Le?sixi¨¨me sommet Union europ¨¦enne-Union africaine?est pr¨¦vu ¨¤ Bruxelles les 17 et 18 f¨¦vrier 2022.
Alors que les dirigeants africains et europ¨¦ens se r¨¦unissent pour un sommet crucial de l'UE et de l'UA ¨¤ Bruxelles, les Africains sont saisis ¨¤ la fois d'un sentiment d'anticipation plein d'espoir - et d'un sentiment d'appr¨¦hension fatigu¨¦e.
Espoir, parce que le sommet porte sur le financement de la relance, et qu'un financement durable ad¨¦quat de la relance est exactement ce qu'il faut. Appr¨¦hension, parce que trop de sommets ont eu lieu avec trop peu d'impact ces derni¨¨res ann¨¦es, et que trop peu de dirigeants au nord ou au sud de la M¨¦diterran¨¦e ont saisi les ¨¦normes d¨¦fis - mais aussi les opportunit¨¦s encore plus grandes - qui se pr¨¦sentent ¨¤ nous en ce moment historique extraordinaire.
Dans quelques d¨¦cennies, la jeunesse africaine sera environ six fois plus grande que celle de l'Europe. La cr¨¦ativit¨¦, le dynamisme et la r¨¦solution de probl¨¨mes de notre jeunesse seront essentiels pour relever une foule de d¨¦fis auxquels l'Europe est confront¨¦e aujourd'hui et sera de plus en plus confront¨¦e ¨¤ l'avenir.?
Comment pouvons-nous nous mettre en partenariat pour lutter contre le changement climatique et promouvoir la d¨¦mocratie ??
Comment pouvons-nous nous mettre en partenariat pour garantir que les syst¨¨mes de sant¨¦ livrent la s¨¦curit¨¦ sanitaire aux citoyens de toutes les r¨¦gions ? Comment la diaspora dynamique de l'Afrique pourrait-elle contribuer ¨¤ alimenter le dynamisme de l'Europe ? Comment rallier des efforts communs pour lutter contre les flux financiers illicites ?
Europ¨¦ens et Africains sont d'accord - ¨¤ l'¨¦chelle mondiale, nous devons investir en moyenne 2 ¨¤ 3 % de plus du PIB mondial dans des infrastructures durables pour ¨¦viter une catastrophe climatique et livrer une croissance inclusive riche en emplois. Pour les pays africains, le besoin d'investissement est proportionnellement plus important, car le financement de nos reprises a ¨¦t¨¦ jusqu'¨¤ pr¨¦sent pratiquement inexistant, nos jeunes ont des aspirations ¨¦normes et notre point de d¨¦part est un point d'investissement et de revenu par habitant bien plus bas.
Aujourd'hui, il existe une divergence dangereuse et dynamique entre nos taux de reprise - les taux de vaccins nous ¨¦loignent les uns des autres, le diff¨¦rentiel d'acc¨¨s aux mesures de relance budg¨¦taire creuse l'¨¦cart de reprise ; et l'assouplissement quantitatif en cours aux ?tats-Unis et en Europe, associ¨¦ aux pressions inflationnistes, paralyse nos ¨¦conomies. Tout cela accro?t les in¨¦galit¨¦s dans le monde et, comme nous le constatons d¨¦j¨¤, alimente les conflits, les citoyens exigeant davantage de leurs dirigeants.
La r¨¦ponse de Bruxelles ¨¤ ces pressions doit ¨ºtre diff¨¦rente. Nous avons besoin de trillions suppl¨¦mentaires investis dans une nouvelle histoire de croissance mutuellement b¨¦n¨¦fique, une nouvelle vision inclusive de croissance verte riche en emplois. Le?Plan d'action pour la relance verte?de l'Union africaine, combin¨¦ ¨¤ la?Zone de libre-¨¦change continentale africaine?constituent le cadre de ce plan de relance et de r¨¦initialisation. Les dirigeants africains r¨¦unis en ?thiopie en f¨¦vrier se sont engag¨¦s ¨¤ acc¨¦l¨¦rer la mise en ?uvre de ces programmes. La r¨¦union de Bruxelles offre une plateforme o¨´ l'Europe peut s'associer ¨¤ l'Afrique pour acc¨¦l¨¦rer la mise en ?uvre de ce programme afin de construire une Afrique prosp¨¨re.
Voici une approche importante de d¨¦cisions pratiques que les dirigeants r¨¦unis ¨¤ Bruxelles peuvent prendre pour que le sommet soit significatif et ait un impact imm¨¦diat, ce qui contribuera ¨¦galement ¨¤ cr¨¦er un ¨¦lan pour une action et un partenariat plus globaux avec l'Afrique.
Premi¨¨rement, l'Europe doit veiller ¨¤ ce que les ¨¦conomies africaines puissent relever leurs d¨¦fis en mati¨¨re de liquidit¨¦s en respectant ou en d¨¦passant l'offre de la Chine de recycler au moins 25 % de leurs droits de tirage sp¨¦ciaux - 162 milliards de DTS sur les 650 milliards de DTS ¨¦mis. ? ; Conform¨¦ment ¨¤ l'accord de Paris et ¨¤ l'appel du pr¨¦sident Macron, 100 milliards de dollars de cette somme devraient ¨ºtre allou¨¦s ¨¤ l'Afrique, y compris aux pays ¨¤ revenu interm¨¦diaire vuln¨¦rables.? ; Environ 7 pays europ¨¦ens et le Royaume-Uni se sont engag¨¦s ¨¤ recycler des DTS ou des ¨¦quivalents budg¨¦taires repr¨¦sentant quelque 15 milliards de dollars en DTS. ?
Il en faut plus, et le sommet de Bruxelles peut contribuer ¨¤ faire augmenter le nombre d'engagements.?94 % des DTS des pays d¨¦velopp¨¦s sont inutilis¨¦s, tandis que l'Afrique utilise 52 % de ses DTS.?Au S¨¦n¨¦gal, les DTS ont ¨¦t¨¦ utilis¨¦s pour ¨¦tayer le d¨¦veloppement des capacit¨¦s de fabrication de produits pharmaceutiques.?
Ces DTS peuvent ¨ºtre recycl¨¦s dans une s¨¦rie d'endroits strat¨¦giques : le Fonds fiduciaire pour la r¨¦duction de la pauvret¨¦ et la croissance (PRGT) du FMI, - o¨´ les pays dans le besoin doivent pouvoir y acc¨¦der rapidement ; le nouveau fonds fiduciaire pour la r¨¦silience et la durabilit¨¦, une nouvelle facilit¨¦ de liquidit¨¦ et de durabilit¨¦ pour aider ¨¤ r¨¦duire les taux d'int¨¦r¨ºt pour les infrastructures durables ; la Banque africaine de d¨¦veloppement et Afreximbank.?
Ces institutions africaines sont ¨¤ la pointe de la croissance verte et du commerce r¨¦gional, et leur renforcement permet d'instaurer plus de confiance et d'¨¦galit¨¦ dans le partenariat entre l'UA et l'UE.
Deuxi¨¨mement, cr¨¦er de toute urgence un groupe de travail conjoint avec les ministres des Finances africains pour examiner et r¨¦viser le cadre commun de la dette et r¨¦tablir le DSSI.
Pr¨¨s d'un an apr¨¨s son annonce et plus de deux ans apr¨¨s le d¨¦but de la crise, de nombreux pays qui ont besoin d'un d¨¦sendettement ordonn¨¦ n'ont pas acc¨¨s ¨¤ des instruments robustes et rapides.
Les cr¨¦anciers europ¨¦ens ne sont pas en mesure d'assurer le financement de la dette.
Les cr¨¦anciers europ¨¦ens pourraient ¨¦galement faire preuve de plus de cr¨¦ativit¨¦ avec les ¨¦changes de dette contre adaptation climatique en incluant cette option dans le cadre commun de la dette. L'introduction d'une DSSI limit¨¦e dans le temps et l'¨¦largissement de son ¨¦ligibilit¨¦ seront essentiels pour amortir les pays ¨¤ faible revenu et les pays ¨¤ revenu interm¨¦diaire vuln¨¦rables.
Troisi¨¨mement, accord pour travailler avec les pays africains sur un programme de transition cr¨¦dible, transparent et juste qui sera livr¨¦ par la COP africaine en ?gypte. Les pays africains ont sign¨¦ ¨¤ l'unanimit¨¦ l'accord de Paris d'atteindre le z¨¦ro net d'ici 2050.?
Pour y parvenir, l'Afrique a besoin d'un prix mondial du carbone conforme aux objectifs de Paris, et d'une conversation plus honn¨ºte sur le soutien d'un m¨¦canisme de pertes et dommages - afin que les nations vuln¨¦rables au climat puissent ¨ºtre indemnis¨¦es pour les impacts actuels des ¨¦missions de carbone actuelles et historiques.
L'UE devrait ¨¦galement soutenir l'appel des dirigeants africains ¨¤ ce que 50 % du financement climatique soit destin¨¦ ¨¤ l'adaptation et offrir des facilit¨¦s de rehaussement de cr¨¦dit ou des garanties partielles pour am¨¦liorer le taux d'¨¦mission d'obligations vertes et bleues africaines.?En outre, afin de s'assurer que les nations africaines ne sont pas ¨¦touff¨¦es dans leur d¨¦veloppement, le gaz pour la cuisson et l'¨¦nergie de base doit ¨ºtre une partie financ¨¦e d'une transition juste.
Quatri¨¨mement, la lutte contre le COVID-19 persiste mais aujourd'hui, plus d'enfants africains meurent du paludisme, la r¨¦ponse sanitaire doit donc ¨ºtre globale. L'Europe doit mettre ¨¤ l'¨¦chelle un paquet d'investissement pour la capacit¨¦ de fabrication de vaccins, accepter de partager la propri¨¦t¨¦ intellectuelle avec les fabricants africains et augmenter le financement des syst¨¨mes de sant¨¦ africains. ?
L'Allemagne et les ?tats-Unis sont sur le point d'accueillir des sommets cl¨¦s pour l'¨¦quit¨¦ en mati¨¨re de vaccins et la lutte contre la prochaine pand¨¦mie, de sorte que ce sommet UA-UE peut signaler l'intention collective de l'Europe vers une plus grande g¨¦n¨¦rosit¨¦ et une s¨¦curit¨¦ sanitaire collective.?L'Europe et l'Afrique doivent ¨¦galement soutenir la cr¨¦ation d'un dispositif de pr¨¦paration ¨¤ la pand¨¦mie.
Enfin, l'investissement dans le secteur r¨¦el doit rester une priorit¨¦. L'Europe et l'Afrique doivent s'engager ¨¤ approfondir les partenariats commerciaux, notamment en soutenant la ZLECAf et le d¨¦veloppement de cha?nes d'approvisionnement durables et r¨¦silientes ¨¤ valeur ajout¨¦e. La ZLECAf a cr¨¦¨¦ d'¨¦normes opportunit¨¦s d'investissement. Par exemple, dans le seul secteur des transports, plus de 400 milliards de dollars d'investissements sont n¨¦cessaires pour engranger tous les avantages.?
Les initiatives conjointes de Team Africa et Team Europe, dans les domaines de l'¨¦nergie, des transports et de la num¨¦risation, pourraient contribuer ¨¤ acc¨¦l¨¦rer ces investissements, ¨¤ cr¨¦er des emplois, ¨¤ transf¨¦rer des technologies et ¨¤ am¨¦liorer les moyens de subsistance de tous, en particulier des jeunes et des PME.?
Le projet Global Gateway r¨¦cemment annonc¨¦ est une initiative bienvenue. Pour l'Afrique, la num¨¦risation est un pilier crucial pour acc¨¦l¨¦rer le d¨¦veloppement et les pays africains ont h?te d'avoir des r¨¨gles du jeu ¨¦quitables avec un acc¨¨s aux meilleures technologies mondiales pour leurs ambitions.
En contrepartie, les gouvernements africains doivent continuer ¨¤ am¨¦liorer ses syst¨¨mes de gouvernance. Les plus critiques seront l'am¨¦lioration de la mobilisation des ressources nationales, la lutte contre les flux financiers illicites et l'ouverture de l'espace civique pour des dialogues plus inclusifs. Am¨¦liorer l'environnement favorable ¨¤ la participation du secteur priv¨¦ et surtout encourager l'entrepreneuriat des jeunes en s'appuyant sur des initiatives telles que Compact with Africa restent importants.
Nos objectifs mondiaux, l'agenda 2030 et les accords de Paris coupl¨¦s ¨¤ nos aspirations continentales refl¨¦t¨¦es dans l'Agenda 2063 constituent la base d'un partenariat collectif, robuste et fructueux. Le sommet de Bruxelles est un sommet de confiance apr¨¨s deux ann¨¦es rocailleuses o¨´ le multilat¨¦ralisme a c¨¦d¨¦ la place au nationalisme.
L'Europe et l'Afrique ne doivent pas perdre cette opportunit¨¦ de reprise et de r¨¦initialisation de nos relations et de nos ¨¦conomies.
*Traduit par la r¨¦daction
Mme Songwe est la?secr¨¦taire g¨¦n¨¦rale adjointe des Nations Unies et secr¨¦taire ex¨¦cutive de la Commission des Nations Unies pour l'Afrique (CEA).
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