En avril 2019, le groupe terroriste État islamique a revendiqué la responsabilité de sa première attaque en République démocratique du Congo, au cours de laquelle huit personnes ont été tuées dans la province du Nord-Kivu.
Avec les récentes attaques au Mozambique, cette attaque représente un développement inquiétant dans la lutte que l’Afrique mène contre l’extrémisme violent et le terrorisme, jusqu’ici cantonnés à des pays comme la Somalie, le Nigéria, le Mali et leurs voisins, eux-mêmes confrontés aux effets directs et indirects des violences des extrémistes d’Al-Shabaab, de Boko Haram ou d’Al-Qaeda.
Soixante pour cent de la population africaine a moins de 25 ans et les efforts de recrutement des groupes extrémistes ciblent principalement les jeunes. Il est donc crucial de s’attaquer aux raisons qui poussent ces derniers vers l’extrémisme violent.
Dans une étude de 2017 qui s’appuie sur des entretiens avec des centaines de recrues volontaires d’Al-Shabaab et de Boko Haram, le Programme des Nations Unies pour le développement note que le choix de l’extrémisme violent s’explique par des facteurs tels que l’exclusion, la marginalisation, l’absence d’opportunités et les griefs contre l’État.
Près de 71% des personnes interrogées citent les agissements du gouvernement – le meurtre ou l’arrestation d’un membre de la famille par exemple, ou d’un ami – comme l’élément déclencheur ayant motivé leur choix de rallier un groupe extrémiste. Ce
chiffre souligne les limites du contre-terrorisme militaire pratiqué par les gouvernements.
Ce message commence à passer : la prévention cède de plus en plus le pas à la lutte antiterroriste au sein des organisations de lutte contre l’extrémisme violent, notamment les organismes régionaux comme l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Les moyens d’action sont vastes :Ìý ils vont de la création d’emplois à l’offre de services de base, en passant par la démonstration d’uneÌý «Ìý puissance douce » apte à réduire les tensions et rétablir la confiance au sein des communautés en instaurant un dialogue au sein de ces communautés ainsi qu’avec les groupes de la société civile, et en diffusantÌý des contre-messages ou encore en assurant le respect des droits de l’homme lors d’interactions avec les acteurs chargés du maintien de l’ordre.
Les jeunes eux-mêmes sont au premier plan de certaines initiatives de lutte contre la montée de l’extrémisme violent.
Le Dialogue interconfessionnel de la Commission de l’Union africaine sur l’extrémisme violent (iDove), forge ainsi des alliances avec de jeunes activistes dont les réseaux sont déjà établis. Depuis 2017, des forums intercontinentaux annuels de la jeunesse servent de plate-forme aux jeunes d’Afrique et d’Europe et leur permettent de débattre avec des décideurs politiques, des artistes, des membres de la société civile et autres pour échanger sur la prévention de l’extrémisme violent. iDove encourage aussi le dialogue intra et interconfessionnel, contribue à une meilleure compréhension des raisons qui poussent les jeunes à rejoindre les groupes violents et indique à ces derniers oùÌý demander de l’aide.
Les jeunes bâtisseurs de la paix à l’origine de l’Initiative Youth 4 ¹ú²úAVÌý du NigériaÌý s’efforcent, avec des centaines d’activistes,Ìý de contrer la violence extrémiste en Afrique de l’Ouest en encourageant les jeunes à participer à des campagnes, en créant des clubs de paix dans les écoles et en menant des activités visant à accroître la résilience afin deÌý faire obstacle aux discoursÌý de recrutement.
Au Kenya, l’artiste de hip-hop TT utilise l’art et la culture pour promouvoir la paix et la sécurité grâce à son initiative Wacha Gun, Shika Mic (« Laisse ton arme, prends le micro »), qui encourage les jeunes des zones à haut risque à se détourner du crime et des drogues pour promouvoir la paix.
En Somalie, le Centre Elman pour la paix et les droits de l’homme a pour slogan Ìý Ìý Ìý Ìý Ìý Ìý « Laisse ton arme, prends un stylo ». Ce centreÌý encourage les jeunes ex-combattants à chercher des sources alternatives de revenu et offre à tous les jeunes la possibilité de participer à la vie politique .
En Ouganda,Ìý l’African Youth Initiative Network (AYINET) réhabilite les communautés post-conflit et encourage les jeunes à devenir des défenseurs de la paix. Il offre aux auteurs de violences un espace pour raconter leurs histoires et demander de l’aide, ainsi que des formations et un soutien psychosocial.
En Afrique de l’Est, le Réseau des jeunes ambassadeurs du Commonwealth pour la paix lutte contre l’extrémisme violent par le biais d’initiatives telles que « Legacy of Prevention », qui visent à combler les lacunes régionales en matière de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent.
Mais, alors même queÌý les gouvernements et les communautés progressent sur ces questions, de nouveaux défis apparaissent. Ainsi, parmi les quelque 40 000 terroristes étrangers de 110 pays qui, selon l’ONU, ont pris part aux combats en Syrie et en Irak figurent des Africains. Aujourd’hui, certains de ces combattants s’apprêtent à rentrer chez eux.
D’autres combattants, de même que des femmes et enfants non combattants, sont pris au piège dans des pays tiers après avoir fui les bastions perdus par les groupes extrémistes. Certains enfants ont activement participé aux combats et ont besoin d’être réhabilités et réintégrés dans des communautés parfois réticentes à les accueillir. Les gouvernements, organisations et communautés qui font de la prévention de l’extrémisme violent leur priorité doivent s’assurer que ces jeunes reçoivent le soutien dont ils ont besoin pour reconstruire leur vie.Ìý Ìý Ìý