L'Ougandais Timothy Laku, expert en transformation num茅rique, estime que l'Afrique est pr锚te 脿 r茅colter les fruits de la quatri猫me r茅volution industrielle, qui, selon l'茅conomiste Klause Schwab, fondateur du Forum 茅conomique mondial, est aliment茅e en partie par les technologies num茅riques.
L'optimisme d茅bordant de M. Laku vient du fait que les outils num茅riques sont actuellement accessibles aux Africains, alors que les technologies ne l'茅taient pas lors des pr茅c茅dentes r茅volutions industrielles.听
"La premi猫re r茅volution industrielle concernait les moteurs 脿 vapeur utilis茅s pour le transport - les bateaux. La deuxi猫me r茅volution industrielle a eu lieu lorsque l'茅lectricit茅 a 茅t茅 d茅couverte. La troisi猫me r茅volution a 茅t茅 l'invention de l'ordinateur", explique-t-il dans une interview accord茅e 脿 Afrique Renouveau.
"Il a fallu environ 50 ans 脿 l'Afrique pour adopter les technologies de la premi猫re et de la deuxi猫me r茅volution industrielle, et il a fallu 10 ans pour que les ordinateurs gagnent du terrain sur le continent."
Au m锚me niveau que les autres r茅gions
Mais aujourd'hui, soutient l'expert num茅rique Ougando-K茅nyan, "c'est la premi猫re fois dans l'histoire que l'Afrique est 脿 茅galit茅 avec le reste du monde".
"S'il s'agit de l'internet, l'Afrique a aussi l'internet ; s'il s'agit d'une technologie qui est pilot茅e au Japon, les pays d'Afrique la pilotent aussi. Par exemple, environ six ou sept pays testent d茅j脿 la 5G en Afrique", dit-il.
M. Laku, qui est le directeur de la technologie de Bringo Fresh, une entreprise bas茅e en Ouganda qui utilise une plateforme en ligne pour mettre en relation les agriculteurs et les consommateurs, s'est r茅cemment exprim茅 lors d'un forum virtuel organis茅 par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture. Il a saisi cette occasion pour plaider en faveur de l'utilisation de la technologie pour lutter contre les pertes et le gaspillage alimentaires.
脌 l'茅chelle mondiale, quelque 1,3 milliard de tonnes de nourriture sont perdues ou gaspill茅es chaque ann茅e.
Chez Bringo Fresh, il explique : "Nous regroupons les donn茅es relatives 脿 l'offre et 脿 la demande. Nous fournissons aux agriculteurs les informations qui soutiennent leur planification de la production et leur garantissent un march茅 coh茅rent pour leurs produits."
Bringo Fresh forme 茅galement les agriculteurs aux bonnes pratiques agricoles et aux moyens d'茅viter les pertes et le gaspillage de nourriture.听
La technologie dans l'agriculture
M. Laku s'extasie devant le potentiel catalyseur des t茅l茅phones portables dans l'agriculture africaine. "Prenons l'exemple de l'argent mobile. Les agriculteurs vendent leurs produits et cet argent reste dans leur t茅l茅phone. Lorsqu'ils veulent payer les frais de scolarit茅 de leurs enfants, ils transf猫rent l'argent du compte mobile money au compte mobile de l'茅cole. Ils n'ont pas besoin de quitter leur ferme.
"Ils paient les biens et les services par le biais de leur t茅l茅phone mobile, ce qui leur laisse plus de temps pour travailler dans les fermes."
La Global System for Mobile Association (GSMA), qui repr茅sente les int茅r锚ts des op茅rateurs mobiles du monde entier, indique dans son rapport 2021 que, 脿 l'茅chelle mondiale, l'Afrique subsaharienne repr茅sente "la moiti茅 des services d'argent mobile en direct et les deux tiers de la valeur totale des transactions." Il soutient que ce chiffre augmentera dans les ann茅es 脿 venir, car la pand茅mie de COVID-19 oblige les gens 脿 se tourner vers les services num茅riques.
M. Laku part du principe que les agriculteurs ont besoin de donn茅es pertinentes pour r茅ussir. Il l'explique ainsi : "Dans une commune, les agriculteurs vendent le ma茂s 脿 10 dollars le sac. Mais dans une autre ville voisine, peut-锚tre 脿 30 minutes de route, un kilo de ma茂s se vend 15 dollars le sac. Si ces agriculteurs ont acc猫s 脿 ces informations par t茅l茅phone, ils peuvent vendre leurs produits dans cette ville et gagner plus d'argent. Ils profitent donc des informations rendues disponibles par la technologie."
L'int茅gration progressive de la technologie dans l'agriculture attire les jeunes Africains vers ce secteur, observe-t-il.
"Ce que nous constatons aujourd'hui, c'est que davantage de jeunes participent 脿 l'agriculture. Ils tirent parti des t茅l茅phones portables et des applications num茅riques : un site web, une plateforme de commerce 茅lectronique, des applications mobiles, des commandes en ligne - ce genre de choses les excite.听
Attirer les jeunes
"脌 l'茅poque, l'agriculture signifiait se rendre dans un champ ouvert et labourer le sol. Plus maintenant."听
Une symbiose entre la technicit茅 des jeunes et l'exp茅rience des anciens est une solution gagnante pour les deux.
Il note : "Les agriculteurs plus 芒g茅s qui ne sont pas f茅rus de technologie, qui voient les jeunes agriculteurs tirer parti des outils num茅riques pour vendre et r茅colter davantage, commencent maintenant 脿 dire : 'peut-锚tre qu'il est temps pour moi de comprendre cette chose appel茅e smartphone. Je devrais peut-锚tre commencer 脿 comprendre cette technologie".
Qu'en est-il des pertes de post-production ?
Les pertes post-production sont en partie dues 脿 un manque d'information, qui, l脿 encore, peut 锚tre r茅solu par l'innovation, affirme M. Laku.
"Ainsi, les agriculteurs n'ont pas les informations qui leur permettent de g茅rer le processus de post-production. Ils ne savent pas comment stocker les produits parce qu'ils n'ont pas 茅t茅 form茅s professionnellement pour le faire. Ils le font de mani猫re traditionnelle, comme leurs grands-parents le faisaient."听
Les agriculteurs et la ZLECAf
M. Laku pr茅voit que la Zone de libre-茅change continentale africaine (ZLECAf) sera une b茅n茅diction pour les agriculteurs africains. La ZLECAf garantit la libre circulation des biens et des services produits sur le continent.
"Tant qu'il n'y a pas de restrictions aux fronti猫res, et qu'il y a un taux d'imposition unique ou pas d'imposition du tout, les agriculteurs peuvent planifier et dire : "OK, j'ai telle terre et comme j'ai acc猫s 脿 de plus grands march茅s, je peux produire peut-锚tre cinq ou dix fois plus"", explique-t-il.
Il ajoute que les agriculteurs auront besoin d'informations sur la demande et l'offre sur les march茅s 茅trangers. "Et le seul moyen pour que ces informations leur parviennent est de passer par des plateformes num茅riques".
Le hic, cependant, dans toute cette transformation num茅rique, c'est le co没t de l'internet. "Si le co没t d'internet est exorbitant, il est impossible pour les agriculteurs de tirer parti de la technologie num茅rique", dit-il. "L'acc猫s 脿 internet devrait 锚tre un droit humain".
Un internet abordable et des combin茅s compatibles avec l'internet restent un d茅fi. La GSMA note que "En Afrique subsaharienne, par exemple, le co没t m茅dian d'un combin茅 d'entr茅e de gamme compatible avec Internet repr茅sentait plus de 120 % du revenu mensuel des 20 % les plus pauvres de la population en 2019."
M. Laku mentionne 茅galement l'insuffisance des infrastructures, notamment les mauvaises routes, comme un autre d茅fi.
"Autant le num茅rique d茅pend d'internet, mais si un agriculteur ne peut pas d茅placer un camion de produits d'une ville 脿 l'autre parce que c'est la saison des pluies et que les routes sont mauvaises, le processus s'arr锚te brusquement", dit-il. "La cha卯ne d'approvisionnement en Afrique est l'une des raisons pour lesquelles tout devient tr猫s cher.
Les conflits ou l'instabilit茅 politique dans certains pays constituent 茅galement un obstacle, admet-il. "Tant qu'il y a un conflit dans un pays, les agriculteurs ne peuvent pas tirer pleinement parti de la technologie pour le d茅veloppement."
L'exportation de produits bruts d'Afrique qui sont ensuite transform茅s 脿 l'茅tranger et r茅export茅s sur le continent ralentira la qu锚te d'une industrialisation bas茅e sur les produits de base, pr茅vient-il.听
Ajouter de la valeur aux produits
"Il existe un march茅 pour les produits 脿 valeur ajout茅e en Afrique. Pourquoi ne pouvons-nous pas construire des installations de fabrication pour ajouter de la valeur 脿 nos produits ?", demande-t-il rh茅toriquement.听
"Ce qui manque 茅galement, c'est l'information concernant l'importance du march茅 pour un produit et la quantit茅 d'argent 脿 investir. Par exemple, si l'on comprend combien d'argent peut 锚tre gagn茅 脿 partir de la cha卯ne de valeur du chocolat et combien ce march茅 est 茅norme en Afrique, alors plus d'investisseurs locaux seront int茅ress茅s par la conversation sur l'ajout de valeur.
"En l'茅tat actuel des choses, il peut me falloir 10 ans pour atteindre le seuil de rentabilit茅 dans un seul pays, mais si j'ai acc猫s au march茅 africain de 1,2 milliard d'habitants, par opposition aux 40 millions de l'Ouganda, alors, tout 脿 coup, le retour sur investissement devient int茅ressant." Dans ce cas, il estime que la ZLECAf est le bienvenu.
Enfin, M. Laku conseille aux jeunes Africains d'essayer d'锚tre des entrepreneurs sociaux. "Recherchez les opportunit茅s qui s'offrent 脿 vous et r茅fl茅chissez 脿 la mani猫re dont vous pouvez tirer parti des outils num茅riques pour les transformer en entreprises rentables tout en apportant une valeur ajout茅e 脿 leur communaut茅."
