Antonio Pedro, Secr茅taire ex茅cutif par int茅rim de la Commission 茅conomique des Nations Unies pour l'Afrique, a r茅cemment discut茅 du d茅veloppement de l'Afrique avec Kingsley Ighobor d'Afrique Renouveau. Dans cette seconde partie, M. Pedro souligne les avantages de la Zone de libre-茅change continentale africaine (ZLECAf) pour les 茅conomies africaines, la promesse des cr茅dits carbone et les perspectives de l'茅conomie bleue de l'Afrique. Voici des extraits de l'entretien.
Comment la ZLECAf soutient-elle le d茅veloppement de l'Afrique ?
Nous pourrions comparer la ZLECAf au plan Marshall de l'Afrique. Pourquoi ? Elle vise 脿 renforcer les fondamentaux commerciaux du continent. Compte tenu de la petite taille de nos 茅conomies individuelles, nous devons tirer parti d'un effet multiplicateur, en cr茅ant un march茅 unique et int茅gr茅 pour attirer les investissements.
Mais pour obtenir un effet multiplicateur, nous devons relever de nombreux d茅fis, tels que nos lacunes en mati猫re d'infrastructures. Le programme pour le d茅veloppement des infrastructures en Afrique vise 脿 r茅soudre certains de ces probl猫mes.
Nous devons 茅galement nous attaquer aux d茅salignements juridiques et r茅glementaires qui constituent des obstacles au commerce. Lors du sommet de la Commission de l'Union africaine en f茅vrier dernier, l'Assembl茅e a adopt茅 trois protocoles importants relatifs 脿 la concurrence, aux investissements et aux droits de propri茅t茅 intellectuelle.
Ces protocoles servent de catalyseurs 脿 la ZLECAf pour stimuler la transformation structurelle de l'Afrique et de piliers pour l'茅mergence d'une cha卯ne de valeur comp茅titive 脿 l'茅chelle mondiale sur le continent. Il est certain qu'un march茅 de 1,4 milliard d'habitants, qui devrait atteindre 2,5 milliards d'ici 脿 2050, repr茅sente une incitation substantielle pour les investisseurs. Un tel march茅 correspondrait 脿 la taille combin茅e de la Chine et de l'Inde aujourd'hui.
La mise en 艙uvre de la ZLECAf progresse-t-elle comme vous l'esp茅riez ?
Nous devons c茅l茅brer certaines 茅tapes importantes. Notamment, contrairement 脿 de nombreux autres plans directeurs continentaux, nous avons obtenu la ratification de la ZLECAf en un temps record. La Commission 茅conomique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA) et d'autres parties prenantes ont soutenu cet exercice en sensibilisant les parties prenantes 脿 la mani猫re dont la ZLECAf pourrait r茅pondre 脿 leurs pr茅occupations et 脿 leurs d茅fis.
脌 ce jour, nous disposons d'une trentaine de strat茅gies nationales de ZLECAF, qui jettent les bases du commerce intra-africain. Bien que nous n'en soyons qu'aux premiers stades, nous voyons d茅j脿 des signes prometteurs de commerce, comme les exportations de th茅 du Kenya vers l'脡gypte.
Il s'agit l脿 de petits pas. Pour mettre pleinement en 艙uvre la ZLECAf, nous devons aller plus loin, notamment en transposant les protocoles dans les l茅gislations et r茅glementations nationales. Cependant, le protocole sur la libre circulation des biens et des services reste un probl猫me. Ce protocole est tr猫s important car nous ne pouvons pas commercer sans lui.
脌 la lumi猫re de la d茅claration de Moroni, pensez-vous que l'茅conomie bleue de l'Afrique soit le prochain grand enjeu ?
C'est 茅norme ! La d茅claration de Moroni, issue d'une conf茅rence organis茅e 脿 Moroni, la capitale des Comores, portait sur les 脡tats insulaires et l'action climatique.
Elle reconna卯t que les 脡tats insulaires d'Afrique souffrent des m锚mes probl猫mes que les pays enclav茅s, qui ont d茅sormais des strat茅gies li茅es 脿 la terre. L'une des observations qui a guid茅 la d茅claration est que nos 脡tats insulaires sont essentiellement enclav茅s, quelque peu 脿 l'茅cart des cadres d'int茅gration r茅gionale existants. Nous devons faire le lien, passer de l'enclavement 脿 la liaison maritime.
En outre, l'茅conomie bleue offre aux 脡tats insulaires la possibilit茅 de participer de mani猫re significative 脿 la transformation structurelle de l'Afrique.
Nous avons 茅galement examin茅 l'茅tat des infrastructures portuaires. De nombreux ports se trouvent 脿 l'embouchure des fleuves. Nous devons draguer ces ports pour qu'ils puissent accueillir des porte-conteneurs plus grands. Le programme li茅 脿 la mer comprend la construction de ports en eau profonde dans les 脡tats insulaires afin qu'ils puissent se positionner en tant que centres de transbordement.
Nous avons 茅galement envisag茅 de fusionner la conservation de la nature, l'action climatique et l'utilisation des cr茅dits carbone afin de g茅n茅rer des flux de revenus pour des moyens de subsistance durables.
La d茅claration de Moroni et l'initiative de la Grande Muraille bleue lanc茅e lors de la COP26 [脿 Glasgow] soutiennent les efforts visant 脿 d茅velopper l'茅conomie bleue de l'Afrique, ce qui permettrait de faire passer la conservation de nos 茅cosyst猫mes marins d'environ 3 % 脿 30 %.
Pour la plupart des pays africains, il s'agit 茅galement de cr茅er de la valeur ajout茅e dans le secteur de la p锚che. En somme, ces initiatives pourraient g茅n茅rer jusqu'脿 un million d'emplois pour les jeunes.
La valeur pr茅vue du march茅 des cr茅dits carbone est de 120 milliards de dollars d'ici 脿 2050. Comment l'Afrique b茅n茅ficie-t-elle de ce march茅 et quels sont ses principaux points d'entr茅e ?
Le bassin du Congo est l'un de ces points d'entr茅e. C'est le deuxi猫me poumon du monde, apr猫s l'Amazonie. Ses zones humides ont un 茅norme potentiel de s茅questration du carbone. Pour cr茅er un march茅 du cr茅dit carbone, la CEA travaille avec la Commission climatique du bassin du Congo pour d茅velopper un registre cr茅dible et obtenir un prix plus comp茅titif pour chaque tonne de carbone s茅questr茅e.
Nos donn茅es sugg猫rent que l'Afrique pourrait g茅n茅rer 82 milliards de dollars par an si nous pouvions vendre le carbone s茅questr茅 脿 120 dollars la tonne. C'est plus que ce que le continent re莽oit actuellement de l'aide publique au d茅veloppement de l'Organisation de coop茅ration et de d茅veloppement 茅conomiques.
Dans la r茅gion du Sahel, le cr茅dit carbone consiste 脿 exploiter tout le potentiel de l'茅nergie solaire pour transformer le secteur de l'茅levage. Par exemple, des pays comme le Tchad et le Niger poss猫dent respectivement 100 millions et 20 millions de t锚tes de b茅tail. Pourtant, ils ne peuvent pas utiliser pleinement ces ressources en raison de l'absence de cha卯nes du froid et d'installations de transformation de la viande, qui d茅pendent toutes deux de la disponibilit茅 de l'茅nergie.
L'茅nergie solaire cr茅era des emplois et d'autres opportunit茅s 茅conomiques et r茅duira les perspectives de recrutement de jeunes par des groupes extr茅mistes comme Boko Haram. Les producteurs d'茅nergie solaire peuvent convertir l'茅nergie produite en cr茅dits carbone, tout en attirant des investisseurs socialement responsables.
En outre, la Corne de l'Afrique est tr猫s prometteuse dans ce secteur.
