L鈥橝ssociation des compagnies a茅riennes africaines (AFRAA) a publi茅 en novembre sa liste des meilleures compagnies a茅riennes africaines pour 2019. On y retrouve Kenya Airways, pour la 芦 meilleure connectivit茅 am茅lior茅e intra-africaine 禄 de 2018 et Royal Air Maroc pour ses remarquables 芦 performances financi猫res et sa rentabilit茅 禄.
Kenya Airways est la compagnie qui a mis en place le plus grand nombre de nouvelles liaisons a茅riennes en 2018, notamment vers Malindi, Maurice ou encore Mogadiscio. Elle a aussi augment茅 sa capacit茅 et la fr茅quence de ses vols vers une douzaine de villes d鈥橝frique comme Le Cap, Zanzibar ou Kigali.
La zone de libre-茅change continentale africaine entr茅e en vigueur cette ann茅e est la plus grande zone de libre-茅change au monde. En r茅compensant la 芦 connectivit茅 intra-africaine 禄, l鈥檃ssociation des compagnies a茅riennes invite ses membres 脿 profiter des opportunit茅s g茅n茅r茅es par cette zone.
Le prix d茅cern茅 脿 Kenya Airways est intervenu alors que la compagnie venait tout juste de f锚ter le premier anniversaire du lancement de ses vols sans escale Nairobi 鈥� New York, qui ont fait baisser le temps de trajet entre l鈥橝frique et les 脡tats-Unis d鈥檃u moins sept heures. Les voyageurs n鈥檕nt plus besoin de transiter par l鈥橢urope ou le Moyen-Orient. Apr猫s 12 mois d鈥檈xploitation de cette nouvelle liaison, la compagnie dit avoir d茅j脿 transport茅 100 000 voyageurs 鈥� un succ猫s immense, selon ses propres mots.
Mais malgr茅 toutes ces distinctions, force est de constater que Kenya Airways, 脿 l鈥檌nstar de nombreuses autres compagnies d鈥橝frique, traverse une p茅riode de turbulences. La flamb茅e des co没ts d鈥檈xploitation, due 脿 une expansion ambitieuse et 脿 la hausse des co没ts du carburant, continue de compromettre les b茅n茅fices. Au milieu de l鈥檃nn茅e, la compagnie a enregistr茅 une perte nette apr猫s imp么ts de 740 millions de dollars en 2018, contre 640 millions de dollars sur la p茅riode d鈥檃vril 脿 d茅cembre 2017. Elle envisage m锚me une renationalisation et des partenariats public-priv茅. Les d茅boires du transporteur k茅nyan sont, dans une certaine mesure, le reflet des difficult茅s d鈥檈xploitation et de rentabilit茅 que rencontrent actuellement toutes les compagnies a茅riennes africaines.
Taxation trop 茅lev茅e, restrictions d鈥檃cc猫s au march茅, co没ts d鈥檈xploitation importants 鈥� notamment les co没ts du k茅ros猫ne qui sont 35% plus 茅lev茅s qu鈥檃illeurs dans le monde 鈥� font partie des d茅fis 脿 relever pour les compagnies africaines, selon Abderahmane Berthe, secr茅taire g茅n茅ral de l鈥橝FRAA.
Selon l鈥橝ssociation du transport a茅rien international (IATA), l鈥橝frique, qui repr茅sente 16% de la population mondiale, ne participe qu鈥櫭� hauteur de 3% au trafic a茅rien mondial.
Il y a trente ans, 44 pays africains ont convenu, avec la D茅cision de Yamoussoukro, de lib茅raliser les services a茅riens en Afrique en ouvrant les march茅s r茅gionaux 脿 la concurrence transnationale. Cette d茅cision est devenue contraignante en 2002. L鈥檕bjectif 茅tait de donner aux compagnies a茅riennes des droits de survol et d鈥檃tterrissage 脿 des fins commerciales dans d鈥檃utres pays d鈥橝frique, et d鈥櫭﹍iminer les limites fix茅es 脿 la fr茅quence des vols sur les liaisons internationales.
L鈥檃pplication de cette d茅cision a 茅t茅 lente et a connu plusieurs revers, mais en 2018, les efforts de l鈥橴nion africaine ont fait rena卯tre l鈥檈spoir avec le lancement du March茅 unique du transport a茅rien africain (MUTAA), qui vise 脿 mettre pleinement en 艙uvre la D茅cision de Yamoussoukro. Si le transport a茅rien 茅tait enti猫rement lib茅ralis茅, les passagers b茅n茅ficieraient de meilleurs services et tarifs et les compagnies a茅riennes seraient en mesure d鈥檕ffrir une meilleure connectivit茅, qui stimulerait le trafic et les 茅changes commerciaux. Vingt-trois pays ont adh茅r茅 au MUTAA lors de son lancement. D茅but 2019, ils 茅taient d茅j脿 cinq de plus. La nouvelle zone de libre-茅change continentale africaine devrait donc acc茅l茅rer l鈥檕uverture du ciel africain.
Lentement cependant, la demande augmente. Ces deux derni猫res ann茅es, selon une 茅tude du cabinet-conseil en voyages a茅riens Sabre, elle a progress茅 d鈥檈nviron 2%. Publi茅e en novembre 2019, cette 茅tude r茅v猫le aussi que les voyageurs sont pr锚ts 脿 d茅penser jusqu鈥櫭� 27% de plus pour leurs trajets a茅riens si cela leur permet de se d茅placer facilement et librement.
Alors pourquoi l鈥橝frique ne parvient-elle pas 脿 exploiter cette hausse du nombre de passagers ?
Christian Folly-Kossi, ancien secr茅taire g茅n茅ral de l鈥橝FRAA et consultant en a茅ronautique bas茅 脿 Lom茅, pointe du doigt les ambitions des pays africains qui veulent 脿 tout prix leur propre transporteur : 芦 Un drapeau, un hymne, une compagnie a茅rienne : ce sont les attributs fondamentaux de la souverainet茅 禄, explique-t-il.
Alors que le nombre de passagers augmente, les pays tentent de relancer leurs compagnies nationales. L鈥橭uganda est le dernier 脿 s鈥櫭猼re lanc茅 dans l鈥檃venture. Le Ghana et la Zambie envisagent de faire de m锚me, tout comme le S茅n茅gal, pour la troisi猫me fois en vingt ans.
芦 Les boxeurs professionnels le savent depuis longtemps 禄, continue Christian Folly-Kossi. 芦 Si poids lourd et poids plume se rencontrent sur le m锚me ring, il y en a toujours un qui se fait assommer 禄. Les petites compagnies a茅riennes africaines peuvent ais茅ment 锚tre mises au tapis dans leurs pays par les grands transporteurs internationaux. C鈥檈st la raison pour laquelle les r茅gulateurs africains du trafic h茅sitent 脿 lib茅raliser leurs espaces a茅riens. Les donn茅es r茅centes sur la rentabilit茅 des liaisons a茅riennes en Afrique semblent confirmer les craintes de Christian Folly-Kossi.
Selon OAG (Official Aviation Guide), une soci茅t茅 d鈥檃nalyse des donn茅es du trafic a茅rien implant茅e au Royaume-Uni, les liaisons a茅riennes les plus rentables d鈥橝frique sont exploit茅es par Emirates, qui op猫re entre l鈥橝frique du Sud, l鈥橝sie et l鈥橢urope via Duba茂.
Entre avril 2018 et mai 2019,听 South African Airways et TAAG Angola Airlines ont 茅t茅 les seules compagnies a茅riennes africaines 脿 exploiter l鈥檜ne des 10 liaisons les plus rentables d鈥橝frique. South African Airways exploite la liaison intra-africaine la plus rentable entre Johannesburg et Le Cap.
Pourtant, South African Airways,听 Kenya Airways et Air C么te d鈥橧voire, ont du mal 脿 survivre. Ces vingt derni猫res ann茅es, le transporteur sud-africain a d没 锚tre renflou茅 massivement 脿 plusieurs reprises, avec une facture pour le gouvernement estim茅e 脿 1,96 milliard de dollars par les m茅dias sud-africains.
Si l鈥橧ATA chiffre en millions le nombre de passagers suppl茅mentaires d鈥檌ci 脿 2036 et pr茅voit une augmentation annuelle de 5% par an dans les 20 prochaines ann茅es, les experts de l鈥檃viation estiment que la multiplication du nombre des compagnies a茅riennes africaines qui cherchent dans chaque pays 脿 exploiter les m锚mes liaisons ne r茅soudra pas les probl猫mes de l鈥檌ndustrie.
Christian Folly-Kossi plaide pour que les compagnies a茅riennes op猫rent entre diff茅rentes plateformes r茅gionales qui seraient ensuite desservies par les petites compagnies. 芦 En Europe, les petits pays comme la Belgique, la Suisse et les pays scandinaves ont compris d猫s les ann茅es 1980 et 1990 que leurs compagnies a茅riennes ne pourraient survivre que si elles adoptaient le concept de r茅seau en 茅toile (concept hub-and-spoke) 禄, explique-t-il. Ce syst猫me permet aux a茅roports r茅gionaux de transporter les passagers vers un a茅roport central o霉 des vols longue distance sont disponibles.
Pour ses vols transatlantiques vers le Br茅sil, New York et bient么t Houston, Texas aux 脡tats-Unis, Ethiopian Airlines s鈥檃ssocie ainsi 脿 ASKY, un transporteur r茅gional d鈥橝frique de l鈥橭uest et centrale, pour exploiter une plateforme a茅roportuaire ouest-africaine au d茅part de Lom茅 au Togo. De m锚me, Kenya Airways pr茅voit de faire de Nairobi une plateforme majeure autour de son vaste r茅seau en Afrique de l鈥橢st.
Pour Christian Folly-Kossi, il suffirait de cinq plateformes a茅roportuaires de plus pour d茅verrouiller le march茅 africain des vols court et long-courriers.听 听
