Zlecaf : L'argument environnemental en faveur de la zone de libre-茅change continentale

Andrew Mold

Les n茅gociations sur le climat ( CdP27) qui se tiendront 脿 Sharm El-Sheikh, en 脡gypte, en novembre prochain, interviennent 脿 un moment o霉 la dynamique de la Zone de libre-茅change continentale africaine (Zlecaf) s'acc茅l猫re avec le lancement r茅cent de l'initiative de commerce guid茅 - un projet pilote inaugural de huit pays africains qui 茅changent leurs produits selon les conditions pr茅f茅rentielles du trait茅.听

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La Zlecaf vise 脿 cr茅er un march茅 unique de 1,3 milliard de personnes, avec un PIB estim茅脿 2,6 trillions de dollars. Selon la Banque mondiale, il pourrait sortir 30 millions de personnes de l'extr锚me pauvret茅.听

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En m锚me temps, dans une interview r茅cente avec Afrique Renouveau, Akinwumi Adesina, le pr茅sident de la Banque africaine de d茅veloppement, soutient que puisque la COP27 est la COP de l'Afrique, elle doit aborder les d茅fis climatiques de l'Afrique.听

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Du point de vue de la Zlecaf, 脿 quoi pourrait ressembler une r茅ponse au changement climatique men茅e par l'Afrique ?听

Pour parvenir 脿 un d茅veloppement durable, l'Afrique doit 茅galement acc茅l茅rer le rythme de son industrialisation et r茅duire sa d茅pendance vis-脿-vis des importations de produits manufactur茅s. Les 茅tudes montrent 脿 plusieurs reprises que le secteur manufacturier sera le principal b茅n茅ficiaire de la Zlecaf.听

L'Afrique ne repr茅sente qu'une part infime des 茅missions de gaz 脿 effet de serre (GES) - moins de 4 % - et pourtant, comme le reconna卯t le rapport 2022 du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'茅volution du climat (GIEC), le continent africain sera le plus n茅gativement touch茅 par le changement climatique. Cette r茅alit茅 est d茅j脿 douloureusement 茅vidente en Afrique de l'Est o霉, apr猫s quatre saisons cons茅cutives de pr茅cipitations inf茅rieures 脿 la moyenne, la Corne est confront茅e 脿 une s茅cheresse catastrophique, la pire depuis 40 ans.听

Les accords de libre-茅change comme la ZLECAf ne sont g茅n茅ralement pas associ茅s 脿 des politiques respectueuses du climat, car de nombreuses personnes per莽oivent 脿 juste titre le commerce comme un contributeur majeur aux 茅missions de carbone. Selon l'Organisation mondiale du commerce, les GES 茅mis par la production et le transport des biens et services 茅chang茅s repr茅sentent en moyenne 20 脿 30 % des 茅missions mondiales de GES. Le secteur du transport international g茅n猫re 脿 lui seul 12 % des 茅missions.听

Avec la croissance spectaculaire du commerce mondial depuis les ann茅es 1950, la demande mondiale pour un choix et une vari茅t茅 accrus de biens et de services conna卯t peu de limites. Par exemple, le transport a茅rien de marchandises p茅rissables de faible valeur est devenu 茅conomiquement viable.听

Aujourd'hui, tout au long de l'ann茅e, les supermarch茅s des pays 脿 revenu 茅lev茅 stockent des fruits, des l茅gumes et des fleurs frais provenant du monde entier, ce qui ouvre des fen锚tres d'opportunit茅 pour les fournisseurs des pays au climat plus chaud ou ceux de l'h茅misph猫re sud.

Les changements technologiques - la "quatri猫me r茅volution industrielle" tant vant茅e - facilitent d茅sormais la production 脿 plus petite 茅chelle dans le secteur manufacturier, rendant une approche localis茅e de la production beaucoup plus viable. Face aux importantes perturbations du commerce mondial de ces derni猫res ann茅es, il est conseill茅 de raccourcir les cha卯nes d'approvisionnement et de produire davantage pour le march茅 r茅gional. Plus important encore, un commerce intra-r茅gional plus important sera moins dommageable pour l'environnement mondial que des cha卯nes de valeur 脿 longue distance.

Certains pays d'Afrique de l'Est ont su tirer parti de ces opportunit茅s. Par exemple, l'exportation annuelle de produits horticoles du Kenya vers l'Europe s'茅l猫ve 脿 plus d'un milliard de dollars US, ce qui repr茅sente un sixi猫me de ses exportations totales.听

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Pourtant, la crise de la COVID-19 a expos茅 la vuln茅rabilit茅 de ces cha卯nes d'approvisionnement. Nous devons 茅galement nous demander si de tels mod猫les de production et de consommation sont finalement durables. Les cultures de rente destin茅es 脿 l'exportation ont toujours 茅t茅 controvers茅es. Si le fait de c茅der des terres arables de bonne qualit茅 pour la production de th茅, de caf茅, de l茅gumes, de fruits tropicaux ou de fleurs a une justification 茅conomique pour les pays en d茅veloppement 脿 court d'argent, des inqui茅tudes ont 茅t茅 soulev茅es (pas toujours fond茅es, il faut le dire) quant au fait que cela compromet la s茅curit茅 alimentaire.听

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Ce qui est clair, c'est qu'actuellement en Afrique, de nombreux besoins fondamentaux - nourriture, logement et acc猫s 脿 l'茅nergie - ne sont pas satisfaits, et que le triple choc du changement climatique, de la pand茅mie de la COVID-19 et du conflit en Ukraine a aggrav茅 une situation d茅j脿 mauvaise.听

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L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) estime qu'en 2021, 278 millions d'Africains (soit plus d'un sur cinq) souffraient de malnutrition - une augmentation massive de 22 % par rapport 脿 2019. Compte tenu de la pr茅valence actuelle de l'inflation des prix alimentaires, des prix 茅lev茅s des intrants agricoles et des 茅v茅nements climatiques extr锚mes, on s'attend 脿 ce que les choses empirent avant de commencer 脿 s'am茅liorer. 听

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Davantage d'茅changes intrar茅gionaux de produits alimentaires et de biens industriels

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Un march茅 r茅gional plus dynamique pour les produits alimentaires dans le cadre de la Zlecaf contribuera grandement 脿 relever certains de ces d茅fis. Les diff茅rences topographiques et climatiques 脿 travers le continent signifient qu'il y a un grand potentiel pour plus de commerce intra-africain dans les cultures vivri猫res. Par exemple, lorsque le Kenya a subi une grave s茅cheresse en 2016-17, les importations en provenance de l'Ouganda voisin en ont amorti les effets.听

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Une 茅tude de la Commission 茅conomique des Nations Unies pour l'Afrique ( CEA) affirme que davantage d'茅changes intra-r茅gionaux de ce type pourrait contribuer de mani猫re significative 脿 am茅liorer la s茅curit茅 alimentaire dans toute l'Afrique de l'Est. C'est une affirmation soutenue au niveau continental par le Cadre pour la dynamisation du commerce intra-africain des produits et services agricoles, 茅labor茅 conjointement par la Commission de l'Union africaine (CUA) et la FAO.听

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Pour parvenir 脿 un d茅veloppement durable, l'Afrique doit 茅galement acc茅l茅rer le rythme de son industrialisation et r茅duire sa d茅pendance vis-脿-vis des importations de produits manufactur茅s. Les 茅tudes montrent 脿 plusieurs reprises que le secteur manufacturier sera le principal b茅n茅ficiaire de la Zlecaf.听

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Pourtant, l'industrialisation a historiquement 茅t茅 associ茅e 脿 des besoins 茅nerg茅tiques croissants. Le continent devrait donc mieux exploiter les nouvelles technologies pour faire un bond en avant vers une croissance 茅conomique moins gourmande en 茅nergie. Il y a six ans, un rapport de la CEA plaidait pour une "industrialisation verte" du continent. Ces arguments restent valables.

Un recours accru aux pools 茅nerg茅tiques intra et interr茅gionaux tels que l'interconnexion Zambie-Tanzanie-Kenya (ZTK) pour les pools 茅nerg茅tiques d'Afrique de l'Est et d'Afrique australe pourrait r茅duire encore davantage la d茅pendance aux combustibles fossiles traditionnels. L'Afrique a le potentiel pour devenir le leader mondial dans ce domaine.听

Le pouvoir des march茅s r茅gionaux de l'茅nergie

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Des march茅s 茅nerg茅tiques r茅gionaux plus forts pourraient 茅galement s'av茅rer strat茅giques pour r茅duire les 茅missions. L'Afrique est riche en sources d'茅nergie renouvelables telles que la g茅othermie, l'茅nergie 茅olienne et l'hydro茅lectricit茅. Le Kenya, par exemple, est l'un des leaders mondiaux des 茅nergies renouvelables, tirant la majeure partie de son 茅nergie de sources g茅othermiques.听

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De m锚me, avec une abondance d'茅nergie hydro茅lectrique et solaire, l'脡thiopie a le potentiel de g茅n茅rer plus de 60 000 MW 脿 partir de sources renouvelables. Environ 90 % de la production d'茅lectricit茅 de l'脡thiopie provient de sources hydro茅lectriques, les 10 % restants 茅tant g茅n茅r茅s par des sources 茅oliennes et thermiques.

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Un recours accru aux pools 茅nerg茅tiques intra et interr茅gionaux tels que l'interconnexion Zambie-Tanzanie-Kenya (ZTK) pour les pools 茅nerg茅tiques d'Afrique de l'Est et d'Afrique australe pourrait r茅duire encore davantage la d茅pendance aux combustibles fossiles traditionnels. L'Afrique a le potentiel pour devenir le leader mondial dans ce domaine.听

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R茅duire les risques

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Un autre avantage majeur de la Zlecaf est que l'accord pr茅voit un acc猫s r茅ciproque contraignant au march茅, ce qui le rend moins risqu茅 que le commerce dans le cadre de r茅gimes d'acc猫s pr茅f茅rentiel au march茅 vers des march茅s lointains 脿 revenu 茅lev茅.听

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Il y a eu de multiples cas o霉 des restrictions ont 茅t茅 impos茅es aux exportations africaines dans le cadre de ces r茅gimes. En 2018, par exemple, le Rwanda a 茅t茅 partiellement suspendu des pr茅f茅rences de l'African Growth and Opportunity Act (AGOA) vers le march茅 am茅ricain en raison d'une politique restreignant l'importation de v锚tements d'occasion am茅ricains.

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L'ancien secr茅taire g茅n茅ral de la Conf茅rence des Nations Unies sur le commerce et le d茅veloppement, Mukhisa Kituyi, a fait remarquer un jour que le Kenya exporte chaque ann茅e plus de 350 millions de dollars de v锚tements neufs vers le march茅 am茅ricain, pour ensuite voir ces v锚tements renvoy茅s au Kenya comme v锚tements usag茅s, ce qui mine l'industrie textile de la r茅gion et ajoute aux 茅missions de carbone. Ne serait-il pas plus logique, a-t-il demand茅 rh茅toriquement, que les manufactures textiles r茅gionales fabriquent davantage de v锚tements neufs pour leurs propres citoyens ?听

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Dans le m锚me ordre d'id茅es, pr猫s de 80 % des v茅hicules en Afrique de l'Est sont de vieux v茅hicules d'occasion import茅s d'Europe et d'Asie qui ne r茅pondent pas aux normes d'茅missions modernes. Les constructeurs automobiles tels que Volkswagen ont 茅t茅 tr猫s explicites quant 脿 leur volont茅 de fabriquer dans la r茅gion de nouvelles voitures r茅pondant 脿 des normes d'茅mission 茅lev茅es, mais ils h茅sitent 脿 le faire tant que le march茅 continental n'est pas pleinement op茅rationnel. 听

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Les changements technologiques - la "quatri猫me r茅volution industrielle" tant vant茅e - facilitent d茅sormais la production 脿 plus petite 茅chelle dans le secteur manufacturier, rendant une approche localis茅e de la production beaucoup plus viable. Face aux importantes perturbations du commerce mondial de ces derni猫res ann茅es, il est conseill茅 de raccourcir les cha卯nes d'approvisionnement et de produire davantage pour le march茅 r茅gional. Plus important encore, un commerce intra-r茅gional plus important sera moins dommageable pour l'environnement mondial que des cha卯nes de valeur 脿 longue distance.

脡tant donn茅 que l'Afrique a d茅j脿 des 茅missions par habitant parmi les plus faibles du monde, le continent doit obtenir une plus grande marge de man艙uvre dans les n茅gociations de la CdP27. Les aspirations du continent en mati猫re de d茅veloppement 脿 long terme devraient 锚tre prises en compte, y compris la mise en 艙uvre de la Zlecaf, parall猫lement 脿 la fourniture des financements n茅cessaires pour aider 脿 att茅nuer les impacts n茅gatifs du changement climatique.听

Adopter une nouvelle approche dans le cadre de la Zlecaf

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L'une des premi猫res 茅tudes de Bengoa et. al (2021) sur les cons茅quences environnementales de la Zlecaf conc猫de que l'accord pourrait entra卯ner une augmentation marginale de 0,3 % des 茅missions de CO2, mais qu'en m锚me temps, il am茅liorera 茅galement la qualit茅 de l'air. Ceci est significatif 茅tant donn茅 qu'au cours des deux derni猫res d茅cennies de croissance 茅conomique rapide, la qualit茅 de l'air dans de nombreuses villes africaines s'est effondr茅e.

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脡tant donn茅 que l'Afrique a d茅j脿 des 茅missions par habitant parmi les plus faibles du monde, le continent doit obtenir une plus grande marge de man艙uvre dans les n茅gociations de la CdP27. Les aspirations du continent en mati猫re de d茅veloppement 脿 long terme devraient 锚tre prises en compte, y compris la mise en 艙uvre de la Zlecaf, parall猫lement 脿 la fourniture des financements n茅cessaires pour aider 脿 att茅nuer les impacts n茅gatifs du changement climatique.听

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Pourtant, une analyse r茅cente men茅e par la Climate Policy Initiative a calcul茅 que le financement du climat pour le continent ne s'茅l猫ve qu'脿 environ 30 milliards de dollars par an - 脿 peine un dixi猫me des 277 milliards de dollars par an n茅cessaires pour att茅nuer le changement climatique, et bien en de莽脿 des 100 milliards de dollars de financement suppl茅mentaire promis par les pays 脿 revenu 茅lev茅 dans le cadre de l'Accord de Paris de 2009 pour aider les pays 脿 faible revenu 脿 mettre en 艙uvre leurs plans climatiques.听

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En somme, la Zlecaf n'est pas un plaidoyer pour l'autarcie r茅gionale ; il s'agit plut么t d'un appel pour amorcer le commerce r茅gional et encourager les entreprises 脿 r茅pondre davantage aux go没ts et aux demandes locales. 脌 long terme, il rendra 茅galement l'茅conomie continentale plus comp茅titive et mieux 脿 m锚me de rivaliser sur les march茅s mondiaux.听

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Surtout, si elle s'accompagne du financement n茅cessaire pour le climat, d'investissements plus importants dans les 茅nergies renouvelables, d'une efficacit茅茅nerg茅tique accrue et de mesures visant 脿 am茅liorer la s茅curit茅 alimentaire, elle sera 茅galement plus douce pour la plan猫te.

Le Dr. Mold est le chef du cluster Int茅gration r茅gionale et la Zlecaf au sein du Bureau pour l'Afrique de l'Est de la Commission 茅conomique pour l'Afrique. Il est 茅galement l'auteur (avec Francis Mangeni) d'un livre 脿 para卯tre "Borderless Africa - A Sceptic's Guide to the Continental Free Trade Area", publi茅 par Hurst.听

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