27 mars 2020

27 mars 2020 ¡ª Alors que l¡¯Afrique conna?t une progression rapide du nombre de cas confirm¨¦s de COVID-19, marqu¨¦e par une hausse quotidienne proche de 25% ces derniers jours, la propagation du virus peut encore ¨ºtre contenue sur le continent si l¡¯ensemble des pays mettent en ?uvre des actions critiques dans les deux semaines ¨¤ venir, estime l¡¯Organisation mondiale de la Sant¨¦ (OMS).

? Chaque composante de chaque gouvernement doit travailler ensemble pour emp¨ºcher ce virus de faire des ravages en Afrique. Les pays doivent profiter de cette fen¨ºtre d'opportunit¨¦ de deux semaines pour intensifier leurs actions avant qu'il ne soit trop tard ?, a soulign¨¦ jeudi Matshidiso Moeti, directrice r¨¦gionale de l'OMS pour l'Afrique, lors d¡¯un organis¨¦ depuis Gen¨¨ve par le Forum ¨¦conomique mondial (WEF).

Selon le d¨¦compte publi¨¦ vendredi par l¡¯OMS pour sa r¨¦gion Afrique, 41 pays sont ¨¤ pr¨¦sent touch¨¦s par la pand¨¦mie. En l¡¯espace de 24 heures 426 cas suppl¨¦mentaires ont ¨¦t¨¦ enregistr¨¦s, portant le total r¨¦gional ¨¤ 2 234 cas. L¡¯Afrique du Sud, qui est la plus affect¨¦e sur le continent avec 927 cas, a quant ¨¤ elle signal¨¦ ses deux premiers d¨¦c¨¨s, quelques heures seulement apr¨¨s l¡¯entr¨¦e du pays dans une p¨¦riode de confinement national de trois semaines.

Comme le rel¨¨ve le Dr Moeti, m¨¦decin du Botswana, cette ? ¨¦volution spectaculaire ? de la maladie fait toutefois appara?tre que la plupart des cas de COVID-19 sont import¨¦s. Dans 35 des 47 pays de la r¨¦gion, ? il n¡¯y a pas encore de transmission locale, mais la fen¨ºtre d¡¯opportunit¨¦ se r¨¦duit ?, a-t-elle averti, appelant les gouvernements ¨¤ ? travailler tr¨¨s dur pour contenir la propagation du virus ?, tout en se pr¨¦parant ¨¤ une ? expansion plus large ?.

Une strat¨¦gie en dix points

Concr¨¨tement, a pr¨¦cis¨¦ la directrice r¨¦gionale de l¡¯OMS, ? cela signifie que les gouvernements doivent identifier les cas, isoler ces personnes pour limiter la transmission ¨¤ d'autres, les soigner si elles ont besoin d'un traitement et retrouver leurs contacts ?.  Il faut en effet ? trouver toutes les personnes qui auraient pu ¨ºtre infect¨¦es par ces personnes et les isoler jusqu'¨¤ ce qu'il soit prouv¨¦ qu'elles n'ont pas ¨¦t¨¦ infect¨¦es ?. De plus, des mesures de confinement de la population doivent ¨ºtre envisag¨¦es ¨¤ une large ¨¦chelle.

A l¡¯appui de ces pr¨¦conisations, le bureau r¨¦gional de l¡¯OMS a publi¨¦ une qui appelle ¨¤ la cr¨¦ation de ? couloirs humanitaires ? sur le continent pour faciliter les d¨¦ploiements d'urgence et les exp¨¦ditions de mat¨¦riels. Le plan exhorte ¨¦galement les gouvernements et le secteur priv¨¦ ¨¤ accro?tre les fournitures et ¨¤ renforcer les ¨¦quipements m¨¦dicaux. Il est en outre demand¨¦ aux pays de r¨¦affecter du personnel de sant¨¦ pour renforcer la surveillance, les soins m¨¦dicaux et la sensibilisation du public.

D¡¯ores et d¨¦j¨¤, des progr¨¨s sont observ¨¦s. Alors que l¡¯Afrique ne disposait que de deux laboratoires - au S¨¦n¨¦gal et en Afrique du Sud - en mesure de d¨¦pister le nouveau coronavirus au d¨¦but de la pand¨¦mie, il en existe maintenant plusieurs dizaines sur le continent. Selon l¡¯OMS, 40 pays de la r¨¦gion ont confirm¨¦ leur capacit¨¦ ¨¤ tester la COVID-19 et des experts de l¡¯agence onusienne sont en train d'¨ºtre d¨¦ploy¨¦s en Mauritanie, au Zimbabwe, au Lib¨¦ria et au Tchad pour soutenir les activit¨¦s de renforcement des laboratoires.

Bien que la r¨¦gion manque encore de tests en quantit¨¦ suffisante pour g¨¦n¨¦raliser le d¨¦pistage, l¡¯OMS ne pense pas que le nombre de cas soit particuli¨¨rement sous-estim¨¦.  ? Nous avions d¨¦j¨¤ un r¨¦seau d¡¯alerte pour la grippe et les pays africains ont augment¨¦ leurs capacit¨¦s de d¨¦tection depuis la crise d¡¯Ebola ?, a rappel¨¦ le Dr Moeti. La r¨¦ponse de ces pays aux ¨¦pid¨¦mies de peste, de rougeole ou encore de fi¨¨vre de Lassa ont ¨¦galement renforc¨¦ leurs capacit¨¦s en mati¨¨re de surveillance des maladies et de traitement des cas infectieux.

Pr¨¦venir la transmission communautaire

Tout en fournissant un appui aux plans nationaux de lutte contre la diffusion du virus, l¡¯OMS tient ¨¤ jour une liste identifiant les lacunes dans l'¨¦tat de pr¨¦paration op¨¦rationnelle de chacun des 47 pays, afin de pouvoir les combler avant toute flamb¨¦e. Des mesures de surveillance de la COVID-19 et de d¨¦pistage ¨¤ l¡¯aide de scanners thermiques ont ainsi ¨¦t¨¦ instaur¨¦es dans les a¨¦roports internationaux.  

Gao, Briefing du personnel de certaines officines de pharmacie ¨¤ Gao sur les mesures de pr¨¦vention contre le coronavirus.

L¡¯urgence absolue est cependant de pr¨¦venir la transmission communautaire pour interrompre la propagation ¨¤ un stade pr¨¦coce.  C¡¯est pourquoi l¡¯OMS aide en premier lieu les autorit¨¦s sanitaires nationales ¨¤ renforcer leurs capacit¨¦s de surveillance et de recherche des contacts en formant les agents de sant¨¦ aux meilleures pratiques, ainsi qu'en diffusant des outils de collecte de donn¨¦es, de notification et de diagnostic. Jusqu'¨¤ pr¨¦sent, 36 pays africains ont b¨¦n¨¦fici¨¦ de formations aux

? Vous prot¨¦gez toute la communaut¨¦ lorsque vous mettez en place un bon suivi des contacts ?, fait valoir le Dr Charles Lukoya Okot, ¨¦pid¨¦miologiste et responsable technique de la surveillance au bureau r¨¦gional de l'agence ¨¤ Brazzaville. ? Cela profite aussi ¨¤ la personne. Lorsque vous consultez un m¨¦decin le plus t?t possible, vos chances d'am¨¦lioration ou de survie sont tr¨¨s ¨¦lev¨¦es. Vous pouvez vous prot¨¦ger et vous n'aurez pas de graves complications. ?

Au Soudan du Sud, o¨´ aucun cas confirm¨¦ n¡¯a encore ¨¦t¨¦ enregistr¨¦, les entit¨¦s des Nations Unies fournissent un soutien technique au groupe de travail national qui rassemble tous les acteurs de la sant¨¦.  Leur mission : aider le gouvernement ¨¤ ? prendre de l¡¯avance sur la courbe ?. Outre la formation des professionnels de sant¨¦ et la mise en place d¡¯un laboratoire de d¨¦pistage, l'ONU a contribu¨¦ ¨¤ la cr¨¦ation d¡¯une unit¨¦ polyvalente des maladies infectieuses pour isoler et traiter les cas suspects. Elle s¡¯emploie aussi ¨¤ pr¨¦parer ce pays vuln¨¦rable aux impact socio-¨¦conomiques de la pand¨¦mie.

 

? [...] les gouvernements doivent identifier les cas, isoler ces personnes pour limiter la transmission ¨¤ d'autres, les soigner si elles ont besoin d'un traitement et retrouver leurs contacts ?.

 

Les ¨¦conomies africaines menac¨¦es

Si ces impacts tant redout¨¦s en Afrique se font d¨¦j¨¤ ressentir dans les pays affect¨¦s, toutes les ¨¦conomies du continent sont concern¨¦es. La croissance du produit int¨¦rieur brut (PIB) du continent pourrait en effet passer de 3,2% ¨¤ 1,8 % en 2020, selon les estimations publi¨¦es jeudi par la (CNUCED).

Cette r¨¦vision ¨¤ la baisse du PIB en Afrique tient, certes, compte de tous les impacts du ralentissement de l¡¯¨¦conomie mondiale sur la croissance africaine, a pr¨¦cis¨¦ l¡¯agence onusienne. ? En revanche, s¡¯il y une expansion importante de la pand¨¦mie en Afrique, ce qui n¡¯est pas le cas pour l¡¯instant, les projections pourraient s¡¯aggraver ?, a indiqu¨¦ Rolf Traeger, chef de la section d¨¦di¨¦e aux pays les moins avanc¨¦s (PMA) au sein de la CNUCED, ¨¦voquant une possible r¨¦cession.

Dans ce contexte, la Banque mondiale et le Fonds mon¨¦taire international (FMI) ont appel¨¦ conjointement mercredi le G20 - forum de pays repr¨¦sentant 85% du PIB mondial - ¨¤ all¨¦ger la dette des pays les plus pauvres afin de les aider ¨¤ surmonter les d¨¦fis pos¨¦s par la COVID-19. La CNUCED a, pour sa part, plaid¨¦ pour une ? annulation importante de la dette ext¨¦rieure des pays africains ? ainsi qu¡¯une augmentation de leur financement, via la mise ¨¤ disposition de nouveaux cr¨¦dits.  

Un sc¨¦nario ¨¦galement appuy¨¦ par la (CEA), laquelle a invit¨¦ jeudi le G20 ¨¤ proposer aux gouvernements africains un ? plan de relance ¨¦conomique imm¨¦diat et d¡¯urgence ? ¨¤ hauteur de 100 milliards de dollars. Cet effort, comparable aux ? mesures prises dans d'autres r¨¦gions ?, servirait, selon la CEA, ¨¤ financer ? la riposte sanitaire imm¨¦diate, les filets de s¨¦curit¨¦ sociale pour les plus vuln¨¦rables, l¡¯alimentation des enfants non scolaris¨¦s et prot¨¦ger les emplois ?. Des exon¨¦rations de remboursement devraient par ailleurs ¨ºtre pr¨¦vues pour les ?tats fragiles, tels que la R¨¦publique centrafricaine et les pays du Sahel.