23 mars 2020 ¡ª ? Mettez fin ¨¤ la maladie de la guerre et combattez la maladie qui ravage notre monde ? : le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l¡¯ONU a appel¨¦ solennellement lundi ¨¤ un ? cessez-le-feu mondial imm¨¦diat ? dans toutes les zones de combat, alors que la poursuite des conflits arm¨¦s en Syrie, en Libye, au Y¨¦men, au Sahel ou encore en Afghanistan met ¨¤ mal la n¨¦cessaire riposte ¨¤ la maladie de COVID-19 et l¡¯aide aux populations vuln¨¦rables.
Dans le prolongement de cette supplique aux bellig¨¦rants du monde entier, Ant¨®nio Guterres doit annoncer mercredi le lancement d¡¯un ? plan mondial de r¨¦ponse humanitaire ? ¨¤ la COVID-19, nouvelle ¨¦tape dans la mont¨¦e en puissance du dispositif des Nations Unies face ¨¤ la pand¨¦mie. Ce plan d¡¯ampleur, assorti d¡¯un appel de fonds de 2 milliards de dollars, associera l¡¯ensemble du syst¨¨me onusien autour du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA).
? Le virus ne se soucie pas de la race ou de la nationalit¨¦, de la faction ou de la foi. Il attaque tout, sans rel?che ?, a fait observer Ant¨®nio Guterres lors d¡¯une conf¨¦rence de presse en vid¨¦o-conf¨¦rence. ? Pendant ce temps, les conflits arm¨¦s font rage dans le monde entier ? et font payer ? le prix le plus ¨¦lev¨¦ ? aux plus vuln¨¦rables, qu¡¯il s¡¯agisse des femmes et des enfants, des personnes handicap¨¦es et marginalis¨¦es ou des r¨¦fugi¨¦s et des personnes d¨¦plac¨¦es, eux ? doublement vuln¨¦rables ?.
Or ces populations ? courent ¨¦galement le plus grand risque de subir des pertes d¨¦vastatrices ¨¤ cause du COVID-19 ?, et ce d¡¯autant plus que ? dans les pays ravag¨¦s par la guerre, les syst¨¨mes de sant¨¦ se sont effondr¨¦s ?, a-t-il constat¨¦.
Arr¨ºter les combats partout et maintenant
Pour le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral, il est ? crucial ? que les parties en guerre cessent les hostilit¨¦s, pour ? aider ¨¤ cr¨¦er des couloirs d'aide vitale ? mais aussi pour ? ouvrir de pr¨¦cieuses fen¨ºtres pour la diplomatie ?. Appelant ¨¤ d¨¦velopper des ? approches conjointes ? contre le coronavirus, il a estim¨¦ que ? cela commence par arr¨ºter les combats partout. Maintenant ?.
La COVID-19 est le principal sujet mondial, mais nous n'avons pas oubli¨¦ la Syrie, la Libye, le Y¨¦men.
En r¨¦ponse aux questions de journalistes, M. Guterres a indiqu¨¦ que ses envoy¨¦s sp¨¦ciaux travaillent ¨¤ pr¨¦sent avec les parties aux conflits pour ? faire en sorte que cet appel mondial soit non seulement ¨¦cout¨¦, mais m¨¨ne ¨¤ des actions concr¨¨tes ?, cr¨¦ant les conditions d¡¯une r¨¦ponse efficace.
Avant lui, plusieurs hauts responsables de l¡¯ONU s¡¯¨¦taient relay¨¦s pour alerter la communaut¨¦ internationale sur la n¨¦cessit¨¦ d¡¯un cessez-le-feu dans les zones de guerre, compte tenu de la gravit¨¦ de cette crise sanitaire qui a d¨¦j¨¤ fait plus de 15 000 morts ¨¤ travers le monde.
Sur la base des ¨¦changes qu¡¯elle a eus la semaine derni¨¨re avec des acteurs sur le terrain, la Secr¨¦taire g¨¦n¨¦rale adjointe pour les affaires politiques, Rosemary DiCarlo, a mis en garde sur Twitter contre le ? possible effet d¨¦vastateur ? du coronavirus ? ¨¤ Edleb et ailleurs en Syrie ?. ? Si quelqu'un, aussi incroyable que ce soit, avait encore besoin d'une raison pour arr¨ºter les combats, c'est bien celle-l¨¤ ?, a-t-elle lanc¨¦.
L'Envoy¨¦ sp¨¦cial des Nations Unies pour le Y¨¦men, Martin Griffiths, a quant ¨¤ lui exprim¨¦ son inqui¨¦tude face ¨¤ la campagne militaire qui se poursuit ¨¤ Jaouf et Mareb, au prix d¡¯un lourd bilan pour les civils. ? ? l¡¯heure o¨´ le monde se bat pour lutter contre une pand¨¦mie, les parties doivent cesser de se concentrer sur la lutte qu¡¯elles se livrent pour s¡¯assurer que la population ne sera pas confront¨¦e ¨¤ des risques plus graves encore ?, a-t-il dit.
La paix et la s¨¦curit¨¦ internationales d¨¦j¨¤ affect¨¦es
Si ces pays ne sont pas encore affect¨¦s aux niveaux enregistr¨¦s en Europe et en Asie-Pacifique, la crise a d¡¯ores et d¨¦j¨¤ des cons¨¦quences pour la paix et la s¨¦curit¨¦ internationales. Au-del¨¤ du renforcement des capacit¨¦s des missions de paix en mati¨¨re de soins et d¡¯¨¦vacuations m¨¦dicales, se pose en effet la question de la rotation des troupes, compte tenu des restrictions de voyage, des dispositions de quarantaine et de la fermeture des fronti¨¨res et des centres a¨¦riens r¨¦gionaux.
La Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) a ainsi d¨¦cid¨¦ de ? suspendre le voyage du personnel en cong¨¦ de repos et de r¨¦cup¨¦ration jusqu'au 15 avril ?. Cela fait suite aux mesures prises par le gouvernement pour limiter l¡¯entr¨¦e de voyageurs en provenance d¡¯un certain nombre de pays touch¨¦s par la transmission de COVID-19. La MINUSS a aussi invit¨¦ ses personnels en cong¨¦ dans ces pays ¨¤ ne pas revenir dans l¡¯imm¨¦diat, sauf s¡¯ils sont jug¨¦s essentiels aux op¨¦rations. Le cas ¨¦ch¨¦ant, ceux-ci ? devront s¡¯auto-isoler pendant 14 jours ?, pr¨¦cise la Mission.
Les membres du Conseil de s¨¦curit¨¦, qui pr¨¦voient de reprendre ¨C en personne ou de mani¨¨re virtuelle ¨C leurs r¨¦unions cette semaine, vont devoir int¨¦grer ces questions ¨¤ leur programme de travail, comme cela avait ¨¦t¨¦ le cas lors des crises li¨¦es aux virus Ebola et VIH/sida. A l¡¯inqui¨¦tude sur la sant¨¦ des soldats de la paix s¡¯ajoutent en effet l¡¯impact de la pand¨¦mie sur la r¨¦ponse humanitaire dans les situations ¨¤ l¡¯ordre du jour du Conseil et les difficult¨¦s de financement accentu¨¦es par l¡¯affaissement de l¡¯¨¦conomie mondiale.
? Nous veillons ¨¤ ce que le Conseil de s¨¦curit¨¦ joue son r?le vital dans le maintien de la paix et de la s¨¦curit¨¦ mondiales. La COVID-19 est le principal sujet mondial, mais nous n'avons pas oubli¨¦ la Syrie, la Libye, le Y¨¦men ?, a assur¨¦, dans un tweet, l'ambassadeur britannique par int¨¦rim, Jonathan Allen.
R¨¦ponse humanitaire mondiale au virus
C¡¯est dans ce contexte que l¡¯ONU s¡¯appr¨ºte ¨¤ lancer son plan mondial de r¨¦ponse humanitaire ¨¤ la pand¨¦mie, dont l¡¯objectif est double : continuer ¨¤ apporter l¡¯aide vitale aux personnes dans le besoin, tout en agissant pour ¨¦viter l¡¯impact catastrophique que la COVID-19 pourrait avoir sur ces populations. Une gageure quand on sait que 100 millions de personnes vivant en zones de guerre ou en situations d¡¯urgence d¨¦pendent de l¡¯aide humanitaire des Nations Unies.
Alors que le Fonds central d¡¯intervention de secours d'urgence (CERF) a d¨¦j¨¤ d¨¦bloqu¨¦ 15 millions de dollars pour aider ¨¤ contenir le virus dans les pays vuln¨¦rables, le Programme alimentaire mondial (PAM) s¡¯efforce de maintenir son aide ¨¤ 87 millions de personnes, et notamment aux centaines de millions d¡¯enfants d¨¦sormais priv¨¦s de repas scolaire.
Dans le m¨ºme temps, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les r¨¦fugi¨¦s (HCR) et l¡¯Organisation mondiale des migrations (OIM) s¡¯emploient, de concert avec les pays h?tes, ¨¤ ? emp¨ºcher l'arriv¨¦e du virus ? dans les camps de r¨¦fugi¨¦s et de personnes d¨¦plac¨¦es, a pr¨¦cis¨¦ M. Guterres.
Face au risque de contamination ¨¤ grande ¨¦chelle, le surpeuplement de ces installations, en particulier en Syrie, au Soudan du Sud et au Bangladesh, constitue l¡¯un des principaux d¨¦fis, ces populations n¡¯ayant qu¡¯un acc¨¨s limit¨¦, voire inexistant, ¨¤ des installations sanitaires ad¨¦quates. De plus, comme l¡¯a signal¨¦ Jens Laerke, porte-parole de l¡¯OCHA, la charge suppl¨¦mentaire li¨¦e ¨¤ la COVID-19 pourrait d¨¦tourner l¡¯attention port¨¦e ¨¤ d¡¯autres flamb¨¦es actuelles telles que le chol¨¦ra, la rougeole ou la fi¨¨vre jaune.
Outre l¡¯insuffisance sanitaire et les perturbations ¨¤ attendre dans les cha?nes d¡¯approvisionnement, l¡¯OCHA craint aussi que des dysfonctionnements se produisent dans des centres de distribution de l¡¯aide humanitaire. Beaucoup d¡¯entre eux ? seront probablement ? par pr¨¦caution et ? des solutions alternatives devront ¨ºtre trouv¨¦es ?, a not¨¦ M. Laerke, soulignant que le maintien de la r¨¦ponse humanitaire est non seulement ? un acte de solidarit¨¦ mondiale ? mais aussi ? un geste d¡¯int¨¦r¨ºt personnel ¨¦clair¨¦ ?.