25 novembre 2019

Si, au cours des 25 dernières années, des progrès considérables ont été accomplis pour éradiquer la violence à l’égard des femmes, il reste encore beaucoup à faire. Les mouvements pour les droits des femmes ainsi que la mise en ?uvre et l’évolution du cadre international relatif aux droits des femmes ont permis de mieux faire comprendre que la violence à l’égard des femmes est fondée sur le sexe, ce qui est une forme de discrimination et une violation des droits de la personne. En tant que Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, j’ai contribué à ce processus. L’interdiction de la violence sexiste est devenue un principe du droit international coutumier et, en tant que tel, elle a une valeur contraignante pour tous les ?tats. Aujourd’hui, les principaux défis concernent l’absence d’une protection complète des droits des femmes en tant que droits fondamentaux, le manque de lois et de règlements intégrés ainsi que l’absence de données comparatives sur les différentes formes de violence à l’égard des femmes.

Nous devons mettre l’accent sur la mise en ?uvre des obligations internationales et reconna?tre les contributions faites par les mécanismes d’experts indépendants sur les droits fondamentaux des femmes, comme le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, le Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles et le mandat qui m’a été confié ainsi que d’autres mécanismes de surveillance régionaux des violations des droits fondamentaux des femmes. Il faut soutenir davantage les organismes de contr?le chargés de mettre en ?uvre les engagements en matière d’égalité des sexes, l’autonomisation des femmes et l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard des femmes. Ces engagements sont aussi explicitement reconnus comme étant nécessaires pour réaliser les objectifs de développement durable (ODD) du Programme de développement durable à l’horizon 2030, en particulier l’objectif 5 sur l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des filles. Ils sont également énoncés dans la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) ainsi que dans la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes.

Permettez-moi de présenter brièvement le mandat du Rapporteur spécial sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences. ?tabli en 1994 par la Commission des droits de l’homme des Nations Unies d’alors, ce fut le premier mécanisme mis en place pour éliminer la violence à l’égard des femmes, ses causes et ses conséquences et pour intégrer cette question dans le système des droits de l’homme des Nations Unies. Fondé sur ces principes, ce mandat est axé sur les obligations des ?tats parties en matière de droits de l’homme, y compris l’obligation de diligence de prévenir et de combattre les actes de violence contre les femmes et les filles, qu’ils soient commis par des ?tats, des acteurs non étatiques ou des individus, notamment la violence domestique. Il s’inscrit dans le cadre des droits de l’homme, qui comprend la Déclaration des droits de l’homme des Nations Unies, la CEDAW, la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, la Déclaration et le Programme d’action de Beijing ainsi que les instruments régionaux pertinents.

Au cours des 25 dernières années, ce mandat a servi de catalyseur pour la formulation de recommandations en vue de prévenir et de combattre la violence à l’égard des femmes et des filles sous l’angle des droits de la personne, y compris par des rapports thématiques de visites de pays et l’interprétation des obligations des ?tats conformément aux obligations découlant des cadres juridiques internationaux et régionaux. Dans le cadre de mon mandat, j’ai aussi traité de nouvelles formes de violence, comme la violence en ligne à l’égard des femmes, la violence dont elles font l’objet dans le monde politique et pendant les élections ainsi que les mauvais traitements et les violences infligés lors de l’accouchement, notamment les violences obstétricales, ce qui a été défini pour la première fois comme une violation des droits de la personne dans le rapport que j’ai présenté à l’Assemblée générale en octobre 20191.

Au Balochistan, au Pakistan, Nosheen et Ambreen, des éclaireuses appartenant au mouvement scout pakistanais, disent ? Soyons fermes pour mettre fin à la violence ?.

En termes d’élaboration des normes et en réponse aux longs débats sur la pertinence d’un cadre international des droits de la personne pour traiter la violence à l’égard des femmes, le Rapporteur spécial et le Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ont adopté en 2017 la recommandation générale n° 35 sur la violence sexiste à l’égard des femmes, mettant à jour la recommandation générale n° 19 de 1992. Cette nouvelle recommandation générale fournit les normes les plus strictes pour remédier à la violence sexiste ainsi qu'une feuille de route pour la prévenir et l’éradiquer. Mon r?le actif au cours de mon mandat fut le premier exemple de la collaboration officielle entre un organe conventionnel et une titulaire de mandat d’une procédure spéciale dans la rédaction de cette recommandation. Avec le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, nous envisageons à présent d’élaborer un Guide de mise en ?uvre.

En 2018, afin de répondre à la nécessité d’adopter une démarche à l’échelle du système des Nations Unies pour remédier à la violence à l’égard des femmes, j’ai lancé une plate-forme de coopération entre l’Organisation et les mécanismes d’experts indépendants régionaux afin d’accélérer la mise en ?uvre du cadre juridique international et régional. Cette plate-forme est composée d’un Rapporteur spécial sur la violence contre les femmes; de la CEDAW; de la Commission interaméricaine des droits de l’homme; du Rapporteur sur les droits des femmes; du Groupe de travail sur la question de la discrimination à l’égard des femmes en droit comme en pratique; de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples; du Rapporteur spécial sur les droits des femmes en Afrique; du Comité d’experts sur les mécanismes de suivi de la mise en ?uvre de la Convention Belém do Pará; et du Conseil du groupe d’experts de l’Europe sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. La plate-forme a adopté sept déclarations communes et, en s’exprimant d’une seule voix sur des questions présentant un intérêt commun, elle est devenue un outil efficace pour sensibiliser aux questions touchant les femmes et les filles dans le monde.

Récemment, à la fois aux niveaux régional et international, nous avons constaté une sensibilisation accrue aux droits des femmes, mais aussi à la persistance de la violence à l’égard des femmes et des filles dans toutes les couches de la société. Les mouvements qui se sont propagés par le biais des médias sociaux, comme #MeToo, #NiUnasMenos et #BreaktheSilence, ont mis en évidence les nombreuses formes de harcèlement sexuel et de violence sexiste auxquelles les femmes sont confrontées dans le monde. Alors que dans de nombreuses parties du monde, les femmes se sentent plus autonomes et sont davantage prêtes à se battre pour défendre leurs droits, dans d’autres elles sont silencieuses en raison de la stigmatisation sociale et de l’absence d’un environnement propice où elles peuvent signaler les actes de violence commis contre elles. Nous constatons aussi un recul considérable des droits des femmes et la montée de mouvements qui dénoncent ??l’idéologie du genre??, confirmant la nature endémique et répandue de la violence contre les femmes, la base de son pouvoir et la normalisation ainsi que la tolérance de cette violence dans toutes les sphères de la vie publique et privée.

? Port-au-Prince, en Ha?ti, 40 membres du personnel de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Ha?ti (MINUSTAH) et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ont formé une cha?ne orange autour du symbole féminin. 20 nov 2013

Malgré l’évolution du cadre de la paix et de la sécurité internationales, y compris l’adoption par le Conseil de sécurité des Nations Unies de la résolution 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité ainsi qu’une plus grande sensibilisation à la violence contre les femmes pendant les périodes de conflit et de paix, nous n’avons pas constaté de diminution de la violence sexiste dans les conflits. Cela est d?, en partie, au peu d’attention porté aux causes profondes et aux conséquences de cette forme de violence ainsi qu'à la déconnexion entre la mise en ?uvre de la résolution 1325 et le cadre général des droits fondamentaux des femmes.

L’absence de données comparatives bloquent les initiatives en matière de prévention et contribuent à la normalisation de la violence. Une analyse des données concernant les homicides commis par un partenaire intime montre que plus de 80?% des victimes sont des femmes. En 2016, afin de répondre à cette horrible forme de violence, j’ai lancé une initiative de surveillance des féminicides, appelant tous les ?tats à mettre en place un observatoire des féminicides et de la violence à l’égard des femmes, de publier tous les ans les données pertinentes et de les analyser.

J’ai appelé tous les ?tats à saisir l’occasion offerte par la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes (le 25 novembre) pour publier les données sur les féminicides et mettre l’accent sur leur prévention.

Nous devons exploiter la dynamique créée par l’examen Beijing +25 et l’examen quinquennal des progrès accomplis vers la réalisation de l’ODD 5 en 2020 afin d’adopter une nouvelle démarche à l’échelle du système des Nations Unies en vue d’éliminer la violence à l’égard des femmes et des filles. Nous devrions aussi intégrer dans le système des Nations Unies la plate-forme de coopération entre les Nations Unies et les mécanismes régionaux sur la violence à l’égard des femmes et leurs droits et la relier aux efforts menés par les diverses organisations afin de réaliser l’égalité des sexes. En tant que principal organe chargé d’examiner la mise en ?uvre de la Déclaration et la plate-forme d’action de Beijing, la Commission de la condition de la femme des Nations Unies devrait inscrire la violence à l’égard des femmes comme point permanent de son ordre du jour et devenir un organe de mise en ?uvre qui examine régulièrement les progrès accomplis.

Notes

[1] A/74/137. Disponible sur le site .

25 novembre 2019

La Chronique de l’ONU ne constitue pas un document officiel. Les points de vue exprimés par les auteurs, les frontières et les noms indiqués ainsi que les désignations employées sur les cartes ou dans les articles, n’impliquent pas nécessairement la reconnaissance ni l'acceptation officielle de l’Organisation des Nations Unies.?

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La?Chronique de l’ONU?ne constitue pas un document officiel. Elle a le privilège d’accueillir des hauts fonctionnaires des Nations Unies ainsi que des contributeurs distingués ne faisant pas partie du système des Nations Unies dont les points de vue ne reflètent pas nécessairement ceux de l’Organisation. De même, les frontières et les noms indiqués ainsi que les désignations employées sur les cartes ou dans les articles n’impliquent pas nécessairement la reconnaissance ni l’acceptation officielle de l’Organisation des Nations Unies.?