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Agrumes au Zimbabwe : les exportations agricoles africaines sont souvent soumises 脿 des normes sanitaires extr锚mement rigoureuses avant de pouvoir entrer sur les march茅s du Nord.

Photo: iAfrica Photos / David Larsen

Alors m锚me que les pays en d茅veloppement commencent 脿 triompher de certaines barri猫res commerciales et 脿 accro卯tre leurs exportations vers les pays industrialis茅s, un nouvel obstacle fait son apparition. Du fait des accords n茅goci茅s 脿 l鈥橭rganisation mondiale du commerce (OMC), les mesures traditionnelles de protection du commerce que constituent les tarifs douaniers et les quotas se rel芒chent. Elles font toutefois place 脿 des r茅glementations techniques nationales qui permettent aux pays d鈥檌nterdire l鈥檈ntr茅e sur leurs march茅s de produits ne satisfaisant pas 脿 certaines normes.

Il s鈥檃git notamment de mesures visant pr茅tendument 脿 prot茅ger la population contre les dangers que pr茅sentent les aliments quotidiens听: les mesures sanitaires et phytosanitaires, dans la terminologie de l鈥橭MC. Les tarifs douaniers 茅lev茅s demeurent un obstacle de taille, indique le Ministre des finances de l鈥橝frique du Sud, Trevor Manuel, mais 鈥渓es barri猫res non douani猫res limitent davantage鈥� les exportations de marchandises en direction de l鈥橭rganisation de coop茅ration et de d茅veloppement 茅conomiques (OCDE), qui regroupe 30 pays riches.

Barri猫res techniques

Ces vingt derni猫res ann茅es, les barri猫res techniques se sont multipli茅es. En vue de r茅gulariser ces normes, l鈥橝ccord des 149 pays membres de l鈥橭MC sur l鈥檃pplication des mesures sanitaires et phytosanitaires est entr茅 en vigueur en 1995. Cet accord vise 脿 uniformiser l鈥檈nsemble des lois, r猫glements et dispositions portant sur la production, la transformation, le stockage ou le transport des produits, de fa莽on que les produits import茅s ne posent pas de risque pour la sant茅 des hommes, des animaux ou des plantes.

L鈥檃ccord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires exige par exemple que les marchandises soient import茅es de zones exemptes de maladies, qu鈥檈lles soient inspect茅es avant d鈥櫭猼re export茅es et qu鈥檈lles ne d茅passent pas les seuils maximaux de pesticide ou d鈥檌nsecticide autoris茅s. Parmi les risques que les aliments frais et produits agricoles peuvent poser pour la sant茅 figurent notamment la salmonellose, la fi猫vre aphteuse et les parasites des plantes sucri猫res.

L鈥檃ccord vise 茅galement 脿 emp锚cher les pays de se servir de ces mesures sanitaires uniquement pour freiner le commerce et stipule clairement qu鈥檈lles ne peuvent pas 锚tre employ茅es d鈥檜ne 鈥渕ani猫re qui constituerait une limitation d茅guis茅e du commerce international鈥�.

M. Hezron Nyangito du Kenya Institute of Public Policy Research and Analysis note que bien que l鈥檃ccord ait pour objectif de prot茅ger la sant茅 de la population, il 鈥渙uvre 茅galement la voie 脿 l鈥檌ntroduction de mesures plus rigoureuses鈥� que les normes internationales.

Selon des 茅tudes r茅alis茅es par le Minist猫re de l鈥檃griculture des Etats-Unis et l鈥橭CDE, en 1996, des barri猫res techniques contestables ont 茅t茅 signal茅es dans 62 pays et ont entra卯n茅, d鈥檃pr猫s les estimations, un manque 脿 gagner de 5 milliards de dollars. Le plus souvent, ces analyses des effets sur le commerce des mesures sanitaires et phytosanitaires s鈥檌nt茅ressent essentiellement aux pays d茅velopp茅s, bien que la Banque mondiale et d鈥檃utres institutions aient laiss茅 entendre que les effets de ces mesures pourraient 锚tre plus graves pour les pays en d茅veloppement qui sont fortement tributaires des exportations agricoles.

Selon M. Manuel, 鈥淟e probl猫me n鈥檈st pas que le commerce international aille fondamentalement 脿 l鈥檈ncontre des besoins et des int茅r锚ts des pays pauvres, mais que les r猫gles qui le r茅gissent soient fauss茅es en faveur des pays riches."

Les normes ayant 茅t茅 principalement 茅tablies par les pays d茅velopp茅s durant la derni猫re s茅rie de n茅gociations commerciales (cycle d鈥橴ruguay), elles correspondent surtout aux int茅r锚ts de ces pays. Pendant le cycle d鈥橴ruguay, qui a pris fin en 1994, un grand nombre de pays en d茅veloppement n鈥檕nt pas eu les moyens d鈥檈nvoyer des n茅gociateurs les repr茅senter ou se sont surtout int茅ress茅s 脿 des questions qui les pr茅occupaient davantage, telles que les subventions agricoles qu鈥檃ccordent les pays du Nord. Bon nombre de ces pays ne font toujours pas partie des institutions internationales qui fixent les normes applicables dans ce domaine et ne disposent pas non plus des fonds, de la main-d鈥櫯搖vre ni de l鈥檌nfrastructure n茅cessaires pour se conformer aux normes adopt茅es.

Bien qu鈥檌l faille de toute 茅vidence des mesures sanitaires et phytosanitaires pour prot茅ger les consommateurs, les retomb茅es b茅n茅fiques de la lib茅ralisation des 茅changes dans le secteur agricole qu鈥檃 permise le cycle d鈥橴ruguay 鈥渞isquent d鈥櫭猼re compromises par le recours 脿 des fins protectionnistes de mesures sanitaires et phytosanitaires鈥�, pr茅vient Mme Simonetta Zarrilli de la Conf茅rence des Nations Unies sur le commerce et le d茅veloppement.

Poissons prohib茅s

Il existe de nombreux exemples de mesures sanitaires et phytosanitaires ayant servi 脿 limiter l鈥檈ntr茅e de marchandises africaines sur les march茅s 茅trangers. Pendant plusieurs ann茅es 脿 la fin des ann茅es 90, par exemple, les pays europ茅ens ont interdit les poissons en provenance du Kenya, du Mozambique, de l鈥橭uganda et de la Tanzanie en raison de doutes quant aux normes sanitaires de ces pays et 脿 leurs syst猫mes de r茅glementation. L鈥橭uganda a ainsi enregistr茅 un manque 脿 gagner de 36,9 millions de dollars. En Tanzanie, o霉 les poissons et les produits d茅riv茅s repr茅sentaient 10听% des exportations annuelles, les p锚cheurs tributaires des ventes 脿 l鈥橴nion europ茅enne ont perdu 80听% de leurs revenus, d鈥檃pr猫s la Banque mondiale.

鈥淟e probl猫me n鈥檈st pas que le commerce international aille fondamentalement 脿 l鈥檈ncontre des besoins et des int茅r锚ts des pays pauvres, mais que les r猫gles qui le r茅gissent soient fauss茅es en faveur des pays riches.鈥�

鈥� M. Trevor Manuel, Ministre des finances de l鈥橝frique du Sud

鈥淐ertaines des conditions impos茅es sont justifi茅es sur le plan de la s茅curit茅 alimentaire, note M. Nyangito, le chercheur k茅nyan. Mais de nombreux pays africains ont du mal 脿 r茅pondre aux normes en raison d鈥檕bstacles techniques et par manque de moyens.鈥� Selon des 茅tudes r茅alis茅es au Kenya, les exploitants agricoles devraient, pour respecter les normes rigoureuses qu鈥檌mpose l鈥橴nion europ茅enne, multiplier leurs d茅penses actuelles par dix. L鈥橭uganda devrait, quant 脿 lui, d茅penser 300 millions de dollars pour moderniser ses usines de conditionnement du miel et les producteurs de caf茅 devraient supporter une hausse de 200听% de leur frais.

Si l鈥橴E appliquait les normes internationales relatives aux pesticides et aux bananes et non ses propres normes, plus restrictives, les exportations annuelles de l鈥橝frique augmenteraient de 400 millions de dollars, selon le rapport publi茅 en mars 2005 par la Commission pour l鈥橝frique, groupe de haut niveau cr茅茅 par le Premier Ministre du Royaume-Uni, Tony Blair.

Les exportations africaines de viande vers les Etats-Unis, de produits laitiers vers l鈥橴nion europ茅enne et de produits d鈥檕rigine animale destin茅s au Japon se heurtent souvent 脿 des obstacles d鈥檕rdre sanitaire, note M. Nyangito.

Le Commissaire europ茅en 脿 la sant茅 et 脿 la protection des consommateurs, David Byrne, reconna卯t que 鈥渓鈥檕n s鈥檌magine que l鈥橴E, ainsi que d鈥檃utres pays d茅velopp茅s, se servent des normes de s茅curit茅 alimentaire 脿 des fins protectionnistes鈥�. Il soutient toutefois que les mesures sanitaires et phytosanitaires appliqu茅es par l鈥橴nion n鈥檕nt pas pour objet de freiner le commerce mais plut么t de pr茅server les normes sanitaires de la r茅gion. 鈥淛e reconnais tout 脿 fait que l鈥橴E impose des crit猫res tr猫s 茅lev茅s en mati猫re de s茅curit茅 alimentaire et qu鈥檌l est difficile de respecter ces crit猫res, en particulier pour les pays en d茅veloppement, mais je n鈥檃i pas 脿 m鈥檈n excuser.鈥�

Des contaminants co没teux

Selon Action for Southern Africa (ACTSA), une organisation non gouvernementale londonienne, les horticulteurs africains ont de plus en plus de mal 脿 s鈥檌ntroduire sur le march茅 europ茅en en raison de r猫gles excessivement restrictives concernant les niveaux de contaminants acceptables, encore appel茅s 鈥渓imites maximales de r茅sidus鈥�.

L鈥橭MC permet aux pays d鈥檈mp锚cher l鈥檈ntr茅e sur leur territoire de denr茅es alimentaires ne satisfaisant pas 脿 certaines normes relatives aux contaminants biologiques et chimiques. Le Comit茅 mixte d鈥檈xperts des additifs alimentaires (JECFA), organe des Nations Unies qui se compose d鈥檈xperts de l鈥橭rganisation mondiale de la sant茅 et de l鈥橭rganisation pour l鈥檃limentation et l鈥檃griculture, pr茅sente des recommandations de normes mondiales 脿 la Commission du Codex Alimentarius.

鈥淭outefois, l鈥橴E d茅cide souvent d鈥檌gnorer les recommandations du Codex et impose des normes beaucoup plus strictes, indique l鈥橝CTSA. Un grand nombre de producteurs et d鈥檃ctivistes d鈥橝frique australe estiment que ces dispositions l茅gislatives constituent une forme de protectionnisme commercial indirect."

Prenons l鈥檈xemple des r茅sidus d鈥檃flatoxines, qui sont canc茅rig猫nes et que l鈥檕n trouve notamment dans les arachides trait茅es et dans les fruits secs. Depuis 1998, l鈥橴E exige que les denr茅es alimentaires qui entrent sur son march茅 r茅pondent 脿 des normes plus strictes que celles que recommande le JECFA en ce qui concerne les aflatoxines 鈥� bien que des 茅tudes indiquent que si l鈥檕n r茅duisait les niveaux d鈥檃flatoxine de fa莽on 脿 respecter les normes impos茅es par l鈥橴nion, on n鈥櫭﹙iterait que deux d茅c猫s par milliard de personnes par ann茅e. La Banque mondiale estime que le respect de ces normes co没terait environ 670 millions de dollars par an aux exportateurs africains de c茅r茅ales, de fruits, de l茅gumes et d鈥檃rachides.

La barre a 茅t茅 plac茅e si haut que m锚me les pays industrialis茅s tels que les Etats-Unis se plaignent des normes de l鈥橴E relatives aux aflatoxines. Pour les produits laitiers, l鈥橴E exige le niveau le plus faible d鈥檃flatoxine que les moyens technologiques actuels puissent d茅celer 鈥� alors que les Etats-Unis appliquent des normes bien moins rigoureuses. Selon les exploitants agricoles des Etats-Unis, ceci les emp锚che de vendre des produits laitiers 脿 l鈥橴nion europ茅enne car dans certaines r茅gions des Etats-Unis, le climat ne permet pas d鈥檃tteindre les normes fix茅es par l鈥橴nion.

Les mesures sanitaires et phytosanitaires peuvent 锚tre particuli猫rement compliqu茅es lorsque diff茅rents pays 茅valuent diff茅remment la nature du risque ou ont diff茅rents degr茅s de tol茅rance, note Leonardo Lacovone, conseiller 茅conomique aupr猫s du Minist猫re de l鈥檃griculture du Mozambique. 鈥淒ans certains cas, les vues des experts divergent et dans d鈥檃utres cas, nous nous heurtons essentiellement 脿 une pression politique qui refl猫te une peur g茅n茅ralis茅e mais non universelle."

La campagne men茅e par l鈥橴E afin d鈥欌�渉armoniser les normes internationales鈥� depuis les droits de propri茅t茅 intellectuelle jusqu鈥檃ux normes en mati猫re d鈥檈nvironnement pose un probl猫me consid茅rable 脿 l鈥橭MC, note M. Razeen Sally de la London School of Economics, dans une 茅tude consacr茅e aux politiques de l鈥橴nion. Les propositions de l鈥橢urope ajoutent au programme de l鈥橭MC des r茅glementations complexes et intempestives, qui pourraient 锚tre trop contraignantes pour un grand nombre de pays pauvres, dit-il.

鈥淐e programme implicite d鈥檋armonisation des normes qui vise 脿 hisser les normes des pays en d茅veloppement au niveau de celles des pays d茅velopp茅s est 脿 pr茅sent la force la plus insidieuse qui existe au sein de l鈥橭MC, observe-t-il. Cela risque de renforcer encore les barri猫res r茅glementaires qu鈥檌mposent les pays d茅velopp茅s et de fermer la porte aux exportations 脿 bas prix des pays en d茅veloppement.鈥�