Avant que la r¨¦volution syrienne n¡¯¨¦clate et ne donne lieu ¨¤ un conflit, l¡¯espoir et la paix accompagnaient mon enfance. J¡¯avais des r¨ºves et une id¨¦e claire de la mani¨¨re de leur donner vie. J¡¯ai grandi ¨¤ Daraa avec mes parents, mes fr¨¨res et s?urs. Mon p¨¨re ¨¦tait instituteur. Nous ¨¦tions heureux. Mes tantes, mes oncles et mes cousins habitaient pr¨¨s de chez nous. Parfois, j¡¯allais chez eux apr¨¨s l¡¯¨¦cole et nous parlions de notre journ¨¦e, nous jouions et faisions nos devoirs ensemble. J¡¯¨¦tais entour¨¦e de personnes qui m¡¯¨¦taient proches.
L¡¯¨¦cole a occup¨¦ la plus grande partie de mon enfance. C¡¯est l¨¤ o¨´ j¡¯ai appris ¨¤ me conna?tre, ¨¤ prendre conscience de mes id¨¦es et de mes r¨ºves. ? mesure que j¡¯acqu¨¦rais des connaissances sur le monde, j¡¯ai commenc¨¦ ¨¤ r¨¦fl¨¦chir au r?le que je pourrais y jouer. J¡¯aimais ¨¦crire et je pensais qu¡¯un jour je deviendrais journaliste, me rendant dans des lieux o¨´ je parlerais de la vie des gens, de leurs r¨¦ussites et de leurs souffrances. Jamais alors, je n¡¯aurais pens¨¦ conna?tre bient?t les souffrances que j¡¯aurais relat¨¦es.
L¡¯¨¦ducation est essentielle ¨¤ la paix et ¨¤ la prosp¨¦rit¨¦ et le fondement de l¡¯¨¦galit¨¦.
Or, dans ma douzi¨¨me ann¨¦e, mon monde a sombr¨¦ dans la guerre. Le trajet pour me rendre ¨¤ l¡¯¨¦cole est devenu trop dangereux, tout comme le fait d¡¯¨ºtre assise dans la classe o¨´ je me sentais auparavant en s¨¦curit¨¦. Je ne pouvais plus aller librement rendre visite ¨¤ mes proches. Je restais plut?t ¨¤ la maison et les jours o¨´ j¡¯allais ¨¤ l¡¯¨¦cole, je rentrais directement chez moi. Les enfants de mes voisins ne jouaient plus dans la rue et je ne regardais plus par la fen¨ºtre pour voir ce qui se passait. Il suffisait d¡¯entendre le bruit des bombes et des coups de feu pour le savoir et je ne voulais pas regarder la destruction qui avait lieu. Peu de temps apr¨¨s, mon p¨¨re n¡¯a plus ¨¦t¨¦ en mesure de travailler; il y avait trop de violence. Je ne pouvais plus voir mes amies comme j¡¯en avais l¡¯habitude. Nous essayions d¡¯¨ºtre l¨¤ les unes pour les autres, mais la vie ¨¦tait devenue difficile. C¡¯¨¦tait ainsi pour chacune d¡¯entre nous.
Au d¨¦but de 2013, les bombardements s¡¯¨¦tant intensifi¨¦s, un grand nombre de nos amis et de nos proches ont ¨¦t¨¦ oblig¨¦s de quitter leur maison. Pour nous aussi, le moment ¨¦tait venu de fuir. Nous avons travers¨¦ la fronti¨¨re vers la Jordanie et rejoint le camp de r¨¦fugi¨¦s Za¡¯atari. La premi¨¨re chose que j¡¯ai faite a ¨¦t¨¦ de me renseigner pour savoir s¡¯il y avait une ¨¦cole o¨´ je pourrais aller. J¡¯ai ¨¦t¨¦ tellement soulag¨¦e d¡¯apprendre qu¡¯il y en avait une. J¡¯avais h?te de savoir quel genre d¡¯¨¦cole il s¡¯agissait, ce qu¡¯on m¡¯y apprendrait et qui seraient mes camarades de classe. En traversant le camp pour m¡¯y rendre, je suis pass¨¦e devant des personnes dans leur abri. Je me souviens les avoir regard¨¦es et m¡¯¨ºtre demand¨¦e depuis combien de temps elles ¨¦taient l¨¤ et combien de temps elles allaient devoir rester. J¡¯ai ¨¦t¨¦ surprise de voir des enfants, notamment beaucoup de filles de mon ?ge, qui restaient aussi dans leur abri. Je me suis demand¨¦e pourquoi elles n¡¯¨¦taient pas ¨¤ l¡¯¨¦cole. Lorsque j¡¯ai appris que nombre d¡¯entre elles, ainsi que leur famille, ne faisaient plus confiance dans l¡¯¨¦ducation, je suis all¨¦e de tente en tente faire campagne pour que les filles aillent ¨¤ l¡¯¨¦cole. C¡¯est ¨¤ partir de ce moment-l¨¤ que je suis devenue une militante en faveur de l¡¯¨¦ducation et, plus tard, une Ambassadrice de bonne volont¨¦ du Fonds des Nations Unies pour l¡¯enfance (UNICEF).
L¡¯¨¦ducation est essentielle ¨¤ la paix et ¨¤ la prosp¨¦rit¨¦ et le fondement de l¡¯¨¦galit¨¦. Dans de nombreuses r¨¦gions du monde, le manque d¡¯¨¦ducation est actuellement l¡¯une des plus grandes trag¨¦dies et un facteur important de conflit, d¡¯in¨¦galit¨¦ et de pauvret¨¦. Chaque ann¨¦e d¡¯¨¦tudes termin¨¦e repr¨¦sente une porte qui s¡¯ouvre et, au fur et ¨¤ mesure que les ann¨¦es passent, chacune de ces portes s¡¯ouvre davantage. En cons¨¦quence, avec chaque ann¨¦e d¡¯¨¦tudes perdue, les portes se ferment, les possibilit¨¦s se r¨¦duisent et la pauvret¨¦ s¡¯aggrave.
Le pouvoir de l¡¯¨¦ducation va au-del¨¤ de l¡¯enfant et de sa famille. L¡¯¨¦ducation est une possibilit¨¦ de d¨¦veloppement strat¨¦gique. Les filles et les gar?ons ¨¦duqu¨¦s seront probablement en bonne sant¨¦ et gagneront mieux leur vie. Ils cr¨¦eront ¨¦ventuellement des ¨¦conomies ainsi que des soci¨¦t¨¦s pacifiques et prosp¨¨res. Les filles qui auront la possibilit¨¦ de terminer des ¨¦tudes de qualit¨¦ se marieront sans doute plus tard, auront moins d¡¯enfants et leur fourniront de meilleurs soins de sant¨¦ et une meilleure ¨¦ducation.
Pr¨¨s d¡¯un enfant sur trois qui n¡¯est pas scolaris¨¦ dans le monde vit dans un pays touch¨¦ par une guerre ou une catastrophe.
Bien que les avantages qu¡¯offre l¡¯¨¦ducation soient largement connus et reconnus, aujourd¡¯hui plus de 250 millions d¡¯enfants ne sont pas scolaris¨¦s. Ceux qui sont scolaris¨¦s ne b¨¦n¨¦ficient pas d¡¯un enseignement de qualit¨¦, de mat¨¦riel suffisant, ni de programmes d¡¯¨¦tudes mis ¨¤ jour ou bien apprennent dans un environnement peu s?r ou discriminatoire peu propice ¨¤ l¡¯apprentissage. Ils n¡¯acqui¨¨rent donc pas les comp¨¦tences dont ils ont besoin pour tirer le meilleur parti des possibilit¨¦s ou pour en cr¨¦er de nouvelles pour eux-m¨ºmes.
Les conflits et les catastrophes naturelles sont les principales causes de l¡¯absent¨¦isme scolaire. Pr¨¨s d¡¯un enfant sur trois qui n¡¯est pas scolaris¨¦ dans le monde vit dans un pays touch¨¦ par une guerre ou une catastrophe. Nous devons nous demander quelles perspectives ces enfants ont s¡¯ils ne peuvent pas aller ¨¤ l¡¯¨¦cole. Pour ceux pris dans une guerre ou d¨¦racin¨¦s ¨¤ cause de la violence, des changements climatiques ou de l¡¯extr¨ºme pauvret¨¦, l¡¯¨¦ducation ne fournit pas seulement une routine, un lieu s?r pour apprendre et une occasion de jouer et de se faire des amis, mais aussi un semblant de vie normale, lorsque leur vie a ¨¦t¨¦ boulevers¨¦e, ainsi qu¡¯une chance de contribuer ¨¤ ¨¦tablir la paix et ¨¤ reconstruire leur communaut¨¦. C¡¯est pour ces enfants et pour chaque enfant qui ne peut pas exercer son droit ¨¤ l¡¯¨¦ducation que nous devons nous mobiliser. Nous ne pouvons plus accepter que des enfants ne soient pas scolaris¨¦s et ne re?oivent pas une ¨¦ducation. Nous ne pouvons plus tol¨¦rer que des filles soient opprim¨¦es et victimes de discrimination. Nous ne pouvons plus nous reposer tant que le droit ¨¤ l¡¯¨¦ducation ne sera pas respect¨¦ ¨C et ce, pour chaque enfant.
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