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La migration peut accélérer la croissance

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La migration peut accélérer la croissance

— Ashraf El Nour
Zipporah Musau
Afrique Renouveau: 
Ashraf El Nour, Director, IOM New York
Ashraf El Nour, Director, IOM New York
Actuellement, la migration est au cÅ“ur de toutes les discussions sur le développement durable en Afrique. Les experts brossent un tableau nettement plus complexe que les images de migrants traversant la Méditerranée. Qui migre, comment et où vont ces personnes ? Zipporah Musau »å’Afrique Renouveau s’est entretenue avec Ashraf El Nour, directeur du bureau de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) auprès de l’ONU à New York.

Afrique Renouveau : Donnez-nous un aperçu de la migration actuelle en Afrique : qui migre et où vont ces personnes ?

M. El Nour : Les Africains se déplacent essentiellement sur le continent, vers les pays voisins ou dans la même région. On compte 258 millions de migrants au niveau mondial, dont 36 millions en Afrique parmi lesquels 19 millions se déplacent à l’intérieur du continent et 17 millions le quittent.

Que peut-on en conclure ?

Que les migrations africaines sont essentiellement panafricaines. Environ 53 % du nombre total de migrants sont originaires »å’Afrique et y restent. Preuve que les pays africains peuvent à la fois être des pays »å’origine, de transit et »å’accueil.

L’Afrique abrite l’un des couloirs de migration les plus fréquentés, le cinquième au monde. Certains mouvements migratoires sont établis depuis de nombreuses années et relient les migrants aux pays »å’accueil en raison de liens historiques, linguistiques, religieux ou culturels. L’Afrique francophone et la France en sont des exemples. Les migrations originaires de l’Afrique du Nord ont commencé après la Seconde Guerre mondiale, lorsque des travailleurs étrangers sont allésÌý participer à la réhabilitation et à la reconstruction »å’après-guerre. Au fil du temps, des Algériens, des Marocains, des Tunisiens et »å’autres se sont installés en Europe, principalement en France et en Belgique. DesÌý migrants de »å’Afrique de l’Est comme le Soudan, l’Érythrée et la Somalie se rendent en Arabie Saoudite et »å’autres pays du Golfe tels que les Émirats arabes unis et le Qatar. L’Afrique du Sud est un pôle »å’attraction pour les migrants en provenance des pays voisins comme le Lesotho, le Swaziland et le Zimbabwe.

Quelles sont les principales routes migratoires ?

Les déplacements s’articulent autour de trois ou quatre routes migratoires. La route migratoire de la Corne de l’Afrique est la plus importante de l’Afrique de l’Est. Elle part de la Corne de l’Afrique, notamment de la Somalie, de l’Éthiopie,Ìý ou de l’Érythrée, passe par le Soudan et la Libye et traverse la Méditerranée pour l’Italie ou Malte.

Le deuxième itinéraire est la route de l’Afrique de l’OuestÌý qui va du Nigeria, de la Gambie, de la Côte »å’Ivoire ou du Burkina Faso, puis le Niger et l’Algérie, principalement la Libye.

La troisième route va de l’Afrique de l’Est à l’Afrique du Sud en passant par la Tanzanie, le Mozambique et le Malawi.

Le quatrième itinéraire est la route du golfe »å’Aden. Des personnes essentiellement originaires de la Somalie et »å’Éthiopie se rendent à Djibouti qui sert de point de transit vers le Yémen.

Qui, en Afrique, migre le plus souvent ?

Environ 60 % des personnes qui ont recours à l’immigration clandestine sont des jeunes. Ils ont pour la plupartÌý moins de 20 ans et certains ne sont pas accompagnés. Les autres ont entre 25 et 35 ans.

Y a-t-il plus »å’hommes ou de femmes qui se déplacent ?

Sur les 258 millions de migrants dans le monde, environ 48 % sont des femmes. En Afrique, le pourcentage a tendance à baisser un peu, mais nous pouvons affirmer avec certitude que 45 % des migrants sont des femmes.Ìý Nous assistons à une « féminisation » croissante du processus car de plus en plus de femmes partent à la recherche »å’un emploi et prennent en charge leur famille. Le temps où elles restaient en retrait tandis que les hommes partaient, semble révolu.

Nous avons vu des images de migrants dans le désert du Sahara....

Il s’agit pour la plupart de déplacements non organisés mis en Å“uvre par des passeurs et des trafiquants »å’êtres humains. Ils ne franchissent pas les frontières reconnues à l’échelle internationale. C’est une activité juteuse qui cible les jeunes dans l’incapacité »å’obtenir facilement des passeports, des visas ou des billets »å’avion, et dont la seule option consiste à chercher des recruteurs qui leur promettent un emploi, la traversée illégale »å’un pays à l’autre, et le transfert »å’un groupe de passeurs à un autre. Les migrants sont menacés et certains »å’entre eux sont même kidnappés contre une rançon.

Quel est le nombre de personnes disparues ?

Le nombre de pertes de vies humaines lors de ces déplacements devient insoutenable. Si nous nous penchons sur les chiffres depuis le début de ce millénaire, plus de 60 000 personnes dans le monde ont payé ces voyages de leur vie.

Quels sont les principaux défis auxquels sont confrontés les migrants ?

L’un de ces défis est la « marchandisation » des migrants. Une fois qu’ils paient le voyage, ils sont à la merci des passeurs et des trafiquants »å’êtres humains. Le trafic »å’êtres humains est en passe de devenir une activité commerciale importante en Afrique, et les forces de maintien de l’ordre ne parviennent pas à y faire face car c’est une activité lucrative qui attire beaucoup de monde.

Etant donné le nombre considérable de femmes et de filles migrantes, la violence basée sur le genre (VBG) se répand et nous inquiète. Nous assistons également à des cas de prélèvement »å’organes. Bref, on constate un manque de dignité, une absence de droits des migrants et une protection défaillante.

Nous craignons également que la condamnation publique de la migration génère un climat toxique. On observe des marques de xénophobie, la stigmatisation des migrants et une perte de la confiance des populations en la capacité de leur gouvernement à gérer la migration.

Étant donné que les gouvernements de nombreux pays ne sont pas aussi impliqués qu’ils le devraient, le crime organisé entre également en jeu.

Quels sont les avantages économiques pour les pays »å’accueil ?

La migration a toujours été positive et joue un rôle constructif en tant que catalyseur de la croissance économique, moteur de la dynamique démographique dans le monde et source de mixité enrichissant la culture mondiale et le patrimoine humain ainsi que les civilisations. Les travailleurs migrants, tous niveaux de compétences confondus, comblent les pénuries de main-»å’œuvre, boostent les activités commerciales et l’investissement et apportent leurs compétences et connaissances dans les pays »å’accueil et »å’origine. Si vous lisez le rapport du McKenzie Institute [International], les migrants ont contribué à hauteur »å’environ 6,7 milliards de dollars au PIB mondial en

2015, soit 3 milliards de dollars de plus que ce qu’ils auraient produit s’ils étaient restés chez eux. L’autre avantage, ce sont les transferts de fonds. En 2017, la Banque mondiale a estimé le montant des transferts de fonds initiés par les migrants à travers le monde à 596 milliards de dollars, dont 450 milliards de dollars à destination de pays en développement, notamment en Afrique. Les transferts de fonds vers l’Afrique subsaharienne ont connu une hausse de 11,4 %,

atteignant 38 milliards de dollars en 2017.

Si vous prenez l’exemple de New York, qui a été construite à la sueur du front des migrants, vous remarquerez les contributions positives que ces derniers ont apportées à cette ville cosmopolite, économiquement mais aussi culturellement.

Parlez-nous de ces personnes qui ne sont pas »å’origine africaine et qui migrent vers l’Afrique.

L’OIM estime que 2,3 millions de migrants qui ne sont pas »å’origine africaine sont installés en Afrique. La plupart sont »å’origine asiatique et européenne. Certains des Européens ont émigré après la Seconde Guerre mondiale et se sont installés en Afrique, l’Afrique du Sud en est un bon exemple. Par ailleurs, de nombreux Asiatiques ont émigré à l’époque coloniale pour construire des chemins de fer. Plus récemment, l’on a assisté au déplacement de Chinois, qui apportent des fonds et de la main-»å’œuvre.

Que tire l’Afrique du Pacte mondial sur les migrations ?

L’Afrique peut réellement s’enorgueillir du fait que le tout premier document relatif aux migrations négocié au niveau international sera adopté sur le sol africain, grâce à l’hospitalité du gouvernement marocain qui a accepté »å’accueillir la Conférence intergouvernementale pour l’adoption du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières à Marrakech les 10 et 11 décembre 2018.

Tout au long de la phase de négociation du Pacte mondial sur les migrations (PMM), les États ont formulé une position africaine commune sur le PMM, en mettant l’accent sur le respect et la dignité des migrants ainsi que surÌý le respect de la souveraineté des pays dans la gestion de leurs frontières et la détermination des personnes habilitées à entrer sur leur territoire. Le PMM offre un cadre complet pour aborder la question de la migration sous tous ses aspects.Ìý Ìý Ìý

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