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Dans le cadre de la c茅l茅bration d'une "journ茅e de la paix" au Lib茅ria, l'ONU a organis茅 un match de football entre deux 茅quipes d'amput茅s. Toutes les personnes handicap茅es ont le droit de participer activement 脿 la vie de leur soci茅t茅.

Photo: ONU / Christopher Herwig

Masimba Kuchera est aveugle de naissance mais, 脿 force de d茅termination et d'efforts, il a pu poursuivre ses 茅tudes jusqu'脿 l'universit茅 et devenir un sp茅cialiste de l'information. Il travaille d茅sormais pour le Students' Solidarity Trust, une organisation non gouvernementale qui a pour objet de prot茅ger les droits des 茅tudiants.

Bien qu'il 茅prouve le sentiment d'avoir r茅ussi, M. Kuchera d茅plore le sort de nombreux handicap茅s qui ne pourront jamais r茅aliser leurs r锚ves ni m锚me simplement aller 脿 l'茅cole. "Il y a tr猫s peu d'茅coles publiques qui accueillent les enfants handicap茅s. Je me demande combien de personnes handicap茅es sont scolaris茅es," s'interroge M. Kuchera.

La plupart des 茅coles qui acceptent des personnes handicap茅es sont financ茅es par les 茅glises, explique M. Kuchera 脿 Afrique Renouveau. Mais au Zimbabwe, de nombreux enfants handicap茅s ne vont tout simplement pas 脿 l'茅cole. "Il n'y a pas beaucoup d'argent investi dans ce domaine. Cette population n'est pas s茅rieusement prise en compte," ajoute-t-il.

La plupart des obstacles auxquels font face les personnes handicap茅es concernent l'acc猫s aux infrastructures publiques, 脿 l'茅ducation et 脿 l'information. "Il est tr猫s difficile d'acc茅der aux transports publics, aux 茅difices publics et aux r茅unions publiques, raconte M. Kuchera, les infrastructures n'茅tant pas con莽ues pour la commodit茅 d'utilisation. Je ne peux pas utiliser un ascenseur tout seul et il n'existe pas de guides en braille. C'est encore pire pour les utilisateurs de fauteuils roulants, car les rampes n'existent pas dans cette r茅gion du monde."

M. Kuchera est membre de divers groupes qui se battent pour les personnes handicap茅es au Zimbabwe et dans toute la r茅gion d'Afrique Australe.

Progressio, une organisation charitable internationale qui s'emploie 脿 茅liminer la pauvret茅, estime que le Zimbabwe compte 1,4 millions de personnes handicap茅es. L'ONU estime que le nombre total de personnes handicap茅es en Afrique est d'environ 80 millions.

'Des poids morts encombrants'?

Dans les rues d'Harare, des centaines de personnes handicap茅es mendient, la plupart v锚tues de haillons, assis dans des fauteuils roulants improvis茅s ou se d茅pla莽ant sur des b茅quilles, les moins chanceux se tra卯nant 脿 terre sur les mains et les genoux.

La plupart d'entre eux 茅taient auparavant accueillis dans des institutions sp茅cialis茅es, mais la r茅cession 茅conomique qui a commenc茅 en 2000 au Zimbabwe a rendu la vie dans ces foyers difficiles, et la plupart de leurs r茅sidents n'ont pas eu d'autre choix que d'aller vivre dans la rue.

"Le gouvernement a oubli茅 les handicap茅s, d茅plore M. Kuchera, rien ne leur est r茅serv茅 dans le budget du pays pour 2010. Il n'y a pas le moindre projet ni programme en leur faveur."

L'aide 茅tant rare, beaucoup de personnes handicap茅es n'ont pas d'autre choix que de mendier dans la rue.

Photo: Panos / Robin Hammond

Les personnes handicap茅es semblent 茅galement faire face 脿 une soci茅t茅 indiff茅rente 脿 leur sort. Quand celles-ci sollicitent l'aide du public pour lancer des projets d'emploi dans le mara卯chage, la confection ou la musique, elles sont consid茅r茅es comme g锚nantes. Le sentiment g茅n茅ral est que leur place est dans la rue ou devant une 茅glise 脿 mendier. La situation est pire dans les r茅gions rurales o霉 les enfants handicap茅s sont g茅n茅ralement confin茅s 脿 la maison en raison d'anciennes croyances traditionnelles qui les consid猫rent comme une mal茅diction divine.

"La soci茅t茅 consid猫re les personnes handicap茅es comme des poids morts encombrants qui n'ont aucun r么le 脿 jouer," explique Gladys Charowa, une m猫re c茅libataire qui est confin茅e 脿 un fauteuil roulant depuis un accident de voiture en 2001. Elle a contribu茅 脿 fonder la Disabled Women Support Organization, organisme dont elle est la secr茅taire g茅n茅rale et qui se consacre 脿 l'aide aux femmes et aux filles handicap茅es.

Discrimination et mauvais traitements

En raison des attitudes qui pr茅valent dans la soci茅t茅 envers les personnes handicap茅es, celles-ci sont souvent victimes de discrimination, explique Mme Charowa. Au Zimbabwe, les femmes handicap茅es sont confront茅es 脿 une discrimination particuli猫rement s茅v猫re.

Un rapport publi茅 en 2004 par la section norv茅gienne de Save the Children conclut que la maltraitance sexuelle des enfants handicap茅s est de plus en plus fr茅quente au Zimbabwe et que 87,4 % des filles handicap茅es en avaient 茅t茅 victimes. Environ 48 % de ces filles souffraient de handicap mental, 15,7 % de d茅ficience auditive et 25,3 % avaient des handicaps physiques visibles ; de plus, 52,4 % de ces victimes de maltraitance sexuelle se sont r茅v茅l茅es s茅ropositives.

Plus grave, conseils psychologiques, tests et traitements sont rares. Le personnel sanitaire manifeste souvent des pr茅jug茅s 脿 l'encontre des personnes handicap茅es. Il n'existe pas d'information en braille sur le VIH/sida, et les soignants ne connaissent pas le langage des signes.

Lutter pour le respect de la loi

Bien que le Zimbabwe soit un des nombreux Etats africains 脿 n'avoir pas ratifi茅 la Convention relative aux droits des personnes handicap茅es de l'ONU (voir encadr茅), le gouvernement a fait voter des lois pour prot茅ger leurs droits. La Loi sur l'invalidit茅 (Disabilities Act) a pour objet de venir en aide aux personnes handicap茅es et la constitution interdit les discriminations. Mais ces lois n'existent que sur le papier et ne sont g茅n茅ralement pas respect茅es.

Un certain nombre d'organisations, dont l'Organisation mondiale des personnes handicap茅es (OMPH), font pression sur le gouvernement pour qu'il reconnaisse les droits des handicap茅s et fasse appliquer les lois existantes.

Joshua Malinga, qui est confin茅 脿 un fauteuil roulant, est un des fondateurs de l'OMPH. Il milite pour les personnes handicap茅es depuis 1980. Il voyage fr茅quemment dans ce but et occupe plusieurs postes de responsabilit茅 au Zimbabwe et dans des organismes r茅gionaux et internationaux. Il encourage la recherche sur la situation des personnes handicap茅es, y participe lui-m锚me et y a consacr茅 son m茅moire de ma卯trise. Il est membre du bureau politique du parti au pouvoir au Zimbabwe, la ZANU - FP, le parti du Pr茅sident Robert Mugabe.

M. Malinga jouit d'une certaine influence, mais ce n'est pas le cas de la plupart des personnes handicap茅es. "En Afrique, la qualit茅 de vie des handicap茅s est lamentable parce que l'invalidit茅 n'est pas socialement int茅gr茅e, explique-t-il 脿 Afrique Renouveau. Les personnes handicap茅es ne sont pas repr茅sent茅es dans les parlements ni les instances de d茅cision, m锚me pour les questions qui les concernent. Les gouvernements ne tiennent pas compte des handicap茅s dans leurs projets."

Lorsqu'on lui demande pourquoi il n'est pas arriv茅 脿 convaincre son parti - qui domine la vie politique du pays depuis 30 ans - d'am茅liorer les conditions d'existence des handicap茅s, il r茅pond que ce n'est pas faute d'essayer tant "au parlement que dans mon parti. La trag茅die est qu'en tant que personnes handicap茅es, nous sommes tr猫s peu nombreuses et nous nous retrouvons souvent en marge des projets politiques."

Plusieurs pays d'Afrique australe ont fait quelques progr猫s, signale M. Malinga : en Namibie, tous les minist猫res sont officiellement oblig茅s d'int茅grer les questions de handicap dans leur travail. En Afrique du Sud, le Minist猫re des femmes, des enfants et des personnes handicap茅es se penche sur leurs pr茅occupations.

Au Zimbabwe, c'est le Minist猫re du travail et de la protection sociale qui s'occupe des besoins des personnes handicap茅es. "Nous avons une lourde responsabilit茅 en tant que gouvernement, souligne la Ministre Paurina Mpariwa. Elle ajoute cependant, "nous avons en ce moment de s茅rieux probl猫mes financiers qui entravent notre possibilit茅 de r茅pondre ad茅quatement aux besoins des personnes handicap茅es. Mais nous avons conscience de la situation."

M. Malinga insiste : "nous voulons que les questions int茅ressant les personnes handicap茅es soient d茅battues dans le cadre de la pr茅paration du budget. Nous voulons que ces probl猫mes soient consid茅r茅s comme une question d'importance nationale." Il se f茅licite de l'adoption par l'ONU de la Convention relative aux droits des personnes handicap茅es et d'autres initiatives ext茅rieures, dont les projets financ茅s par l'ONU qui ont permis de fournir du mobilier et du mat茅riel d'enseignement 脿 des 茅coles et des centres qui accueillent des personnes handicap茅es.

"Mais 锚tre handicap茅 est un 茅tat permanent qui a besoin de solutions permanentes, objecte M. Malinga, et ces solutions ne peuvent venir que de nos gouvernements."

Initiatives r茅gionales et continentales

Dans plusieurs pays d'Afrique australe, des organisations non gouvernementales militent pour le bien-锚tre des personnes handicap茅es. Certaines s'occupent de ceux qui ont des besoins sp茅cifiques, comme les aveugles, les sourds, les paralys茅s ou les malades mentaux. La plupart de ces organisations pressent les gouvernements de mettre en ouvre des politiques qui garantissent les droits des personnes handicap茅es.

Un de ces groupes est l'Association nationale des soci茅t茅s de soins pour les personnes handicap茅es (National Association of Societies for the Care of the Handicapped - NASCOH) du Zimbabwe. "Nous voulons que les questions de handicap soient int茅gr茅es dans toutes les administrations, toutes les activit茅s gouvernementales et par le parlement," explique Farai Mukuta, Directeur de NASCOH.

L'Union africaine (UA) est du m锚me avis. L'organisation continentale a mis au point un Plan d'action en faveur des personnes handicap茅es qui reconna卯t, entre autres, la n茅cessit茅 d'int茅grer les personnes handicap茅es dans la soci茅t茅, de les autonomiser et de les faire participer 脿 la formulation et 脿 l'application des politiques de d茅veloppement 茅conomique et social. Le plan demande aux 脡tats membres d'allouer des cr茅dits suffisants aux minist猫res et aux administrations qui s'occupent des personnes handicap茅es, de mettre sur pied des comit茅s nationaux afin de coordonner l'action sur ces questions et d'inclure les personnes handicap茅es dans leurs programmes nationaux.

Ce plan a proclam茅 la p茅riode 1999-2009 D茅cennie africaine des personnes handicap茅es, mais les militants de la cause des handicap茅s veulent que cette p茅riode soit prolong茅e en accord avec le calendrier des Objectifs du Mill茅naire pour le d茅veloppement (OMD), le programme fix茅 par la communaut茅 internationale pour r茅duire la pauvret茅 dans le monde et apporter d'autres am茅liorations au bien-锚tre des populations de la plan猫te d'ici 脿 2015.

Quelques 茅volutions positives

Dans toute l'Afrique, des gouvernements citent les contraintes budg茅taires comme obstacles 脿 la promotion des droits des personnes handicap茅es. N茅anmoins, certains succ猫s et certaines am茅liorations ont 茅t茅 obtenus au Burkina Faso, au S茅n茅gal et au Togo.

Le Ghana offre un exemple remarquable : on estime qu'environ 1,8 million de Ghan茅ens - 脿 peu pr猫s 5 % de la population - sont, d'une mani猫re ou d'une autre, handicap茅s, principalement par des probl猫mes de vision, d'ou茂e ou de parole.

En 2006, le parlement du Ghana a vot茅 la Loi nationale sur l'invalidit茅 (National Disability Act) qui a pour but de garantir aux personnes handicap茅es la jouissance des m锚mes droits que les personnes valides. La loi fournit un cadre l茅gislatif 脿 la protection des droits des personnes physiquement ou mentalement handicap茅es dans divers domaines, dont l'茅ducation, l'apprentissage et l'emploi, l'accessibilit茅 physique et et l'acc猫s aux soins de sant茅. La loi est aussi con莽ue pour faciliter la cr茅ation d'un environnement qui favorise le bien-锚tre 茅conomique des personnes handicap茅es et leur permette de vivre mieux.

Apr猫s son entr茅e en fonctions en janvier 2009, le Pr茅sident John Atta Mills a organis茅 une s茅rie de rencontres avec des personnes handicap茅es. Ces discussions ont men茅 脿 la cr茅ation d'un Conseil national des personnes handicap茅es (National Council of Persons with Disabilities).

Les autorit茅s s'emploient aussi 脿 faire conna卯tre plus largement la loi de 2006, notamment sous forme 茅lectronique. En juin 2009 par exemple, le Ministre de l'茅ducation Alex Tettey-Enyo a lanc茅 la version 茅lectronique de la loi 脿 Akropong dans la r茅gion de l'Est du pays. Gr芒ce 脿 un financement de l'Agence danoise de d茅veloppement international, la loi a 茅t茅 traduite en plusieurs langues locales comme le Ga, l'脡w茅 et le Twi.

Plus r茅cemment, le gouvernement a d茅cid茅 de tenir compte des questions de handicap dans le budget national. Le Ministre des finances et de la planification 茅conomique, Kwabena Duffour, a annonc茅 le 19 novembre 2009 au parlement que son gouvernement offrirait une 茅ducation gratuite 脿 tous les enfants handicap茅s. Le gouvernement avait auparavant cr茅茅 des 茅coles sp茅ciales pour les handicap茅s dans toutes les r茅gions du pays.

"La volont茅 politique a toujours exist茅 au Ghana," commente A茂da Sarr, responsable des communications et des programmes au secr茅tariat de la D茅cennie africaine des personnes handicap茅es install茅 au Togo voisin.

Mais la volont茅 politique fait cruellement d茅faut dans la plupart des autres pays africains, en d茅pit de l'existence d'une convention internationale, de la proclamation d'une Journ茅e internationale des personnes handicap茅es (le 3 d茅cembre) et d'autres programmes. Dans la plus grande partie de l'Afrique, les personnes handicap茅es font toujours face 脿 la discrimination et ne re莽oivent qu'un faible soutien.