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Horizon prometteur pour les Pays les moins avancés d'Afrique

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Horizon prometteur pour les Pays les moins avancés d'Afrique

À Istanbul, lors de la conférence sur les PMA, l'aide est passée au second plan
Afrique Renouveau: 
Istanbul
Redux / Contrasto / Riccardo Venturi
Workers at a cotton mill in MaliLes ouvriers d'une usine de coton au Mali : Alors que l'aide demeure indispensable, de nombreux PMA veulent un développement de l'investissement étranger.
Photo: Redux / Contrasto / Riccardo Venturi

Selon une légende populaire, deux étrangers vendeurs de chaussures sont un jour envoyés en Afrique à la recherche de nouveaux marchés. À peine débarqué, le premier, un vendeur prudent, constate que les autochtones ne portent pas de chaussures. Il abandonne sa quête. Le second, plus téméraire, se réjouit du potentiel que représentent ces populations non encore chaussées. Il commande des milliers de chaussures, les vend aisément et s'enrichit.

Il y a entre cette légende et le sort des 48 Pays les moins avancés (dont 33 en Afrique subsaharienne) un parallèle, une leçon digne d'intérêt. C'est du moins l'avis de Cheikh Sidi Diarra, le Conseiller spécial des Nations Unies pour l'Afrique et Haut Représentant pour les pays les moins avancés (PMA). « Au lieu de continuer à considérer ces pays comme un fardeau, il est grand temps que le monde apprenne à les voir comme des terres d'opportunités », estime-t-il. Encourager les investisseurs à voir des nations souvent synonymes de pauvreté endémique, d'épidémies et d'instabilité comme des destinations d'affaires est une démarche audacieuse. Pourtant, l'appel reflète le ton d'une rencontre internationale organisée par les Nations Unies et présidée par M. Diarra en mai dernier à Istanbul en Turquie.

L'aide, un débat démodé

Tous les dix ans, depuis 1981, la conférence de l'ONU sur les pays les moins avancés se consacre à la situation des pays considérés comme les plus vulnérables du monde (en raison du faible revenu de leurs habitants, de leur niveau de vie précaire et de leur grande vulnérabilité aux chocs extérieurs). L'objectif est de mobiliser le soutien de la communauté internationale, notamment en encourageant les pays développés à accorder davantage d'aide aux PMA. Par le passé, les débats autour de l'aide ont été au centre des débats.

À Istanbul cependant, l'aide est devenue un sujet quasi marginal. La faute, aux contraintes budgétaires imposées aux pays riches par une reprise économique qui se fait attendre. « L'humeur n'est pas à la générosité par les bailleurs de fonds, » faisait remarquer un diplomate quelques jours avant la conférence d'Istanbul. En outre, un consensus semble désormais s'imposer autour de l'incapacité de la seule aide internationale à résoudre les problèmes fondamentaux des PMA. Un consensus perçu par divers observateurs comme une évolution positive. Signe des temps, les 9 000 participants de la rencontre de 5 jours d'Istanbul étaient majoritairement des hommes d'affaires et des représentants de la société civile.

Au final, le Programme d'action adopté en Turquie a surtout réitéré les promesses d'aide faites il y a 10 ans lors de la précédente conférence à Bruxelles, en Belgique. Une fois de plus, les bailleurs de fonds ont promis de consacrer entre 0,15 et 0,2% de leur revenu national brut (RNB) à l'aide aux PMA.

Une aide insuffisante, de l'avis des représentants de la société civile. « Parce qu'ils sont à l'origine de terribles pertes dans les PMA à travers les spéculations financières et alimentaires, les règles commerciales inéquitables, les crédits illégitimes aux conditions onéreuses, sans oublier les changements climatiques, les pays développés devraient s'engager à apporter une aide plus consistante aux PMA, » ont-ils affirmé dans une déclaration. Un avis que M. Diarra conteste. Certes, reconnaît-il, la promesse d'aide faite à Istanbul n'est pas nouvelle, mais elle est importante juge-t-il. Sa concrétisation augmenterait l'aide annuelle aux PMA, qui est actuellement de 38 milliards de dollars, ajoute le Conseiller Afrique de l'ONU.

Place aux échanges et aux investissements

En dépit des débats sur l'aide financière, à Istanbul, l'accent a été mis sur les échanges commerciaux, l'investissement et les capacités productives. Des mois avant cette rencontre, les questions commerciales étaient au centre des débats les plus houleux entre les négociateurs au cours des longues discussions préparatoires. De concert avec d'autres partenaires, les PMA d'Afrique ont proposé d'abolir toutes les barrières tarifaires sur leurs exportations vers les pays riches. Un traitement préférentiel rejeté par ces derniers. Pourtant, la part des PMA dans les échanges est actuellement de 1% à peine. Et même les charmes de la ville-carrefour d'Istanbul n'ont pas permis aux parties de trouver un terrain d'entente. Les négociateurs se sont finalement résolus au renouvellement d'engagements passés : libre accès pour 97% des exportations des PMA vers les marchés des pays développés (voir Afrique Renouveau juin 2001).

Malheureusement, cet arrangement avantage peu les PMA d'Afrique. Selon l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) basé aux Etats-Unis*, les 3% d'exportations qui ne sont pas exonérés des taxes douanières concernent certains produits cruciaux pour ces PMA : le sucre, le riz, la viande et les produits laitiers notamment. Le rapport précise que l'Afrique ne peut réellement en tirer profit que si tous ses produits accèdent librement aux marchés des pays développés. La perspective d'un meilleur arrangement existe, il est vrai, dans le cadre de l'interminable cycle de négociations de Doha sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce.

L'ambition des PMA d'Afrique visant à attirer davantage d'investissements étrangers a bénéficié d'un soutien plus marqué à Istanbul. Des mesures visant à encourager les entreprises des pays développés à investir dans les PMA ont été adoptées. Les pays riches s'engagent à encourager leurs entreprises par le biais de mesures fiscales incitatives et de lignes de crédits spéciales.

Même si le continent attire de plus en plus d'investisseurs étrangers (voir Afrique Renouveau, avril 2011), ces mesures incitatives sont nécessaires. « Désormais, notre préoccupation est d'attirer les investissements privés étrangers (…) car nous croyons qu'ils constituent le gage de notre émergence économique », affirme par exemple Dede Ahoefa Ekoue, ministre togolais du Plan et de l'Aménagement du territoire dans une interview accordée au journal britannique The Guardian.

Ces dernières années, les 33 PMA d'Afrique ont particulièrement bénéficié de la croissance de l'investissement étranger direct (IED) destiné aux PMA. Lequel est passé de 4,1 à 32,4 milliards de dollars entre 2001 et 2008. Près de la moitié de cette somme a été consacrée aux PMA d'Afrique. Cependant, après huit années de croissance, l'IED a connu un ralentissement dû à la récession mondiale. De plus, notent les analystes, l'essentiel de cet investissement est orienté vers quelques secteurs tels que les minerais et les produits pétroliers. Peu d'emplois ont été créés. L'impact de la forte croissance dans les pays producteurs de pétrole comme l'Angola et la ³Ò³Ü¾±²Ôé±ð équatoriale reste encore limité pour une majorité de la population.

De telles tendances doivent être inversées afin que les investissements étrangers aident à réduire la pauvreté qui affecte plus de la moitié de la population des PMA du continent. Le Programme d'action d'Istanbul appelle à la diversification économique afin de réduire la dépendance des PMA vis-à-vis du secteur extractif.

L'un des principaux points de convergence entre les délégués présents à Istanbul était la nécessité d'investir dans les secteurs productifs tels que l'agriculture, l'industrie et les infrastructures. C'est ce que le Programme d'action appelle « les multiplicateurs du développement ». Ce concept signifie qu'une amélioration dans un secteur profite à tous les autres. Dans un contexte d'augmentation des prix des produits de première nécessité, l'Afrique gagnerait à investir dans son agriculture. D'autant que le continent dépense environ 33 milliards de dollars par an en importations de denrées alimentaires.

Sorting Kenyan coffee beans for exportTriage du café kényan destiné à l'exportation : les questions touchant au commerce ont été vivement débattues lors de la conférence d'Istanbul sur les PMA. 
Photo: Redux / eyevine / Kate Holt

Accords commerciaux

Au-delà des accords et des négociations entre décideurs politiques, la Conférence sur les PMA a permis à des centaines d'hommes d'affaires africains d'initier des partenariats avec leurs homologues étrangers. La foire commerciale au programme de la conférence était selon Abdullah Gül, le Président turque, « l'aspect le plus significatif » de la conférence. Bien qu'il soit trop tôt pour évaluer les accords que les entrepreneurs africains ont conclus à Istanbul, leur présence et l'intérêt manifesté à leur égard ont confirmé, parmi les gens d'affaires, le regard nouveau que certains commencent à porter sur le continent.

Désormais donc, l'Afrique est-elle prête à répondre aux défis nouveaux qu'impose une perception plus positive ? Pour Cheikh Sidi Diarra, « il est évident que les performances de plusieurs PMA africains se sont améliorées. L'adoption de meilleures politiques économiques entraîne forcément une amélioration significative dans les différents secteurs », estime-t-il. Au Rwanda par exemple, l'adoption d'un programme ambitieux en matière de technologies de l'information et de la communication vise à transformer le pays en carrefour régional en la matière. En quelques années seulement, le Malawi et la Sierra Leone ont dopé leur productivité agricole (voir Afrique Renouveau, avril 2011). M. Diarra invite d'autres PMA d'Afrique à suivre ces exemples, en fonction de leurs besoins propres. Si une telle tendance se maintenait, les vendeurs de chaussures arrivant en terre d'Afrique n'éprouveraient qu'un seul sentiment : celui d'être arrivés trop tard.

Le Groupe des 33 d'Afrique

Depuis la création de la catégorie des Pays les moins avancés (PMA) par l'ONU en 1971, les pays d'Afrique subsaharienne ont toujours été majoritaires. Avec 33 membres et quatre décennies plus tard, le plus grand nombre de ce groupe reste en Afrique subsaharienne (seuls 14 des 47 pays de la région ne font pas partie des PMA). Depuis quelques années, le Cap-Vert et le Botswana n'en font plus partie. Selon des analystes, d'autres pays (tels que l'Angola et la ³Ò³Ü¾±²Ôé±ð équatoriale) pourraient les imiter. Mais le nouvel État du Sud Soudan devrait bientôt rejoindre le groupe des PMA.

Les PMA d'Afrique forment un groupe très diversifié, mais tous ont en commun une croissance moyenne d'environ 5 % enregistrée ces dernières années. Parmi les pays les moins avancés, les exportateurs de pétrole (l'Angola, le Tchad, la ³Ò³Ü¾±²Ôé±ð équatoriale et le Soudan), les producteurs de minerais (la République démocratique du Congo, la ³Ò³Ü¾±²Ôé±ð, le Mali, la Mauritanie, le Mozambique et la Zambie) ont bénéficié de l'augmentation de la demande des matières premières de la part des pays émergents comme la Chine, l'Inde et le Brésil. Selon un de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), cette tendance a renforcé la dépendance de leurs économies aux produits de base.

L'une des caractéristiques des PMA d'Afrique est leur taux de rentabilité élevé sur l'investissement étranger direct, environ 13%. Selon la CNUCED, investir dans les PMA est un acte avisé, « les taux de rentabilité des investissements directs y étant bien plus élevés que dans les pays développés ou même dans les autres pays en développement ».

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* , Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, juin 2010.

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