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L鈥檜n des principaux probl猫mes qui se pose aux scientifiques et aux responsables politiques dans la lutte contre le r茅chauffement plan茅taire est lui-m锚me de nature plan茅taire. A premi猫re vue, 莽a ne devrait pas 锚tre le cas. Le fait que la pollution produite aux Etats-Unis et en Europe modifie, parfois de mani猫re d茅sastreuse, les conditions climatiques de populations vivant 脿 des milliers de kilom猫tres de l脿, en Afrique ou en Asie, devrait au contraire unir les habitants de la plan猫te. Apr猫s tout, nous sommes tous log茅s 脿 la m锚me enseigne 茅cologique.

Culture d鈥檜n champ de ma茂s apr猫s une longue s茅cheresse en Zambie : les changements climatiques frappent l鈥橝frique de plein fouet.

Photo: Peter Arnold Inc. / Sean Sprague

Le probl猫me est que tous les pays ne contribuent pas dans les m锚mes proportions aux changements climatiques ou n鈥檈n p芒tissent pas de la m锚me mani猫re. Les gaz industriels 鈥溍� effet de serre鈥� (GES) qui contribuent aux changements climatiques, notamment le dioxyde de carbone, proviennent surtout des pays riches industrialis茅s ou 脿 croissance 茅conomique rapide, comme l鈥橧nde ou la Chine. Les pays pauvres en d茅veloppement qui ne disposent pas d鈥檜ne infrastructure industrielle ad茅quate, comme ceux d鈥橝frique, contribuent peu au probl猫me, mais en subissent les cons茅quences de plein fouet. Comme le fait remarquer Rajendra Pachauri, chef du Groupe d鈥檈xperts intergouvernemental des Nations Unies sur l鈥櫭﹙olution du climat, les populations pauvres en seront les principales victimes, leurs pays n鈥檃yant ni les moyens financiers ni les moyens techniques de s鈥檃dapter 脿 la situation.

La question des responsabilit茅s a 茅t茅 d茅battue lors des n茅gociations du Protocole de Kyoto de 1997, qui oblige les pays pollueurs 脿 r茅duire consid茅rablement leurs 茅missions de GES. Les pays pauvres ont estim茅 qu鈥檌ls n鈥檃vaient pas 脿 锚tre p茅nalis茅s. Ils ont appel茅 les n茅gociateurs 脿 inviter les pays riches 脿 fournir aux pays pauvres une technologie moderne 鈥渧erte鈥� et 脿 les aider 脿 faire face aux effets des changements climatiques. Ils ont 茅galement insist茅 pour qu鈥檜n compromis soit trouv茅 entre les efforts destin茅s 脿 r茅duire les 茅missions de GES et ceux visant 脿 stimuler le d茅veloppement 茅conomique.

M茅canisme de d茅veloppement non-polluant

La notion de 鈥渞esponsabilit茅 commune mais diff茅renci茅e鈥� a permis de d茅passer cette opposition Nord-Sud : tous les pays doivent s鈥檈ngager dans la lutte contre le r茅chauffement plan茅taire, mais selon leurs propres moyens. A Kyoto, la plupart des pays les plus d茅velopp茅s ont accept茅 de ramener leurs 茅missions 脿 un niveau inf茅rieur de 5 % 脿 celui des ann茅es 1990, tout en dispensant les pays en d茅veloppement de r茅ductions obligatoires. Ils ont 茅galement convenu d鈥檃dopter une mesure de financement innovante, le 鈥淢茅canisme pour un d茅veloppement propre鈥� (MDP), qui vise 脿 att茅nuer les co没ts inh茅rents 脿 la r茅duction des 茅missions dans le Nord, tout en contribuant au financement de projets d鈥櫭﹏ergie non-polluante dans les pays en d茅veloppement.

Le MDP est un m茅canisme du secteur priv茅 qui permet aux industries des pays d茅velopp茅s de s鈥檃cquitter en partie de leurs obligations en finan莽ant des projets de r茅duction des 茅missions dans les pays en d茅veloppement, o霉 les co没ts sont souvent plus faibles. Pour une soci茅t茅 europ茅enne, par exemple, qui est tenue par son gouvernement de r茅duire les quantit茅s de rejet de GES de 100 000 tonnes par an, il sera peut-锚tre moins co没teux de moderniser une centrale 脿 charbon polluante en Inde que de mettre 脿 norme sa propre usine. Le M茅canisme autorise cette soci茅t茅 脿 d茅duire de son objectif de r茅duction de 100 000 tonnes par an la quantit茅 de pollution 茅vit茅e en Inde.

Canal d鈥檌rrigation en Erythr茅e : le MDP ne privil茅gie pas le financement de projets destin茅s 脿 faciliter l鈥檃daptation de l鈥橝frique aux changements climatiques, tels que les r茅seaux d鈥檌rrigation.

Photo: Panos / Stefan Bonnes

Les projets accr茅dit茅s par le MDP re莽oivent une unit茅 de cr茅dit de 鈥渞茅duction certifi茅e des 茅missions鈥� (URCE) par tonne de GES non 茅mise. Ces cr茅dits sont n茅gociables sur les march茅s internationaux de carbone, pouvant 锚tre revendus, par exemple, 脿 une aci茅rie en Allemagne, une cimenterie en Su猫de ou une centrale 茅lectrique en Grande-Bretagne, afin d鈥檃ider ces pays 脿 se conformer 脿 leurs obligations de r茅duction des 茅missions.

Energie moins polluante en Ouganda

Le MDP offre d鈥檌nt茅ressantes perspectives sur un continent o霉 la croissance d茅mographique, les changements climatiques et le manque de capitaux ont donn茅 lieu 脿 une p茅nurie chronique d鈥櫭﹏ergie. Les habitants de la r茅gion rurale du Nil occidental de l鈥橭uganda consid茅raient jusqu鈥櫭� r茅cemment que produire l鈥櫭﹏ergie n茅cessaire pour cuisiner, s鈥櫭ヽlairer et alimenter leurs activit茅s commerciales 茅tait une entreprise co没teuse, polluante et parfois frustrante. La plupart des m茅nages se servaient de k茅ros猫ne ou de bois pour leurs besoins quotidiens en 茅nergie, alors que les entreprises locales et les habitants plus ais茅s achetaient des groupes 茅lectrog猫nes et du gazole pour produire leur propre 茅lectricit茅, cette r茅gion 茅tant trop isol茅e et trop peu peupl茅e pour justifier un raccordement au r茅seau 茅lectrique national. Le k茅ros猫ne et le gazole devaient 锚tre achemin茅s par camion 脿 partir de lointains d茅p么ts sur de mauvaises routes, ce qui majorait leur co没t et rendait l鈥檃pprovisionnement al茅atoire.

Installer une petite centrale hydro茅lectrique sur la rivi猫re Nyagak voisine semblait 锚tre la solution, mais il y avaient plusieurs obstacles. Les autorit茅s locales ne disposaient pas des moyens techniques, administratifs ou financiers n茅cessaires pour mener 脿 bien un tel projet. De surcro卯t, les faibles capacit茅s de la centrale 鈥� elle ne devait desservir qu鈥櫭� peine 4 000 foyers, ne suscitaient pas l鈥檌nt茅r锚t des investisseurs priv茅s en l鈥檃bsence de financements externes.

Mais comme ce projet permettait de r茅duire d鈥檈nviron 36 000 tonnes par an les volumes d鈥櫭﹎issions de GES, par rapport aux sources d鈥櫭﹏ergie existantes, il a 茅t茅 retenu par le MDP. Gr芒ce au soutien technique du Gouvernement ougandais et 脿 l鈥檃ide financi猫re de la Finlande et des Pays-Bas, le projet a 茅t茅 finalement approuv茅 en 2005. Les cr茅dits de r茅duction des 茅missions, plus simplement appel茅s 鈥渃r茅dit carbone鈥�, accumul茅s tous les ans sont revendus sur les march茅s internationaux de carbone.

Un lit de rivi猫re 脿 sec au Mali.

Photo: Peter Arnold, Inc. / Ron Giling

Ce type de financement est essentiel pour l鈥橝frique et les autres r茅gions pauvres de la plan猫te qui ont du mal 脿 faire face aux changements climatiques. Les scientifiques affirment que le climat de la plan猫te se d茅t茅riore plus rapidement que pr茅vu 脿 cause du r茅chauffement mondial et que le manque de moyens de l鈥橝frique l鈥檈mp锚che de s鈥檃dapter 脿 la situation.

Malheureusement, le succ猫s du projet du MDP dans la r茅gion du Nil occidental fait figure d鈥檈xception. Les chercheurs de la Convention-cadre de l鈥橭NU sur les changements climatiques, qui supervisent le MDP, indiquent en effet qu鈥櫭� peine 3 % du millier de projets approuv茅s dans le cadre du MDP 脿 travers le monde sont r茅alis茅s en Afrique. Une bonne moiti茅 des projets africains se trouve en Afrique du Sud o霉 l鈥檌nfrastructure industrielle et financi猫re d茅velopp茅e se pr锚te bien au processus d鈥檃ccr茅ditation complexe du MDP.

Contexte commercial d茅favorable

L鈥橝frique a du mal 脿 attirer les projets du M茅canisme du fait des m锚mes difficult茅s qui d茅couragent les investissements 脿 caract猫re purement commercial : manque d鈥檌nfrastructure et de main-d鈥櫯搖vre qualifi茅e, taux de pauvret茅 茅lev茅s, faibles ressources financi猫res, insuffisance des comp茅tences administratives et techniques n茅cessaires pour satisfaire aux normes du MDP, institutions pr茅caires, corruption et instabilit茅 politique. Toutes ces lacunes concourent 脿 donner 脿 l鈥橝frique l鈥檌mage d鈥檜n continent o霉 il est difficile de faire des affaires.

De nombreux gouvernements africains et sp茅cialistes de l鈥檈nvironnement font remarquer que le MDP privil茅gie les projets de r茅duction de la pollution au d茅triment de projets v茅ritablement destin茅s 脿 aider l鈥橝frique 脿 mieux lutter contre les changements climatiques, portant par exemple sur la construction de syst猫mes d鈥檌rrigation, la pr茅servation des sols et la lutte contre les inondations. Ce type de projets rel猫ve du Fonds d鈥檃daptation du Protocole de Kyoto, financ茅 en partie par un pr茅l猫vement de 2 % sur les 鈥渃r茅dits carbone鈥�.

La lenteur de la proc茅dure d鈥檃ccr茅ditation pose 茅galement probl猫me. Un rapport de 2008 de la Banque mondiale affirme que si un millier de projets ont 茅t茅 approuv茅s depuis la cr茅ation de ce m茅canisme en 2005, 2 000 autres projets sont toujours en cours d鈥櫭﹙aluation, provoquant des retards et d茅courageant les investisseurs.

Les responsables du M茅canisme ont indiqu茅 脿 Afrique Renouveau que des mesures de simplification des proc茅dures d鈥檃pplication et de r茅duction des d茅lais d鈥檃ccr茅ditation 茅taient 脿 l鈥櫭﹖ude. Ils ont cependant fait valoir que les proc茅dures fastidieuses de v茅rification 茅taient le prix 脿 payer pour que le MDP garde sa cr茅dibilit茅.

Bien qu鈥檌ls ne soient pas les seuls 脿 锚tre n茅goci茅s, les cr茅dits du M茅canisme sont tr猫s convoit茅s pour leur qualit茅 et se n茅gocient 脿 un prix plus 茅lev茅 sur les march茅s mondiaux. Avant de pouvoir pr茅tendre 脿 ces cr茅dits, les projets doivent prouver qu鈥檌ls sont conformes aux plans de d茅veloppement durable du pays d鈥檃ccueil, qu鈥檌ls contribuent 脿 des r茅ductions d鈥櫭﹎issions v茅rifiables et qu鈥檌ls ne se r茅aliseraient pas sans le financement provenant des cr茅dits d鈥櫭﹎issions, selon le principe de 鈥渓鈥檃dditionnalit茅鈥�. Ce n鈥檈st qu鈥櫭� ces conditions que les cr茅dits seront accord茅s, ce qui peut prendre jusqu鈥櫭� deux ans.

Plant d鈥檃rbre d鈥檜n projet de r茅g茅n茅ration de mangroves au Kenya. Le contexte d茅favorable aux investissements en Afrique d茅courage le financement priv茅 des projets de d茅veloppement durable.

Photo: Panos / Fred Hoogervorst

D鈥檃pr猫s la Banque mondiale, les transactions de 鈥渃r茅dits carbone鈥� dans le cadre du MDP ont repr茅sent茅 en 2007 13 milliards de dollars, sur un march茅 international du carbone dont la valeur totale 鈥� 64 milliards de dollars 鈥� a doubl茅 par rapport 脿 l鈥檃nn茅e pr茅c茅dente. Le porte-parole du M茅canisme, David Abbass, a d茅clar茅 脿 Afrique Renouveau que les transactions sur les march茅s du carbone devant, selon les pr茅visions, atteindre 100 milliards de dollars d鈥檌ci 2012, ann茅e de l鈥檈xpiration du Protocole de Kyoto, il 茅tait indispensable que l鈥橝frique soit capable d鈥檃ttirer la part des investissements qui lui revient.

鈥淟e d茅veloppement acc茅l茅r茅 des march茅s du carbone stimul茅 par l鈥檃ccord sur les changements climatiques n茅goci茅 脿 l鈥橭NU repr茅sente une occasion unique pour l鈥橝frique en mati猫re 茅conomique et de d茅veloppement鈥�, a affirm茅 Achim Steiner, chef du Programme des Nations Unies pour l鈥檈nvironnement, lors d鈥檜ne r茅union de banquiers africains en mai 2007.

Le cadre de Nairobi

A la fin de l鈥檃nn茅e 2006, une coalition d鈥檕rganismes des Nations Unies et d鈥檃utres organisations de d茅veloppement, notamment le Programme des Nations Unies pour l鈥檈nvironnement, le Programme des Nations Unies pour le d茅veloppement, le secr茅tariat de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, la Banque mondiale et la Banque africaine de d茅veloppement, ont lanc茅 un projet qui vise 脿 aider l鈥橝frique 脿 mieux tirer parti du MDP. Connu sous le nom de 鈥淧lan-cadre de Nairobi鈥� et inaugur茅 par le Secr茅taire g茅n茅ral de l鈥櫭﹑oque, Kofi Annan, ce programme a pour principaux objectifs :

• d茅velopper les capacit茅s locales et nationales de conception et de r茅alisation de projets relevant du MDP
• mieux sensibiliser les gouvernements africains et autres, ainsi que les dirigeants du secteur priv茅, aux possibilit茅s qu鈥檕ffre le MDP
• encourager une meilleure coop茅ration entre gouvernements africains dans leurs actions entreprises pour attirer les 鈥渋nvestissements verts鈥�
• renforcer la coordination entre les divers acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux pour rationaliser les projets et les processus d鈥檃ccr茅ditation et raccourcir les d茅lais.

Le Plan-cadre a lanc茅 en 2007 sur Internet le 鈥溾�� destin茅 脿 mettre en contact les concepteurs de projets et les investisseurs, 脿 permettre aux ing茅nieurs, soci茅t茅s de marketing et autres fournisseurs de service de se faire conna卯tre et 脿 promouvoir les possibilit茅s de projet de MDP en Afrique et dans d鈥檃utres r茅gions en d茅veloppement. Le Plan-cadre organisera 脿 la fin 2008 un forum panafricain du carbone au S茅n茅gal afin de mieux faire ressortir le potentiel que pr茅sente l鈥橝frique pour les investisseurs dans les projets de 鈥渄茅veloppement vert鈥�.

Des efforts sont 茅galement en cours pour modifier les r猫gles du MDP. A l鈥檕ccasion d鈥檜ne r茅union sur les changements climatiques qui s鈥檈st d茅roul茅e en d茅cembre 2007 脿 Bali, les gouvernements concern茅s se sont mis d鈥檃ccord pour 茅tudier les moyens d鈥櫭﹖endre le MDP dans des domaines auparavant exclus, tels que la pr茅servation des for锚ts, et pour simplifier les proc茅dures li茅es aux demandes d鈥檃ccr茅ditation et 脿 la satisfaction des conditions de ce programme. Pour sa part, la Banque mondiale intensifie son action pour promouvoir plus largement les projets du MDP.

Impatience croissante

Mais alors qu鈥檌l est pr茅vu 鈥� objectif ambitieux 鈥� de se mettre d鈥檃ccord d鈥檌ci 脿 2009 sur un trait茅 qui succ猫dera au Pacte de Kyoto, d鈥檃ucuns craignent que les pays en d茅veloppement rechignent 脿 adopter des mesures plus strictes contre les changements climatiques s鈥檌ls estiment avoir 茅t茅 flou茅s par le pr茅sent accord.

S鈥檈xprimant 脿 la r茅union sur les changements climatiques de Bali au nom des d茅l茅gations africaines, le Gouvernement du Nig茅ria a not茅 que le financement devant aider l鈥橝frique 脿 s鈥檃dapter aux changements climatiques 茅tait souvent assorti de conditions qu鈥檌l 茅tait difficile de satisfaire, et que les programmes de 鈥渞enforcement de capacit茅s鈥� ne produisaient que de maigres r茅sultats en raison du manque d鈥檃rgent.

Le chef de la Convention-cadre de l鈥橭NU sur les changements climatiques, Yvo de Boer, charg茅 de mener 脿 bien les n茅gociations sur le trait茅 qui succ茅derait au Pacte de Kyoto, a d茅clar茅 dans un entretien accord茅 d茅but 2008 脿 US News and World Report, qu鈥檜n schisme Nord-Sud sur la question des changements climatiques compromettrait gravement les chances de succ猫s des n茅gociations. 鈥淥n peut se demander, d鈥檜ne part, si les pays riches sauront jouer le r么le mobilisateur indispensable pour entra卯ner les pays pauvres, et, d鈥檃utre part, s鈥檌l nous sera possible de r茅unir le financement et la technologie n茅cessaires pour mobiliser les pays pauvres鈥�, a-t-il indiqu茅.

D鈥檃pr猫s M. de Boer, les pays en d茅veloppement sont pr锚ts 脿 s鈥檃ssocier aux initiatives du monde industrialis茅 pour contenir les 茅missions, mais 鈥減our qu鈥檌l en soit ainsi, les pays riches doivent fournir la technologie, les ressources financi猫res et les moyens de renforcer les capacit茅s locales鈥�. Concilier les int茅r锚ts des riches et des pauvres, 鈥渞equiert un d茅licat compromis鈥�, a-t-il conclu.

Plan Marshall n茅cessaire

D鈥櫭﹎inents experts africains et des responsables 茅cologiques affirment qu鈥檌l reste beaucoup 脿 faire pour concilier les besoins du continent avec les ressources qui y sont consacr茅es. Richard Muyungi, directeur adjoint pour l鈥檈nvironnement au cabinet du Vice-pr茅sident tanzanien, a d茅clar茅 脿 Afrique Renouveau que les d茅g芒ts inflig茅s par les changements climatiques avaient d茅j脿 co没t茅 脿 ce pays de l鈥橝frique de l鈥橢st, parmi les plus pauvres de la plan猫te, plusieurs milliards de dollars et freinaient la croissance 茅conomique.

M. Muyungi a affirm茅 que la gravit茅 de la s茅cheresse et la crainte que les changements climatiques se r茅percutent sur les prix alimentaires ont oblig茅 les autorit茅s 脿 r茅orienter leurs d茅penses. De ce fait, elles ont d没 r茅viser leurs pr茅visions d鈥檜ne croissance de 6 ou 7 % pour 2008. 鈥淚l nous est impossible de pr茅senter un bilan global des pertes subies car nous n鈥檈n connaissons pas l鈥檃mpleur. Je sais qu鈥檌l n鈥檈st plus possible de cultiver le coton et le ma茂s dans certaines r茅gions, mais l鈥檃mpleur du manque 脿 gagner est plus difficile 脿 calculer鈥�, dit-il.

La Tanzanie coop猫re avec les institutions des Nations Unies et les donateurs bilat茅raux 脿 l鈥櫭﹍aboration d鈥檜n plan d鈥檃ction contre les changements climatiques et 艙uvre dans le cadre du Plan de Nairobi pour le faire financer par le M茅canisme, poursuit M. Muyungi. 鈥淟es d茅marches restent toutefois trop compliqu茅es. L鈥橝frique est d茅j脿 脿 la tra卯ne pour les investissements 茅trangers directs et se heurte aux m锚mes probl猫mes dans le cadre du MDP鈥�. Celui-ci devra adopter une approche bien plus globale et plus strat茅gique en Afrique pour aider v茅ritablement le continent. 鈥淐e dont on a vraiment besoin est un Plan Marshall鈥�, dit-il.

R茅former le syst猫me

Ogunlade Davidson, co-pr茅sident du groupe de travail sur les r茅ductions des gaz 脿 effet de serre du Groupe d鈥檈xperts intergouvernemental de l鈥橭NU sur l鈥櫭﹙olution du climat et doyen d鈥櫭﹖udes postuniversitaires 脿 l鈥橴niversit茅 de Sierra Leone est encore plus direct. A son avis, le M茅canisme a 茅t茅 鈥渄茅tourn茅鈥� par le secteur priv茅 de sa mission initiale de r茅duction des gaz 脿 effet de serre, et est devenu une entreprise 脿 but lucratif.

Le M茅canisme autorise les investisseurs 脿 r茅injecter une partie des unit茅s de 鈥渃r茅dits carbone鈥� dans des projets commerciaux de pays comme l鈥橧nde ou la Chine qui attirent d茅j脿 d鈥檌mportants capitaux 茅trangers.

Par ailleurs, M. Davidson note avec inqui茅tude que le MDP n鈥檌mpose pas de mesures de r茅duction obligatoire d鈥櫭﹎ission de GES aux pays d茅velopp茅s, pourtant les plus gros acheteurs de 鈥渃r茅dits carbone鈥�. 鈥淚l s鈥檃git d鈥檜ne lacune fondamentale. Les pays d茅velopp茅s doivent r茅duire leurs 茅missions de 90 %. Il faut prendre des mesures plus restrictives. Les march茅s ne peuvent pas 脿 eux seuls assurer les r茅ductions d鈥櫭﹎ission n茅cessaires. Ce sont justement eux qui ont cr茅茅 ce probl猫me鈥�, dit-il.

L鈥檃m茅lioration du MDP devrait passer 脿 son avis par la modification des proc茅dures, l鈥檃doption de mesures plus strictes de r茅duction d鈥櫭﹎ission de GES au niveau national et la diversification du type de projets pouvant 锚tre accr茅dit茅s. De plus, dit-il, il faudrait doter le MDP de nouveaux instruments, tel qu鈥檜n protocole pr茅voyant l鈥檃pport aux pays en d茅veloppement de techniques de pointe 脿 des taux pr茅f茅rentiels, des mesures gouvernementales visant 脿 accro卯tre le co没t des 茅missions de GES pour inciter 脿 la r茅duction de la production et l鈥檃ugmentation des contributions au Fonds d鈥檃daptation.

M. Davidson note aussi que m锚me si la totalit茅 des transactions annuelles de 鈥渃r茅dits carbone鈥� s鈥櫭﹍evait 脿 100 milliards de dollars par an, un pr茅l猫vement de 2 % sur ce montant ne d茅gagerait que deux milliards de dollars par an, ce qui est nettement insuffisant pour obtenir des r茅sultats.

Par ailleurs, affirme-t-il, les programmes de renforcement des capacit茅s comme ceux propos茅s par le Plan de Nairobi restent utiles, 脿 condition qu鈥檌ls soient incorpor茅s dans les programmes de formation scientifique, technologique et de gestion des institutions africaines.

NEPAD : l鈥檌nt茅gration du d茅veloppement 鈥渧ert鈥�

L鈥檌nt茅gration des programmes de lutte contre les changements climatiques et des projets de protection de l鈥檈nvironnement dans les strat茅gies de d茅veloppement de l鈥橝frique constitue un 茅l茅ment-cl茅 du plan d鈥檃ction pour l鈥檈nvironnement du Nouveau Partenariat pour le d茅veloppement de l鈥橝frique (NEPAD), adopt茅 en 2001. Le programme pour l鈥檈nvironnement, lanc茅 en 2003, fixe trois objectifs prioritaires aux gouvernements africains et 脿 leurs partenaires de d茅veloppement :

• Identification des r茅gions et des populations les plus vuln茅rables aux chocs climatiques et mise en place de syst猫mes de surveillance et d鈥檃lerte rapide
• Elaboration de plans d鈥檌ntervention d茅taill茅s aux niveaux national et r茅gional, notamment des mesures d鈥檜rgence en cas de catastrophes, lancement de programmes de d茅veloppement souples et mise en place de strat茅gies de gestion 脿 long terme
• Acquisition d鈥檈xp茅rience pratique dans le cadre de projets de d茅monstration et projets pilotes visant 脿 鈥渕ontrer l鈥檈xemple鈥� en appuyant le d茅veloppement 茅conomique tout en s鈥檃daptant aux chocs climatiques.

A ce jour, deux douzaines de pays africains ont formul茅 des plans d鈥檃ction nationaux contre les changements climatiques, et les programmes soutenus par le NEPAD destin茅s 脿 lutter contre la propagation du d茅sert saharien et 脿 prot茅ger les for锚ts de l鈥橝frique centrale et de l鈥橭uest commencent 脿 porter leurs fruits. De nombreuses autres propositions du NEPAD, notamment la construction d鈥檜n r茅seau 茅lectrique continental, contribueraient par ailleurs 脿 鈥渧erdir鈥� le d茅veloppement africain et 脿 r茅duire la pauvret茅.

Pour l鈥檌nstant, toutefois, de nombreux projets du NEPAD ne rel猫vent pas du domaine de l鈥檈nvironnement financ茅 par le MDP, et les promesses des pays du Nord d鈥檃ugmenter leur aide au d茅veloppement 脿 l鈥橝frique n鈥檕nt pas 茅t茅 suivies d鈥檈ffet. Tant qu鈥檌l n鈥檡 aura pas de financement, la majorit茅 des programmes de d茅veloppement 鈥渧ert鈥� du NEPAD resteront lettre morte et la capacit茅 de l鈥橝frique 脿 affronter les changements climatiques sera limit茅e.

鈥淧ermis de polluer鈥� ?

L鈥橝frique n鈥檈st pas le seul continent 脿 contester les avantages 茅conomiques et 茅cologiques des transactions sur le carbone dans la lutte contre les changements climatiques. De nombreux militants 茅cologiques et des 茅conomistes sont hostiles par principe 脿 ce type d鈥檕p茅rations. A leur avis, autoriser les industries polluantes des pays d茅velopp茅s 脿 d茅compter les cr茅dits d鈥櫭﹎ission de leurs quotas de r茅duction obligatoire revient 脿 cr茅er un march茅 de 鈥減ermis de polluer鈥� et affaiblit la d茅termination du Nord industriel de proc茅der aux r茅ductions d鈥櫭﹎ission indispensables pour arr锚ter le r茅chauffement plan茅taire.

Les march茅s de carbone sont par ailleurs perturb茅s par l鈥檌ncertitude qui p猫se sur l鈥檃ccord de l鈥檃pr猫s-Kyoto. Certains analystes pr茅voient un ralentissement des achats de cr茅dits tant qu鈥檕n n鈥檡 verra pas plus clair. Cette incertitude risque de faire baisser les prix des 鈥渃r茅dits carbone鈥� au moment o霉 de nombreux scientifiques estiment que ces prix sont d茅j脿 trop faibles pour offrir aux pays d茅velopp茅s les incitations financi猫res n茅cessaires pour r茅duire leurs 茅missions de GES.