs eaux territoriales.

Mais d鈥檃pr猫s un rapport de 2005 de l鈥橭ffice des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), ni l鈥檈ntra卯nement des forces navales, ni un meilleur 茅quipement, ni une meilleure police maritime ne suffiront. Renforcer la 鈥渓茅gitimit茅 des gouvernements鈥�, 鈥� lutter contre la corruption鈥� et rem茅dier 脿 une pauvret茅 end茅mique sont essentiels si on veut priver les 茅l茅ments criminels d鈥檜n environnement favorable aux activit茅s ill茅gales. En Somalie, notait le rapport de Chatham House, bien que la piraterie constitue un probl猫me depuis l鈥檈ffondrement du gouvernement en 1991, elle avait pratiquement disparu pendant les six mois de r猫gne de l鈥橴nion des tribunaux islamiques en 2006. 鈥淐eci indique qu鈥檜n gouvernement effectif en Somalie est capable de contr么ler la piraterie鈥�, conclut ce rapport.

Lors d鈥檜ne conf茅rence internationale organis茅e en d茅cembre 2008 脿 Nairobi sous les auspices de l鈥橭NU, l鈥橭NUDC a pr茅sent茅 une s茅rie de propositions concr猫tes visant 脿 combattre la piraterie. 鈥淟a coop茅ration r茅gionale est essentielle鈥�, a d茅clar茅 脿 la mi-d茅cembre Antonio Maria Costa, Directeur g茅n茅ral de l鈥橭NUDC.

En plus de s鈥檃ttaquer aux transferts de fonds, il est propos茅, parmi les mesures recommand茅es, de demander aux pays de la r茅gion d鈥檜nir leurs efforts de fa莽on 脿 placer des policiers 脿 bord des navires de guerre op茅rant dans les eaux somaliennes et de faire juger par les tribunaux locaux les pirates appr茅hend茅s, m茅thode qui a fait ses preuves dans les Antilles. La r茅solution vot茅e en d茅cembre par le Conseil de s茅curit茅 appelle les pays voisins de la Somalie 脿 茅tablir cette pr茅sence polici猫re sur les navires et 脿 mettre sur pied un groupe de contact charg茅 de recueillir des renseignements sur les pirates.

N茅anmoins, les repr茅sentants africains qui sont intervenus 脿 la r茅union de d茅cembre du Conseil de s茅curit茅 ont d茅clar茅 craindre que la lutte contre la piraterie ne fasse oublier la n茅cessit茅 de r茅gler les probl猫mes de paix, de s茅curit茅 et de crise humanitaire qui se posent en Somalie.