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Sida : la fin de l'épidémie, si…

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Sida : la fin de l'épidémie, si…

L'annonce d'une percée scientifique inédite est confrontée à l'absence de fonds. Pour le moment ?
Afrique Renouveau: 
Associated Press / Denis Farrell
A patient having her blood tested in Johannesburg, South AfricaPrise de sang dans un hopital de Johannesbourg en Afrique du Sud. La découverte d'un nouveau traitement offre désormais plus d'espoir aux personnes porteuses du VIH. 
Photo: Associated Press / Denis Farrell

C'est un fait inédit, dont l'annonce aurait sans doute mérité une plus grande publicité : l'humanité dispose enfin d'outils scientifiques pour inverser le cours de l'épidémie mondiale de sida. Le 12 mai dernier, au terme de six ans d'essais cliniques, des chercheurs de l'Institut national de la santé des États-Unis l'ont révélé, expliquant qu'une prise en charge précoce des malades réduit la transmission du sida de plus de 96 %. Autrement dit, les médicaments antirétroviraux (ARV) permettent aux personnes porteuses du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) d'être bien moins contagieuses. Pour le continent africain qui, en 30 ans, a vu plus de 20 millions de personnes succomber à la maladie, la nouvelle est d'une importance capitale.

Cette annonce a été qualifiée de « nouvelle donne » par Michel Sidibé, directeur exécutif d'ONUSIDA (l'agence onusienne de lutte contre le sida). Celui-ci a déclaré à Afrique Renouveau que les programmes de traitement n'ont pas pu contenir le nombre élevé de nouvelles infections qui, en 2009, se situaient autour de 2 millions en Afrique. Cette récente découverte offre désormais au continent les possibilités de réduire de façon spectaculaire les nouvelles infections.

L'étude, menée dans neuf pays avec un budget de 73 millions de dollars, a révélé que la prise de médicaments antirétroviraux peu après le diagnostic réduisait presque totalement les quantités de VIH dans l'organisme diminuant ainsi les probabilités de transmission du virus. Auparavant, les patients ne débutaient le traitement antirétroviral qu'à partir des phases avancées de la maladie, ce qui avait pour effet de détruire les défenses naturelles de l'organisme. Bien qu'il n'existe aucun remède contre le VIH, une combinaison de différents médicaments antirétroviraux inhibe le virus et permet à l'organisme de se rétablir. Le patient doit prendre ces médicaments toute sa vie.

« Le débat sur la nécessité d'investir dans la prévention ou dans le traitement est finalement tranché, déclare M. Sidibé. Nous savons maintenant que le traitement, c'est la prévention. » L'étude a incité le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, à ouvrir une conférence de trois jours sur le sida, au siège de l'ONU début juin, déclarant à cette occasion : « Aujourd'hui, nous nous rassemblons pour endiguer la maladie. »

Et ce n'était pas la seule bonne nouvelle pour l'Afrique, région la plus durement touchée par la maladie. Lors de la réunion tenue du 8 au 10 juin, l'ONUSIDA a signalé que les nouvelles infections, les morts liées au sida et le taux d'infection général ont baissé ces dernières années, alors que l'accès aux médicaments antirétroviraux a lui connu un plein essor tout en restant cependant bien en deçà des besoins. (Voir tableau).

Grands espoirs, petits budgets

Toutefois, disposer de la technologie pour contenir la maladie ne signifie pas que l'on dispose de la volonté politique pour le faire. Beaucoup notent que les dépenses totales liées aux programmes de lutte contre le sida enregistrent un déficit d'environ 8 milliards de dollars. De même, les engagements pris pour accroître les dépenses des services de lutte contre le virus n'ont pas été tenus. Et la question de savoir d'où proviendra l'argent pour mettre sous traitement plusieurs millions de nouveaux patients, comme le recommande l'étude, reste pour l'heure sans réponse.

Au contraire, l'avancée dans le traitement survient alors que les donateurs montrent des signes de lassitude. Après des années de hausse, l'ONUSIDA et la Kaiser Family Foundation basée aux États-Unis indiquent que le financement international destiné à la lutte contre le sida a stagné en 2009, à hauteur de 7,6 milliards de dollars.

Les chiffres pour 2010 sont eux aussi déprimants. Ils marquent une baisse notable par rapport à l'année 2009. Jamais encore, de telles tendances n'avaient été signalées.

« Je pense que l'époque où nous pouvions compter sur un financement accru des programmes sur le sida dans les pays en développement est probablement bel et bien révolue, » a déclaré à Afrique Renouveau Jennifer Kates, Vice-présidente de la Kaiser Family Foundation et Directrice de la Politique en matière de santé et de VIH. « La seule question est de savoir si le financement avoisinera les niveaux actuels ou si la baisse de l'an dernier signale le début d'un déclin à long terme ». Dans ce cas, les populations des pays en développement ne bénéficieraient de cette avancée médicale que difficilement.

A patient having her blood tested in Johannesburg, South AfricaMilitants du sida manifestant devant le Bureau de l'Union européenne à Nairobi (Kenya), en signe de protestation contre un accord commercial qui pourrait compromettre les importations de génériques bon marché en provenance d'Inde. 
Photo: Associated Press / Khalil Senosi

« Désavoués et abandonnés »

Les budgets qui se réduisent commencent déjà à produire des effets néfastes. Témoignant devant le Congrès des États-Unis l'an dernier, le Dr Peter Mugyenyi, Directeur du novateur Joint Clinical Research Centre à Kampala, le centre médical le plus important de traitement antirétroviral en Ouganda, a fait l'éloge du Plan d'urgence du Président des États-Unis pour la lutte contre le sida (PEPFAR). Ce plan d'aide qui dispose de plusieurs milliards de dollars a selon lui sauvé de nombreuses vies. Grâce au financement du PEPFAR, du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, le nombre d'Africains recevant des médicaments antirétroviraux a augmenté, passant de moins de 50 000 en 2002 à environ 4,5 millions en moins de dix ans (voir Afrique Renouveau, avril 2005). « Le carnage auquel mes collègues et moi-même assistions tous les jours s'atténuait et la détresse et la misère cédaient la place à l'espoir. »

Mais il a également déclaré que « la double réalité de la crise économique de 2008 et le rythme plat des fonds destinés au PEPFAR menacent d'inverser ces changements extrêmement positifs et de faire échouer la possibilité de vaincre l'épidémie. » Le traitement antirétroviral doit être suivi sans interruption, a souligné le Dr. Mugyenyi, et le financement doit être augmenté car les patients nouvellement infectés rejoignent ceux qui sont déjà en cours de traitement. Mais, « mon établissement … ne prend actuellement en charge aucun nouveau patient. Nous sommes chaque jour contraints de refuser des patients désespérés… Aujourd'hui lorsque de nouveaux malades atteignent la phase nécessitant une thérapie… ils sont désavoués et abandonnés à leur sort. »

Comme d'autres experts, le Dr Mugyenyi ne souhaite cependant pas que cet argent soit prélevé sur les sommes prévues pour lutter contre le sida comme certains l'ont suggéré en Occident. Il a rappelé aux législateurs américains que malgré la nette amélioration de l'accès au traitement observée ces dix dernières années, moins de la moitié des Africains qui ont besoin de médicaments y ont accès actuellement. D'autres besoins urgents en matière de santé, a-t-il dit, doivent être satisfaits, « mais pas au détriment du VIH/sida, qui nécessite un soutien plus conséquent. » Il a cité le Ministre de la santé ougandais, Jim K. Muhwezi, et signalé que « l'inquiétude s'étend au-delà des frontières du continent africain » en ce qui concerne le ralentissement de l'aide internationale destinée aux programmes anti-sida.

Faire plus avec moins

Maintenant qu'il est possible de faire reculer le VIH, de nombreux médecins et chercheurs ont appelé à des changements radicaux dans la campagne mondiale contre le sida. Il faut faire plus avec moins, plaident-ils. Ce qui se traduirait par l'adaptation du traitement antirétroviral, pour en faire un outil de prévention, et par le développement du dépistage, pour identifier les personnes porteuses du VIH avant qu'elles n'en infectent d'autres.

Un article paru dans l'influente revue médicale The Lancet, en date du 11 juin 2011, a appelé à transférer l'argent destiné aux programmes de prévention, mal ciblés et souvent inefficaces, visant à modifier le comportement individuel pour l'investir dans les traitements à base de médicaments antirétroviraux suivant le concept traiter pour prévenir. Les auteurs ont affirmé qu'un important développement des programmes de traitement permettrait de réaliser des économies sur le long terme en évitant des millions de nouvelles infections et de décès.

Selon The Lancet, payer pour améliorer l'accès aux médicaments, et administrer ces puissants médicaments à plusieurs millions de patients supplémentaires en passant par des systèmes de santé publique déjà trop sollicités, constitue « un immense défi. » Mais maintenant que l'on sait que le traitement représente la prévention la plus efficace, le monde a une occasion sans précédent de "changer véritablement les choses » après 30 ans de guerre contre le sida, conclut The Lancet.

Des groupes de mobilisation, dont notamment la South African Treatment Action Campaign et Médecins sans frontières, attirent l'attention sur d'autres facteurs qui compromettent l'accès au traitement. Parmi ces facteurs, se démarquent les restrictions sur l'exportation de versions génériques moins coûteuses de médicaments antirétroviraux brevetés vers les pays africains et d'autres pays pauvres en développement.

Les génériques ont été au cœur de la révolution du traitement en Afrique au cours de la dernière décennie. Ils ont entraîné la baisse des prix allant d'un maximum de 15 000 dollars par an en 2000 à un minimum de 200 dollars par an aujourd'hui, et permis à des millions de personnes à faibles revenus d'accéder au traitement. La combinaison novatrice qui associe jusqu'à trois des médicaments antirétroviraux les plus efficaces dans un simple comprimé produit par des fabricants de génériques indiens, a aussi réduit les coûts et facilité la prise prolongée des médicaments.

L'Inde, la Thaïlande et quelques autres pays n'étant pas encore signataires des nouvelles normes de propriété intellectuelle, plus restrictives, adoptées par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1995, il leur était possible de fabriquer et de commercialiser des génériques antirétroviraux dans les pays africains et d'autres pays pauvres en développement. Cependant, ces dernières années, les principaux exportateurs de génériques ont adopté les réglementations de l'OMC, compromettant ainsi les futurs approvisionnements de médicaments anti-sida bon marché sur lesquels reposeront les programmes de traitement en guise de prévention.

L'Afrique a mené un combat victorieux à l'OMC afin d'obtenir une dérogation pour l'exportation de génériques en 2003. Mais depuis, un seul envoi de médicaments a été réalisé dans le cadre des procédures complexes imposées, ce qui a pratiquement anéanti les espoirs de voir cette dérogation sauver les pays africains et autres pays pauvres en développement (voir Afrique Renouveau, avril 2010). Michelle Childs, Directrice des politiques du programme d'accès aux médicaments de Médecins sans frontières, a également accusé les États-Unis et l'Union européenne de s'efforcer de renforcer la protection conférée par les brevets au-delà des exigences imposées par l'OMC. De telles actions, a-t-elle déclaré à Afrique Renouveau, restreignent davantage l'accès aux médicaments pour les populations des pays pauvres.

Malgré les obstacles qui subsistent, le directeur exécutif de l'ONUSIDA, M. Sidibé, est optimiste et pense que l'Afrique est en train de tourner un cap en ce qui concerne le traitement du VIH/sida et qu'il sera possible de trouver les ressources nécessaires aux autres besoins urgents du continent en matière de santé. « On ne peut pas s'occuper de la santé maternelle et infantile et de la mortalité maternelle en Afrique sans s'occuper du VIH, » a-t-il déclaré à Afrique Renouveau. « On ne peut pas s'occuper de la tuberculose sans s'occuper du VIH, et vice versa. Cela signifie donc que le sida peut avoir un effet levier et engendrer la progression d'autres secteurs. Il faut cesser de gérer le sida en mode crise et envisager comment le gérer sur le long terme »

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