1 avril 2008

Le monde conna¨ªt actuellement une hausse tr¨¨s importante des prix des denr¨¦es alimentaires. Depuis que ce ph¨¦nom¨¨ne s'est amorc¨¦ en 2006, la machine s'est emball¨¦e. Cette hausse a engendr¨¦ la famine, des manifestations, des ¨¦meutes et m¨ºme des craintes pour la s¨¦curit¨¦ internationale. Les pays ¨¤ faible revenu et ¨¤ d¨¦ficit vivrier ont ¨¦t¨¦ les plus durement touch¨¦s, mais le probl¨¨me est mondial. Dans de nombreux pays en d¨¦veloppement, des appels ¨¤ une action d'envergure internationale ont ¨¦t¨¦ lanc¨¦s pour inverser cette tendance et emp¨ºcher d'aggraver la pauvret¨¦ et la malnutrition. Les organismes d'aide ¨¦galement touch¨¦s par le co?t ¨¦lev¨¦ des aliments ont demand¨¦ des fonds suppl¨¦mentaires.
Presque tous les produits agricoles de base sont concern¨¦s. L'augmentation la plus importante concerne le prix du bl¨¦ et du ma?s, qui a plus que doubl¨¦ l'ann¨¦e derni¨¨re, ainsi que celui du riz, et dans une moindre mesure, celui des produits laitiers, des produits tropicaux et des mati¨¨res premi¨¨res agricoles. Ces prix ¨¦lev¨¦s devraient, en principe, ¨ºtre une bonne nouvelle pour les agriculteurs du monde entier, mais le prix des intrants agricoles de base, comme les semences, les engrais et le carburant, est mont¨¦ en fl¨¨che, rendant difficile pour les agriculteurs de tirer des b¨¦n¨¦fices de la vente des produits ¨¤ des prix plus ¨¦lev¨¦s. Les agriculteurs des pays en d¨¦veloppement pratiquant une agriculture de subsistance risquent m¨ºme d'¨ºtre perdants. Ils subissent des prix d' intrants plus ¨¦lev¨¦s sans d¨¦gager un exc¨¦dent commercialisable qui pourrait augmenter leurs gains. Les habitants de taudis urbains doivent affronter la hausse des prix sur plusieurs fronts : la nourriture, mais aussi le carburant, l'¨¦lectricit¨¦ et les transports.
La crise alimentaire pose des questions importantes et urgentes :
Comment peut-on traiter rapidement les probl¨¨mes auxquels sont confront¨¦s les plus pauvres afin d'¨¦viter l'aggravation de la crise?
Que peut-on faire pour permettre aux agriculteurs pratiquant une agriculture de subsistance de faire face ¨¤ la hausse des prix des intrants et de b¨¦n¨¦ficier de l'augmentation des prix des denr¨¦es alimentaires?
Comment am¨¦liorer la s¨¦curit¨¦ alimentaire et r¨¦duire l'impact n¨¦gatif des prix ¨¦lev¨¦s sur la nutrition?
Comment r¨¦duire l'inflation du prix des denr¨¦es alimentaires et r¨¦aliser des progr¨¨s durables dans la s¨¦curit¨¦ alimentaire tout en maintenant des mesures d'incitation et en cr¨¦ant un march¨¦ int¨¦ressant pour les producteurs?
Il est important de comprendre quels sont les facteurs qui ont caus¨¦ cette hausse des prix et de savoir si les prix des denr¨¦es alimentaires resteront ¨¦lev¨¦s durant les ann¨¦es ¨¤ venir. Les solutions ¨¤ long terme ne peuvent ¨ºtre efficaces que si les causes de ces probl¨¨mes sont bien comprises.
Cet article aborde ces questions. Il fait le point sur les principales manifestations de la crise et fait ¨¦tat de l'ampleur de l'augmentation des prix et de leur impact sur la faim, la pauvret¨¦ et les in¨¦galit¨¦s. Il examine ensuite les principales causes de cette situation, en faisant la distinction entre les facteurs de l'offre et de la demande et entre les tendances ¨¤ long terme et les revirements ¨¤ court terme. Enfin, il pr¨¦sente les actions ¨¤ mener pour att¨¦nuer les cons¨¦quences les plus urgentes et les plus graves et finalement remettre le march¨¦ alimentaire mondial sur une voie plus durable.

LE POINT SUR LE CHOC MONDIAL

Les prix des denr¨¦es alimentaires sont les plus ¨¦lev¨¦s depuis 50 ans : Pendant les quatre premiers mois de 2008, les prix internationaux des principaux produits alimentaires de base ont atteint leurs plus hauts niveaux depuis presque 50 ans, tandis que les prix en termes r¨¦els, c'est-¨¤-dire le pouvoir d'achat r¨¦el apr¨¨s ¨¦limination de l'effet de l'inflation, ont connu le niveau le plus ¨¦lev¨¦ depuis pr¨¨s de 30 ans. L'indice des prix des denr¨¦es alimentaires de l'Organisation de l'alimentation et de l'agriculture (FAO) a augment¨¦ en moyenne de 12 % en 2006 par rapport ¨¤ 2005 et a atteint 24 % en 2007. L'augmentation de la valeur moyenne de l'indice pour les quatre premiers mois de 2008 est de 52 %, compar¨¦ ¨¤ la m¨ºme p¨¦riode en 2007. La hausse des prix la plus importante concerne l'huile v¨¦g¨¦tale, qui a augment¨¦ de plus de 94 % pendant la m¨ºme p¨¦riode, suivie des c¨¦r¨¦ales (80 %) et des produits laitiers (49 %).
Le prix de certains produits de base, notamment du ma?s, a continu¨¦ d'augmenter pendant les six premiers mois de 2008. ? la mi-juin, le prix du ma?s avait augment¨¦ de plus de 70 %, atteignant un niveau record de pr¨¨s de 8 dollars le boisseau. De m¨ºme, les prix du soja et de l'huile de soja, apr¨¨s un court repli, sont revenus ¨¤ leurs niveaux records ou avoisinant ¨¤ la mi-2008. Le prix de la viande a ¨¦galement augment¨¦ mais dans une moindre mesure. Les fortes hausses r¨¦centes du prix de certains produits de base indiquent aussi l'incertitude grandissante du march¨¦. Selon un rapport de la fao et de l'Organisation de coop¨¦ration et de d¨¦veloppement ¨¦conomiques, bien que le march¨¦ des produits alimentaires varie selon les produits et les pays et que l'avenir reste tr¨¨s incertain, selon les meilleures projections, le prix des denr¨¦es alimentaires restera probablement ¨¦lev¨¦ au cours des prochaines ann¨¦es et affectera particuli¨¨rement les march¨¦s des pays en d¨¦veloppement1.
Si l'on consid¨¨re les prix en termes r¨¦els, les augmentations ne sont pas aussi dramatiques, bien qu'elles soient toujours importantes. Les prix r¨¦els ont montr¨¦ une tendance stable en baisse ¨¤ long terme, ponctu¨¦e de pics g¨¦n¨¦ralement de courte dur¨¦e. On observe des signes d'aplanissement depuis la fin des ann¨¦es 1980, avec un redressement progressif qui s'est amorc¨¦ en 2000 avant l'envol¨¦e soudaine en 2006. Le taux de croissance annuel moyen de 1,3 % au cours de la p¨¦riode 2000/05 a atteint 15 % depuis 2006. On peut se demander si les importantes hausses actuelles sont fondamentalement diff¨¦rentes des flamb¨¦es des prix pr¨¦c¨¦dentes et aussi si la baisse des prix r¨¦els ¨¤ long terme observ¨¦e auparavant s'est arr¨ºt¨¦e, indiquant un changement structurel dans les march¨¦s des produits agricoles de base.

Il est trop t?t pour le savoir, mais je reviendrai sur ces questions.
Les prix ¨¦lev¨¦s actuels contrastent fortement avec la tendance ¨¤ la baisse et l'effondrement prolong¨¦ des prix des produits de base qui ont dur¨¦ de 1995 ¨¤ 2002 et qui avaient m¨ºme suscit¨¦ des appels ¨¤ la reprise des n¨¦gociations des accords internationaux sur les produits de base. Il est cependant difficile de d¨¦terminer si les niveaux des prix actuels correspondent ¨¤ la situation pass¨¦e - des pics de prix importants dans le court terme et une baisse prolong¨¦e - ou s'ils repr¨¦sentent un changement par rapport au pass¨¦. Toutefois, certains aspects de la situation actuelle, notamment les niveaux historiquement bas des stocks de c¨¦r¨¦ales et une forte demande pour les biocarburants semblent indiquer que les prix ¨¦lev¨¦s actuels, loin d'¨ºtre de courte dur¨¦e, pourraient persister pendant plusieurs ann¨¦es.
Les semences, les engrais et le carburant sont co?teux : Depuis 2006, les prix des intrants comme les semences, les engrais et les aliments pour animaux ont augment¨¦ respectivement de 98 %, 72 % et 60 %. Pour certains intrants, ces augmentations ont ¨¦t¨¦ m¨ºme plus importantes en 2008. En moyenne, l'indice du prix des intrants de la FAO a doubl¨¦ au cours des quatre premiers moins de 2008, par rapport ¨¤ la m¨ºme p¨¦riode en 2007. Les prix de certains engrais en dollars US ont plus que tripl¨¦. Les petits agriculteurs des pays en d¨¦veloppement ont ¨¦t¨¦ particuli¨¨rement touch¨¦s par l'envol¨¦e de ces prix : ils doivent payer les semences, les engrais et le gazole plus cher sans pouvoir profiter de la hausse des prix d'achat.
La mont¨¦e de l'inflation - l'¨¦rosion du pouvoir d'achat : La hausse des prix des produits alimentaires a frapp¨¦ de plein fouet les consommateurs et les pays les plus pauvres. ?tant donn¨¦ que ces populations consacrent la plus grande part de leurs revenus disponibles ¨¤ l'alimentation, elles sont particuli¨¨rement vuln¨¦rables ¨¤ la hausse des prix.
Ce qui rend les personnes vuln¨¦rables ¨¤ la mont¨¦e des prix des produits alimentaires ¨¤ pour cons¨¦quence d'exposer les pays entiers aux pressions inflationnistes. Dans les pays o¨´ la consommation alimentaire repr¨¦sente une part importante des d¨¦penses globales, la hausse des prix des produits alimentaires se traduit par une inflation globale. Dans les pays pauvres, les d¨¦penses alimentaires repr¨¦sentent souvent deux tiers de l'indice total des prix ¨¤ la consommation, ou qui peut aussi se traduire par l'indice du co?t de la vie, tandis que les denr¨¦es alimentaires repr¨¦sentent ¨¤ peine 15% ou moins dans les pays riches. Les effets sont ¨¦vidents : ¨¤ Sri Lanka, par exemple, o¨´ les produits alimentaires repr¨¦sentent 62% de l'indice des prix ¨¤ la consommation, la hausse des prix des denr¨¦es alimentaires a engendr¨¦ une inflation des prix des denr¨¦es alimentaires de 26% et une inflation globale de 19 %. En Afrique du Sud, en revanche, la nourriture repr¨¦sentant seulement 23% de l'indice des prix ¨¤ la consommation, la hausse de l'inflation des prix des aliments a ¨¦t¨¦ de 14% et l'inflation globale de 9%.
En plus du fardeau direct sur le co?t de la vie, il existe d'autres m¨¦canismes qui augmentent les effets n¨¦gatifs de la hausse des prix des denr¨¦es alimentaires. Par exemple, les prix des produits non alimentaires peuvent augmenter en raison de la r¨¦ponse des salaires ¨¤ la hausse des prix - les augmentations de salaires ont ¨¦t¨¦ au c?ur de plusieurs manifestations r¨¦centes.
Les manifestations et les ¨¦meutes : Dans un grand nombre de pays en d¨¦veloppement qui d¨¦pendent des march¨¦s internationaux, les hausses importantes des prix des aliments et du co?t de la vie menacent la croissance ¨¦conomique globale. Les cons¨¦quences les plus visibles et les plus imm¨¦diates sont l'instabilit¨¦ sociale et les ¨¦meutes qui ont eu lieu et continuent d'avoir lieu dans la plupart des continents. Dans certains cas, la flamb¨¦e des prix des aliments a m¨ºme engendr¨¦ des manifestations concernant des probl¨¨mes ¨¦conomiques et politiques plus vastes.
Dans les pays dont la d¨¦pendance alimentaire est forte et qui consacrent une grande part de leurs d¨¦penses ¨¤ l'alimentation, les prix ¨¦lev¨¦s ¨¦rodent le pouvoir d'achat des consommateurs urbains qui font face ¨¤ une instabilit¨¦ sociale. Il est ¨¦galement de plus en plus clair que les populations rurales ont ¨¦t¨¦ durement touch¨¦es. Alors que les prix agricoles ¨¦lev¨¦s sont en g¨¦n¨¦ral une bonne aubaine pour les agriculteurs, seuls les producteurs commerciaux en ont tir¨¦ d'importants profits. Les agriculteurs pratiquant une agriculture de subsistance ont ¨¦t¨¦ ¨¦cras¨¦s par la flamb¨¦e des prix sans pouvoir compenser les pertes caus¨¦es par les prix de production ¨¦lev¨¦s.
La mont¨¦e en fl¨¨che de la facture d'importations : L'envol¨¦e des prix des aliments associ¨¦e ¨¤ la hausse des co?ts du transport a engendr¨¦ une hausse du prix des produits alimentaires ¨¤ l'importation. Au niveau mondial, le co?t des importations alimentaires a atteint 820 milliards de dollars en 2007, le plus haut niveau jamais enregistr¨¦2. Selon les pr¨¦visions, les co?ts devraient atteindre un niveau record de 1 035 milliards de dollars en 2008. Les pays les moins avanc¨¦s et les pays ¨¤ faible revenu et ¨¤ d¨¦ficit vivrier risquent de porter le plus lourd fardeau de la facture d'importations de denr¨¦es alimentaires, avec des d¨¦penses totales qui devraient augmenter de 40 % de plus qu'en 2007, apr¨¨s une augmentation respectivement de 30 et de 37 % cette ann¨¦e. En 2008, le panier annuel d'importations alimentaires de ces pays pourrait co?ter quatre fois plus cher qu'en 2000.
L'¨¦largissement du foss¨¦ entre les riches et les pauvres : La flamb¨¦e des prix des aliments, conjugu¨¦e ¨¤ celle du prix du p¨¦trole, a aggrav¨¦ la pauvret¨¦ et les in¨¦galit¨¦s3. Une ¨¦tude r¨¦cente de la Banque mondiale indique une augmentation des niveaux de pauvret¨¦ caus¨¦e par la hausse des prix des aliments, m¨ºme si ces r¨¦sultats sont fond¨¦s sur huit pays seulement et peuvent ¨ºtre sujets ¨¤ r¨¦vision. En extrapolant ces r¨¦sultats ¨¤ l'¨¦chelle mondiale et en tenant compte exclusivement de l'impact de la hausse des prix, le nombre total de pauvres dans le monde augmenterait entre 73 millions et 105 millions de personnes. En Afrique seulement, la crise alimentaire a fait basculer pr¨¨s de 30 millions de personnes dans la pauvret¨¦. Toujours selon l'¨¦tude, l'impact de la hausse du prix de p¨¦trole sur la pauvret¨¦ est g¨¦n¨¦ralement plus faible, car les m¨¦nages consacrent une part moins importante de leurs revenus au p¨¦trole et aux produits li¨¦s ¨¤ l'¨¦nergie. Mais en tant qu'intrant interm¨¦diaire crucial, les co?ts plus ¨¦lev¨¦s de l'¨¦nergie ont aussi des cons¨¦quences sur les prix d'un grand nombre de produits, en particulier ceux qui sont li¨¦s aux transports.
Quelques exemples permettent d'illustrer l'aggravation de la crise. Au Liberia, le co?t du panier alimentaire pour un m¨¦nage typique a augment¨¦ de 25 % en janvier, engendrant une augmentation du taux de pauvret¨¦ de 64 ¨¤ plus de 70 %. Au Y¨¦men, le prix du bl¨¦ et du pain a doubl¨¦, engendrant une perte de 12 % du revenu r¨¦el des pauvres. Au Honduras, la hausse des prix des produits alimentaires a engendr¨¦ une augmentation de la pauvret¨¦ de 51 ¨¤ 55 %, tandis qu'en Sierra Leone, le taux de pauvret¨¦ a augment¨¦ de 3 %, atteignant 69 %. ? Djibouti, la hausse des denr¨¦es alimentaires au cours des trois derni¨¨res ann¨¦es a engendr¨¦ une augmentation de la pauvret¨¦ extr¨ºme de 40 ¨¤ 54 %. La Banque mondiale met en garde que ces reculs pourraient inverser les progr¨¨s r¨¦alis¨¦s au cours des sept derni¨¨res ann¨¦es dans la r¨¦duction de la pauvret¨¦.
Il est aussi de plus en plus ¨¦vident que les prix des denr¨¦es alimentaires ¨¦lev¨¦s ont exacerb¨¦ les in¨¦galit¨¦s dans les pays. Au Bangladesh, par exemple, l'envol¨¦e des prix des aliments a non seulement engendr¨¦ une augmentation du niveau de pauvret¨¦ extr¨ºme mais aussi une ¨¦volution de l'indice d'in¨¦galit¨¦ de Gini de 5 % qui est due ¨¤ l'¨¦volution du revenu des grandes exploitations agricoles par rapport ¨¤ celui des petites exploitations et des pauvres des villes. De m¨ºme, le taux r¨¦el d'inflation auquel sont confront¨¦s les pauvres en Am¨¦rique latine est de 3 % sup¨¦rieur au taux officiel, une diff¨¦rence qui indique que l'¨¦cart entre les riches et les pauvres grandit. Au Vietnam, alors qu'un nombre important de personnes vivant pr¨¨s du seuil de pauvret¨¦ sont des vendeurs nets de riz et tirent profit de la hausse des prix, les tr¨¨s pauvres vivant dans les zones rurales tirent moins de profit, les habitants des zones urbaines ¨¦tant les plus durement touch¨¦s. Les in¨¦galit¨¦s entre et dans les r¨¦gions au Vietnam risquent d'augmenter.
La faim : Avec la mont¨¦e de la pauvret¨¦, il n'est pas surprenant que la faim - la manifestation la plus extr¨ºme de la pauvret¨¦ - soit ¨¦galement en hausse. Le rapport de la fao L'¨¦tat de l'ins¨¦curit¨¦ alimentaire dans le monde 2008 montre que le nombre de personnes souffrant de la faim a augment¨¦ de 75 millions en 20074. L'analyse de la fao montre que cette augmentation est en grande partie due aux prix ¨¦lev¨¦s des aliments. La fao a indiqu¨¦ que les pays ont ¨¦t¨¦ contraints de puiser dans leurs r¨¦serves budg¨¦taires et les m¨¦nages dans leurs ¨¦conomies, ce qui se traduira par une nouvelle augmentation du nombre d'affam¨¦s en 2008.
La FAO surveille ¨¦galement les effets de la hausse des prix en particulier sur les groupes vuln¨¦rables. Ses rapports montrent que les enfants expos¨¦s ¨¤ un conflit, ¨¤ l'instabilit¨¦ ou au vih/sida sont particuli¨¨rement touch¨¦s. En Afrique australe et orientale, 12 millions d'orphelins ¨¤ cause du sida sont parmi les plus vuln¨¦rables ¨¤ la hausse des prix des aliments. En Somalie, 2,6 millions d'habitants, soit pr¨¨s de 35 % de la population, dont plus de la moiti¨¦ est des enfants, sont d¨¦j¨¤ victimes d'une crise alimentaire caus¨¦e par la s¨¦cheresse et les conflits prolong¨¦s. ? cause de la hausse des prix des aliments, nombreux sont ceux qui r¨¦duisent le nombre de repas ou consomment des c¨¦r¨¦ales moins ch¨¨res ou de moins bonne qualit¨¦. On estime que le nombre de personnes n¨¦cessitant une aide humanitaire en Somalie pourrait atteindre 3,5 millions d'ici ¨¤ la fin de 2008, soit la moiti¨¦ de la population totale du pays5.
Les estimations de la Banque mondiale et de la fao sur la pauvret¨¦ et la faim ont ¨¦t¨¦ appuy¨¦es par d'autres ¨¦tudes. Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance, par exemple, estime qu'en Inde, 1,5 million ¨¤ 1,8 million d'enfants suppl¨¦mentaires risquent actuellement de souffrir de malnutrition, les m¨¦nages faisant des ¨¦conomies sur les repas ou consommant des aliments moins nutritifs en raison de la hausse des prix. Au Vietnam o¨´ pr¨¨s de 80 % de l'apport calorique des pauvres vient du riz seulement, l'augmentation des prix pourrait consid¨¦rablement affecter l'¨¦tat nutritionnel des pauvres vivant dans les villes et dans les campagnes. Si m¨ºme les pays stables ¨¤ forte croissance ne sont pas prot¨¦g¨¦s contre l'effet d¨¦vastateur de l'envol¨¦e des prix des produits alimentaires, que dire des risques auxquels sont confront¨¦es les ¨¦conomies moins dynamiques ?

LE PRIX ?LEV? DES PRODUITS ALIMENTAIRES : LES CAUSES
L'¨¦volution des prix vient des variations de prix de l'offre et de la demande. Dans les march¨¦s des produits alimentaires et agricoles, l'offre et la demande d¨¦pendent principalement de la dur¨¦e au cours de laquelle ces variations ont lieu. ? court terme, puisque l'offre et la demande pour les produits agricoles sont in¨¦lastiques et r¨¦pondent peu aux variations de prix, les irr¨¦gularit¨¦s de l'offre et de la demande peuvent entra¨ªner des variations de prix importantes. En agriculture, les chocs les plus fr¨¦quents dans le domaine de l'agriculture sont caus¨¦s par le climat. Les effets de ces chocs sont particuli¨¨rement importants pour les petits cultivateurs. Les gains de productivit¨¦ entra¨ªnent des variations ¨¤ long terme de l'offre, tandis que la croissance de la population et des revenus, l'urbanisation ou la modification des comportements des consommateurs entra¨ªnent des variations ¨¤ long terme de la demande.
Il est important de distinguer les variations ¨¤ long terme et les chocs ¨¤ court terme. Les variations ¨¤ long terme cr¨¦ent des tendances, tandis que les chocs sont responsables des variations qui affectent ces tendances. L'analyse pr¨¦sent¨¦e ici distingue clairement les facteurs de chocs et les facteurs de variations, ainsi que les facteurs de demande et les facteurs d'offre. Elle ne visera pas ¨¤ mesurer les impacts pr¨¦cis des divers facteurs, mais pr¨¦sentera les principaux faits et chiffres qui ont caract¨¦ris¨¦ les variations et les chocs. L'analyse s'attachera aussi ¨¤ d¨¦masquer certains mythes et certaines id¨¦es re?ues qui ont ¨¦merg¨¦ dans les discussions sur la crise qui a r¨¦cemment affect¨¦ le march¨¦.
LES FACTEURS ? COURT TERME
Niveau bas des stocks de produits alimentaires et prix ¨¦lev¨¦s : Le niveau ad¨¦quat des stocks de produits alimentaires joue un r?le dans la limitation des variations de prix. Quand les stocks sont ¨¤ un niveau bas et que la demande est ¨¦lev¨¦e, les prix augmentent. Le niveau des stocks de produits alimentaires, principalement des c¨¦r¨¦ales, est en baisse depuis la moiti¨¦ des ann¨¦es 1990. Depuis les niveaux record atteints en 1995, les niveaux des stocks mondiaux ont diminu¨¦ de 3,4 % par an. Avec l'augmentation de la consommation alimentaire, le taux des stocks par rapport ¨¤ la consommation totale a m¨ºme diminu¨¦ plus rapidement, atteignant leur niveau le plus bas en 2008.
Cette situation est due ¨¤ un nombre de changements de politiques dont la r¨¦forme des politiques d'aide, en particulier en Union europ¨¦enne et aux ?tats-Unis et la suppression des achats d'intervention par les institutions publiques; le d¨¦veloppement d'une gestion des risques moins co?teuse; la demande en biocarburants; et l'am¨¦lioration des technologies de l'information et du transport qui ont r¨¦duit la n¨¦cessit¨¦ de conserver des quantit¨¦s importantes de stocks.
La situation du march¨¦ ¨¦tant relativement calme au d¨¦but de 2000, ces niveaux bas des stocks semblaient suffisants pour faire face ¨¤ la demande. Mais comme ils ont continu¨¦ de baisser et que la demande s'est accrue, ils ont ¨¦t¨¦ insuffisants pour couvrir les besoins. Une fluctuation importante des prix s'en est suivie en 2007/08 et les niveaux des stocks bas maintiendront les prix ¨¦lev¨¦s et volatiles pendant un certain temps. ? la fin des saisons des r¨¦coltes en 2008, les stocks mondiaux de c¨¦r¨¦ales devraient, selon les pr¨¦visions, diminuer de 5 % par rapport ¨¤ leur niveau d¨¦j¨¤ r¨¦duit, atteignant leur niveau le plus bas depuis 25 ans. Le taux des stocks mondiaux de c¨¦r¨¦ales par rapport ¨¤ leur utilisation devrait chuter ¨¤ 18,8 %, une diminution de 6 points de pourcentage par rapport au niveau de 2006/07. Parall¨¨lement, la situation des stocks des huiles/mati¨¨res grasses et des farines/tourteaux a continu¨¦ de se d¨¦t¨¦riorer ¨¤ la mi-2007 apr¨¨s l'effet de contagion caus¨¦ par les cours des march¨¦s du bl¨¦ et des c¨¦r¨¦ales secondaires, le rapport stock-utilisation devant passer de 13 ¨¤ 11 % pour les huiles/mati¨¨res grasses et de 17 ¨¤ 11 % pour les farines/tourteaux ¨¤ la fin de la saison des r¨¦coltes 2007/08.
Le changement climatique : Bien que le niveau bas des stocks ne contribue pas en soi ¨¤ la hausse des prix, il a rendu les march¨¦s plus sensibles aux chocs. Un exemple typique d'un choc d'offre ¨¤ court terme est la d¨¦t¨¦rioration soudaine des conditions m¨¦t¨¦orologiques. Il est difficile, voire m¨ºme impossible, de mesurer directement les variations des conditions m¨¦t¨¦orologiques mondiales. Mais il est possible de mesurer ces variations indirectement en examinant les tendances de rendement mondiales et en mesurant les d¨¦viations. Les autres facteurs affectant le rendement comme l'application d'engrais et de pesticides et l'irrigation demeureront vraisemblablement inchang¨¦s.

Au cours des derni¨¨res ann¨¦es, la production mondiale de bl¨¦ est tomb¨¦e en-dessous de ses niveaux moyens pass¨¦s. Par exemple, l'Australie a subi deux s¨¦cheresses cons¨¦cutives entra¨ªnant une baisse importante de la production en 2006/07. Le Maroc a souffert d'une importante p¨¦nurie de bl¨¦ en 2007 et en Ukraine, la r¨¦colte du bl¨¦ a ¨¦t¨¦ mauvaise. Dans un march¨¦ o¨´ les stocks sont bas, ces insuffisances ont certainement contribu¨¦ ¨¤ la flamb¨¦e r¨¦cente des prix qui ont atteint leur niveau record ¨¤ plus de 13 dollars le boisseau ¨¤ la fin de mars 2008.

Alors que les conditions m¨¦t¨¦orologiques semblent ¨ºtre un facteur ayant contribu¨¦ ¨¤ la flamb¨¦e des prix du bl¨¦, cela n'est pas le cas pour les c¨¦r¨¦ales secondaires (les c¨¦r¨¦ales autres que le bl¨¦ et le riz). Au contraire, la production moyenne des c¨¦r¨¦ales secondaires demeure sup¨¦rieure ¨¤ sa tendance ¨¤ long terme au cours des quatre derni¨¨res ann¨¦es. S'il est encore difficile de savoir si ces rendements ¨¦lev¨¦s sont dus au beau temps, on peut supposer que les bonnes conditions de culture dans les principales zones de culture sont dues aux bonnes conditions m¨¦t¨¦orologiques.
Des stocks alimentaires bas, des march¨¦s fragiles, des fournisseurs influents : L'une des particularit¨¦s des march¨¦s agricoles est que le commerce international repr¨¦sente seulement une petite part de la consommation ou de la production mondiale. Le commerce du bl¨¦, par exemple, repr¨¦sente moins de 18 % de la production, celui du ma?s moins de 12 % et celui du riz moins de 8 %. En outre, le commerce est souvent contr?l¨¦ par une poign¨¦e d'exportateurs. Dans le cas du ma?s, 60 % des exportations mondiales ont ¨¦t¨¦ r¨¦alis¨¦es en 2007 par un seul pays, alors que la part des trois principaux pays exportateurs repr¨¦sentait 90 %. Dans le cas du riz, le premier pays exportateur a contr?l¨¦ pr¨¨s de 30 % du march¨¦ mondial en 2007 et les trois plus grands fournisseurs pr¨¨s de 60 %. Les march¨¦s fragiles et une importante concentration du commerce dans les mains de quelques pays rendent ces produits de base particuli¨¨rement vuln¨¦rables aux chocs exog¨¨nes. En fait, dans le climat tendu de 2007/08, m¨ºme la simple annonce d'un possible changement pouvait ¨¦branler l'ensemble du march¨¦. L'exemple le plus frappant est probablement la r¨¦action du march¨¦ lorsqu'un important exportateur de bl¨¦ a annonc¨¦ le 25 f¨¦vrier 2008 qu'il envisageait d'imposer une taxe sur ses exportations pour le reste de l'ann¨¦e. La r¨¦action a ¨¦t¨¦ imm¨¦diate : les prix ont augment¨¦ de 25 % en une seule s¨¦ance boursi¨¨re - l'augmentation la plus importante jamais enregistr¨¦e en une seule journ¨¦e.
Le choc du prix du p¨¦trole : Un autre choc majeur fut l'augmentation consid¨¦rable du prix du p¨¦trole au d¨¦but de 2003. Pratiquement tous les secteurs ¨¦conomiques ont ¨¦t¨¦ touch¨¦s, en particulier l'agriculture. Les prix moyens des intrants ont doubl¨¦ et les prix des engrais, comme le triple superphosphate et le chlorure de potassium, ont augment¨¦ de plus de 160 % au cours des premiers moins de 2008 par rapport ¨¤ la m¨ºme p¨¦riode en 2007. Dans l'ensemble, l'augmentation des prix de l'¨¦nergie a ¨¦t¨¦ rapide, tr¨¨s marqu¨¦e et g¨¦n¨¦ralis¨¦e, l'indice du prix de l'¨¦nergie Reuters-crb ayant plus que tripl¨¦ depuis 2003.

Le prix du p¨¦trole a ¨¦galement affect¨¦ les march¨¦s agricoles au travers du secteur des transports. En une ann¨¦e, le prix moyen des transports a doubl¨¦ ¨¤ partir de f¨¦vrier 2006. Les co?ts des frets maritimes pour le transport des c¨¦r¨¦ales des ?tats-Unis vers l'Europe ont presque tripl¨¦, passant environ de 34 ¨¤ 90 euros par tonne. Ceci a contribu¨¦ ¨¤ la rer¨¦gionalisation des march¨¦s agricoles internationaux, en particulier pour les produits en vrac et cr¨¦¨¦ ¨¦galement des variations de prix r¨¦gionales importantes, ce qui indique que le commerce ne pouvait plus jouer pleinement son r?le vital dans la s¨¦curit¨¦ alimentaire internationale en ¨¦quilibrant les d¨¦ficits r¨¦gionaux et les exc¨¦dents r¨¦gionaux.

Des b¨¦n¨¦fices de courte dur¨¦e : Alors que les cours sur les march¨¦s internationaux se sont envol¨¦s durant la seconde moiti¨¦ de 2007, de nombreux pays se sont de plus en plus pr¨¦occup¨¦s de la s¨¦curit¨¦ de l'approvisionnement alimentaire national. Le prix ¨¦lev¨¦ des denr¨¦es alimentaires est devenu un fardeau de plus en plus difficile ¨¤ supporter pour les ¨¦conomies nationales et a en particulier frapp¨¦ les plus pauvres de plein fouet. Certains pays craignent de souffrir d'une p¨¦nurie de certains produits alimentaires, compromettant m¨ºme la disponibilit¨¦ des approvisionnements subventionn¨¦s par les dispositifs de s¨¦curit¨¦, ce qui a entra¨ªn¨¦ des manifestations, des ¨¦meutes et une instabilit¨¦ sociale g¨¦n¨¦rale.

Pour ¨¦viter des cons¨¦quences plus profondes et plus graves, de nombreux gouvernements ont eu recours ¨¤ des mesures politiques commerciales pour ralentir l'augmentation des prix et assurer un approvisionnement ad¨¦quat des march¨¦s nationaux. Pour les pays exportateurs de produits alimentaires, les mesures ont concern¨¦ les taxes d'exportation, les restrictions aux exportations et l'interdiction cat¨¦gorique d'exportations. Pour les pays importateurs, les mesures ont concern¨¦ la r¨¦duction des tarifs douaniers et, dans quelques cas, la subvention des importations, c'est-¨¤-dire des tarifs d'importation n¨¦gatifs.

La FAO a examin¨¦ les effets de ces politiques dans 77 pays. Selon les r¨¦sultats, plus de 50 % d'entre eux avaient r¨¦duit leurs tarifs d'importation sur les c¨¦r¨¦ales et environ 25 % avaient impos¨¦ des contr?les ¨¤ l'exportation sous la forme de taxes, d'interdictions ou de quotas.
Les restrictions aux exportations - une mesure b¨¦n¨¦fique pour certains, moins b¨¦n¨¦fique pour d'autres : Du point de vue de la s¨¦curit¨¦ alimentaire ¨¤ court terme, les restrictions aux exportations peuvent ¨ºtre une mesure pertinente : elles sont peu co?teuses, faciles ¨¤ mettre en ?uvre et aident g¨¦n¨¦ralement ¨¤ stabiliser l'approvisionnement alimentaire du pays. Du point de vue international, toutefois, elles sont tout ¨¤ fait contre-productrices. Elles aggravent les insuffisances d'approvisionnement internationales, rendent les march¨¦s plus volatiles et handicapent les pays qui d¨¦pendent fortement des importations et ne peuvent se permettre d'augmenter les prix. En g¨¦n¨¦ral, il s'agit des pays ¨¤ faible revenu et ¨¤ d¨¦ficit vivrier qui pr¨¦sentent d¨¦j¨¤ des taux ¨¦lev¨¦s de malnutrition.

L'¨¦tude de la FAO indique aussi que les effets b¨¦n¨¦fiques de ces mesures sont de courte dur¨¦e. Alors que les taxes d'exportation ont initialement g¨¦n¨¦r¨¦ des revenus suppl¨¦mentaires, un nombre de pays exportateurs ont rapport¨¦ que les prix ¨¤ la production moins ¨¦lev¨¦s, associ¨¦s aux prix des intrants ¨¦lev¨¦s, ont en fait entra¨ªn¨¦ une diminution des cultures et pourrait bient?t aggraver encore plus la s¨¦curit¨¦ alimentaire. De m¨ºme, la r¨¦duction des tarifs d'importation a engendr¨¦ des pertes de revenus, qui repr¨¦sentent souvent une contribution importante au budget national de d¨¦veloppement.
Les variations de la demande sont difficiles ¨¤ conna¨ªtre : Il est difficile de reconna¨ªtre les facteurs de la demande qui ont contribu¨¦ ¨¤ la r¨¦cente envol¨¦e des prix des aliments mondiaux. Contrairement ¨¤ l'approvisionnement, les variations de la demande sont rarement rapides et impr¨¦vues. La raison principale est que la demande des march¨¦s alimentaires est principalement li¨¦e aux besoins de la population et ¨¤ la croissance des revenus et que leur ¨¦volution est progressive et lente. Lors de la flamb¨¦e des prix au cours des derni¨¨res ann¨¦es, la situation a g¨¦n¨¦ralement suivi cette tendance. Ni la demande alimentaire ni la demande de la consommation n'ont entra¨ªn¨¦ une augmentation soudaine ou impr¨¦vue qui aurait expliqu¨¦ la flamb¨¦e des prix qui a eu lieu r¨¦cemment.
Un engouement pour les biocarburants : La seule exception visible est l'expansion rapide de la demande des mati¨¨res premi¨¨res agricoles pour les carburants. Cette nouvelle donne en mati¨¨re de demande alimentaire, de croissance alimentaire et de consommation n¨¦cessite un examen plus attentif. Parmi les principaux produits alimentaires et de consommation, la demande suppl¨¦mentaire en ma?s (une mati¨¨re premi¨¨re pour la production de l'¨¦thanol) et en colza (pour la production du biodiesel) a entra¨ªn¨¦ des augmentations spectaculaires et a probablement eu le plus grand impact sur les prix. Par exemple, sur pr¨¨s de 40 millions de tonnes de ma?s produits dans le monde en 2007, pr¨¨s de 30 millions ont ¨¦t¨¦ absorb¨¦s par les usines d'¨¦thanol ¨¤ elles seules. C'est aux ?tats-Unis - le plus grand producteur et exportateur de ma?s au monde - que cette expansion a ¨¦t¨¦ la plus importante, o¨´ l'¨¦thanol produit ¨¤ partir du ma?s repr¨¦sente environ 30 % de l'utilisation totale nationale. Au niveau mondial, seulement 12 % de la production totale de ma?s ont ¨¦t¨¦ utilis¨¦s en 2007 pour produire de l'¨¦thanol.
Dans l'Union europ¨¦enne, on estime que le secteur du biodiesel a absorb¨¦ environ 60 % de la production de l'huile de colza des pays membres en 2007, ce qui repr¨¦sentait environ 25 % de la production mondiale et 70 % du commerce mondial des produits de base. Pour ces deux produits, la demande en biodiesel a ¨¦t¨¦ soudaine et massive et aide ¨¤ expliquer la flamb¨¦e rapide des prix internationaux observ¨¦e depuis le d¨¦but de 2007.
Sur le long terme, la hausse des prix de l'¨¦nergie peut signifier que l'agriculture deviendra un secteur de plus en plus important pour la bio¨¦nergie. Le march¨¦ de l'¨¦nergie est si important et la demande pour la bio¨¦nergie est potentiellement si ¨¦lev¨¦e que le march¨¦ de l'¨¦nergie pourrait alt¨¦rer profond¨¦ment l'¨¦quilibre du march¨¦ agricole traditionnel.
Cela peut introduire un nouveau paradigme dans les march¨¦s agricoles mondiaux. Si les prix de l'¨¦nergie demeurent ¨¦lev¨¦s et la production des mati¨¨res premi¨¨res destin¨¦e au march¨¦ de l'¨¦nergie continue d'¨ºtre une activit¨¦ viable sur le plan ¨¦conomique, cela signifiera la fin de la tendance ¨¤ la baisse ¨¤ long terme des prix r¨¦els et cr¨¦era une vaste demande en dehors des march¨¦s alimentaires traditionnels. En termes ¨¦conomiques, la demande en bio¨¦nergie pourrait cr¨¦er une demande ¨¦lastique pour les produits agricoles ¨¤ des niveaux de prix correspondant ¨¤ ceux du march¨¦ de l'¨¦nergie6.
Sur le long terme, cela signifie que les prix des produits alimentaires continueront ¨¤ ¨ºtre ¨¦lev¨¦s tant que le cours du p¨¦trole demeurera ¨¦lev¨¦.

Les sp¨¦culateurs sont-ils responsables? Les r¨¦centes discussions sur la hausse des prix des aliments ont ¨¦galement concern¨¦ le r?le possible des sp¨¦culateurs et des investisseurs institutionnels majeurs qui ach¨¨tent les produits agricoles dans les march¨¦s ¨¤ terme o¨´ des contrats sont achet¨¦s et vendus alors que la livraison est pr¨¦vue ¨¤ une date ult¨¦rieure. En fait, la part des sp¨¦culateurs non commerciaux prenant des positions ¨¤ long terme sur les march¨¦s des produits agricoles a augment¨¦. De 2005 ¨¤ 2008, les positions ouvertes sur les march¨¦s ¨¤ terme du ma?s, du bl¨¦ et du soja par les op¨¦rateurs non commerciaux ont presque doubl¨¦, tandis que leur part dans le march¨¦ des contrats ¨¤ terme pour le sucre n'a pratiquement pas chang¨¦. L'activit¨¦ mondiale des op¨¦rations de contrats ¨¤ terme et d'options combin¨¦s a presque doubl¨¦ au cours des cinq derni¨¨res ann¨¦es. Pendant les neuf premiers mois de 2007, cette activit¨¦ a augment¨¦ de 30 % par rapport ¨¤ l'ann¨¦e pr¨¦c¨¦dente. La th¨¦orie veut que le regain d'int¨¦r¨ºt g¨¦n¨¦ral pour les produits de base comme type d'investissements ait ¨¦t¨¦ suscit¨¦ par le ralentissement des march¨¦s des actions et de l'immobilier.
Ce niveau ¨¦lev¨¦ d'activit¨¦ sp¨¦culative observ¨¦ ces derni¨¨res ann¨¦es sur les march¨¦s des produits agricoles a conduit de nombreux analystes ¨¤ associer la sp¨¦culation accrue et les r¨¦centes hausses des prix des aliments. La situation n'est toutefois pas aussi claire : est-ce la sp¨¦culation sur les produits agricoles qui entra¨ªne une hausse des prix ou est-ce la hausse des prix qui entra¨ªne la sp¨¦culation? Une r¨¦cente ¨¦tude du Fonds mon¨¦taire international (FMI) a conclu que c'¨¦taient les prix ¨¦lev¨¦s qui encourageaient le flux d'investissements dans les march¨¦s des contrats ¨¤ terme pour les produits agricoles.
Toutefois, il ne fait aucun doute que les sp¨¦culateurs peuvent jouer un r?le important dans la fixation du prix des produits agricoles. Mais quand les investisseurs parient d'importantes sommes d'argent sur des prix plus ¨¦lev¨¦s, on peut supposer qu'ils le font en se basant sur une analyse solide des tendances futures de l'offre et de la demande. S'ils r¨¦ussissent r¨¦ellement ¨¤ faire monter les prix ¨¤ des niveaux inattendus, on peut aussi supposer qu'il y aura une contraction de la demande et une expansion de l'offre. Finalement, cela produirait des volumes invendus qui, pour ¨ºtre obsorb¨¦s, n¨¦cessiteraient un achat r¨¦el et une plus grande constitution des stocks. Dans la situation actuelle, il est impossible de savoir si une augmentation des stocks a eu lieu.
Cela peut toutefois signifier que les sp¨¦culateurs ont caus¨¦ ou au moins exacerb¨¦ les fluctuations des prix intra-saisonni¨¨res ¨¤ court terme sur les march¨¦s des contrats ¨¤ terme, mais rien ne prouve vraiment qu'ils aient contribu¨¦ aux variations intra-saisonni¨¨res des prix sur les march¨¦s au comptant, o¨´ les biens sont achet¨¦s et vendus aux prix au comptant et leur livraison est imm¨¦diate.
Le changement des habitudes alimentaires a-t-il une part de responsabilit¨¦ dans la hausse des prix? ? mesure que la population cro¨ªt, la demande alimentaire augmente. La consommation a augment¨¦ m¨ºme plus vite que la population, laissant place ¨¤ une augmentation des approvisionnements et ¨¤ un changement des habitudes alimentaires. Initialement, ce changement des habitudes alimentaires s'est traduit par un abandon des racines et des tubercules au profit des c¨¦r¨¦ales, puis des f¨¦culents au profit de la viande et d'autres produits de l'¨¦levage. Ces changements ont ¨¦t¨¦ g¨¦n¨¦ralement progressifs et n'ont vraisemblablement pas ¨¦t¨¦ la cause de la flamb¨¦e des prix que l'on a observ¨¦e au cours des derni¨¨res ann¨¦es. Mais dans les ¨¦conomies ¨¤ croissance rapide comme celles de l'Inde et de la Chine, on dit7 que les changements alimentaires se sont produits si rapidement qu'ils ont caus¨¦ un changement soudain dans la demande alimentaire. Ces changements ont ¨¦t¨¦ observ¨¦s dans la demande de nombreux produits industriels, notamment les m¨¦taux et les minerais, le charbon, le gaz et le p¨¦trole. Mais est-ce vraiment le cas pour les produits alimentaires ? Pour le savoir, il faut proc¨¦der ¨¤ un examen minutieux des faits, des chiffres et des tendances.

LES FACTEURS ? LONG TERME Apr¨¨s avoir examin¨¦ les facteurs pouvant ¨ºtre la cause des chocs d'offre et de demande et ¨¦tudi¨¦ les tendances de la demande, nous pouvons maintenant examiner les facteurs qui d¨¦terminent les tendances ¨¤ long terme de l'offre. Les principaux facteurs sont connus : l'offre ¨¤ long terme est d¨¦termin¨¦e par les surfaces cultivables, l'eau disponible et le potentiel g¨¦n¨¦tique mesur¨¦ en termes de rendements des terres et d'intensit¨¦ des cultures. Pour les pays en d¨¦veloppement, l'aide ext¨¦rieure joue un r?le vital dans ces investissements.
Les investissements dans l'agriculture : Les investissements dans l'agriculture des pays en d¨¦veloppement sont au c?ur de la longue et impressionnante expansion de la production pendant la deuxi¨¨me moiti¨¦ du XXe si¨¨cle. En 1961, les pays utilisaient 1,4 milliard d'hectares de terres pour les cultures, alors qu'en 1998, ils cultivaient seulement 1,5 milliard d'hectares pour produire le double de c¨¦r¨¦ales et de graines ol¨¦agineuses. Les agriculteurs ont r¨¦ussi ¨¤ nourrir presque deux fois plus de personnes en utilisant pratiquement la m¨ºme base de terres cultivables. Ce succ¨¨s s'explique par l'investissement public de longue port¨¦e qui a eu lieu dans les ann¨¦es 1960 et 1970 dans la recherche agricole, l'¨¦pine dorsale de la r¨¦volution verte et l'¨¦l¨¦ment moteur principal de l'expansion rapide de la production agricole dans plusieurs pays en d¨¦veloppement.
O¨´ sont pass¨¦s tous les altruistes? Malheureusement, le succ¨¨s des investissements publics dans la recherche agricole a ¨¦t¨¦ consid¨¦r¨¦ comme un acquis. Ils se sont stabilis¨¦s ¨¤ la fin des ann¨¦es 1990 et l'aide publique au d¨¦veloppement (apd) consacr¨¦e ¨¤ l'agriculture des pays en d¨¦veloppement est pass¨¦e de 8 milliards de dollars en 1984 ¨¤ 3,4 milliards en 2004, soit une r¨¦duction de 58 % en termes r¨¦els. La part de l'agriculture dans l'apd est pass¨¦e de 17 % en 1980 ¨¤ tout juste 3 % en 2006. En outre, les institutions financi¨¨res internationales et r¨¦gionales ont connu une r¨¦duction drastique des ressources allou¨¦es ¨¤ l'agriculture dont d¨¦pendent 70 % des pauvres dans le monde pour vivre. Ce manque d'aide ¨¤ long terme a frein¨¦ la croissance de la production dans les pays en d¨¦veloppement et contribu¨¦ ¨¤ leur d¨¦pendance vis-¨¤-vis des importations. L'effet a ¨¦t¨¦ plus visible pour les pays les moins avanc¨¦s, qui importent actuellement deux fois plus de produits agricoles qu'ils n'en exportent.
Les subventions agricoles des pays riches : Un autre facteur important qui a affect¨¦ la tendance ¨¤ long terme de l'offre des produits agricoles a ¨¦t¨¦ l'aide massive et la protection accord¨¦e aux agriculteurs des pays de l'Organisation de coop¨¦ration et de d¨¦veloppement ¨¦conomiques (OCDE). Depuis 1986, quand la mesure syst¨¦matique de ces transferts a ¨¦t¨¦ possible, l'aide et la protection accord¨¦e par les pays membres de l'ocde ¨¤ leurs agriculteurs repr¨¦sentaient 300 milliards de dollars par an, parfois plus certaines ann¨¦es. Les efforts pour r¨¦duire ce niveau d'aide et de protection sont reconnus, ainsi que les r¨¦formes pour r¨¦duire l'effet de distorsion de ces politiques. Mais il faut aussi reconna¨ªtre que ces mesures ont caus¨¦ d'immenses d¨¦g?ts par le pass¨¦. Les niveaux de protection ¨¦lev¨¦s des pays de l'ocde emp¨ºchent les pays en d¨¦veloppement de vendre leurs produits ¨¤ l'¨¦tranger et les subventions ¨¤ l'exportation de l'ocde les emp¨ºchent d'¨ºtre comp¨¦titifs m¨ºme dans leur propre pays. Les prix bas au niveau national ont frein¨¦ les investissements dans l'agriculture, ont ralenti la production et ont rendu les pays en d¨¦veloppement de plus en plus d¨¦pendants des importations des produits alimentaires.
Il est difficile d'¨¦valuer de mani¨¨re pr¨¦cise l'effet de la r¨¦duction des investissements sur les prix agricoles. Il faut rappeler que ces mesures ont davantage affect¨¦ les tendances ¨¤ long terme des prix que les pics de prix. Il serait donc encore plus difficile d'expliquer une portion sp¨¦cifique de ces pics de prix par l'une ou l'autre de ces mesures. Il est clair cependant que la tendance ¨¤ la baisse des investissements doit ¨ºtre invers¨¦e si l'on veut relever les d¨¦fis auxquels l'agriculture fera face au cours des 50 prochaines ann¨¦es. Il est aussi urgent d'investir davantage dans l'agriculture pour surmonter la crise alimentaire actuelle. Sans une aide suppl¨¦mentaire, les prix des semences, des engrais et de l'¨¦nergie demeureront ¨¦lev¨¦s, les march¨¦s agricoles et les cha¨ªnes d'approvisionnement perturb¨¦s et le financement des mesures de protection alimentaire trop insuffisant pour r¨¦duire la crise actuelle. La fao a mis en place un programme d'action qui permet de r¨¦pondre ¨¤ ces besoins. Lanc¨¦e en d¨¦cembre 2007, l'Initiative sur la flamb¨¦e des prix des aliments (IFPA) a jou¨¦ un r?le catalyseur pour r¨¦pondre ¨¤ la crise alimentaire mondiale.ASSURER LE FONCTIONNEMENT DES MARCH?S AGRICOLES POUR LES PAUVRES

L'argument de base pour l'action est que le fonctionnement des march¨¦s agricoles pour les pauvres peut g¨¦n¨¦rer des gains importants. Dans le contexte de l'ins¨¦curit¨¦ alimentaire actuelle, il r¨¦side ¨¦galement dans la n¨¦cessit¨¦ urgente de pr¨¦venir une crise encore plus grave et dans la reconnaissance g¨¦n¨¦rale que les prix ¨¦lev¨¦s seuls ne suffisent pas n¨¦cessairement ¨¤ stimuler la production ¨¤ court terme. Dans le moyen et le long terme, il ne fait aucun doute que les prix ¨¦lev¨¦s sont n¨¦cessaires ¨¤ la croissance de la productivit¨¦ et ¨¤ la stabilit¨¦ des approvisionnements des denr¨¦es alimentaires. Ils fournissent aux agriculteurs les incitations n¨¦cessaires pour renforcer la productivit¨¦, accro¨ªtre la production et utiliser plus efficacement les approvisionnements existants. Dans le court terme, toutefois, des obstacles importants peuvent emp¨ºcher les agriculteurs d'exploiter les opportunit¨¦s cr¨¦¨¦es par la hausse des prix. Ces obstacles comprennent le manque d'acc¨¨s souvent g¨¦n¨¦ralis¨¦ au financement et au cr¨¦dit, le manque de technologies et d'intrants appropri¨¦s, le mauvais fonctionnement des cha¨ªnes d'approvisionnement, des transports inad¨¦quats et le manque d'informations relatives au march¨¦.
Il existe en principe de nombreuses mesures pouvant r¨¦pondre ¨¤ ces probl¨¨mes, dont une inversion g¨¦n¨¦rale de la tendance ¨¤ la baisse de l'aide publique au d¨¦veloppement dans l'agriculture; une r¨¦duction plus importante de l'aide et de la protection de l'ocde et le d¨¦couplage des mesures restantes; une conclusion urgente et compl¨¨te du programme de Doha pour le d¨¦veloppement*; et le soutien ¨¤ la balance des paiements des pays les plus durement touch¨¦s par le double fardeau de la flamb¨¦e des prix du p¨¦trole et des aliments. Les mesures tr¨¨s sp¨¦cifiques comprennent l'augmentation de l'aide alimentaire afin de r¨¦pondre aux besoins les plus urgents, l'augmentation des moyens budg¨¦taires pour financer les dispositifs de s¨¦curit¨¦ ou le r¨¦examen de la cr¨¦ation d'une facilit¨¦ mondiale pour financer les importations de denr¨¦es alimentaires. Dans la liste des actions possibles, nous examinerons deux initiatives d'aide que la fao a r¨¦cemment mises en ?uvre ou propos¨¦es : L'Initiative sur la flamb¨¦e des prix des aliments, comme exemple d'action imm¨¦diate et le Programme de lutte contre la faim, comme plan d'action propos¨¦ pour r¨¦orienter la politique agricole.
L'initiative sur la flamb¨¦e des prix des aliments
Lanc¨¦e en 2007, l'initiative vise ¨¤ r¨¦duire aussi vite que possible l'ins¨¦curit¨¦ alimentaire caus¨¦e par la flamb¨¦e des prix des denr¨¦es alimentaires et pr¨¦venir une crise plus profonde et g¨¦n¨¦ralis¨¦e. Avec un budget de 1,7 milliard de dollars pour financer les semences, elle a ¨¦t¨¦ con?ue comme un plan d'aide d'urgence dans six domaines prioritaires. Le tableau 1 donne un aper?u de ces domaines, suivi d'une description d¨¦taill¨¦e.

1. Analyse des politiques, assistance technique et conseils : L'objectif est d'assurer que les mesures prises par les gouvernements pour r¨¦pondre ¨¤ la hausse des prix des denr¨¦es alimentaires contribuent ¨¤ la r¨¦duction ¨¤ long terme de l'ins¨¦curit¨¦ alimentaire. Des informations mises ¨¤ jour sur la s¨¦curit¨¦ alimentaire et les march¨¦s agricoles aux niveaux national et international devraient ¨ºtre diffus¨¦es r¨¦guli¨¨rement. Il faudrait encourager la synergie des march¨¦s r¨¦gionaux en coordonnant les politiques agricoles et commerciales et en comprenant mieux les mesures politiques adopt¨¦es initialement pour r¨¦pondre ¨¤ la hausse des prix des aliments. Pour cela, il faut ¨¦tudier les politiques agricoles pays par pays et discuter des bonnes pratiques agricoles.

2. Filets de s¨¦curit¨¦ productifs : L'am¨¦lioration de la productivit¨¦ agricole, en particulier des petites exploitations, est l'un des moyens les plus durables pour r¨¦duire l'ins¨¦curit¨¦ alimentaire dans les zones rurales. Une plus grande quantit¨¦ et une meilleure qualit¨¦ des aliments auront un impact direct sur l'acc¨¨s des m¨¦nages ruraux aux denr¨¦es alimentaires, mais aussi un impact indirect en ¨¦tendant les approvisionnements alimentaires dans les march¨¦s ruraux, en cr¨¦ant des revenus pour les m¨¦nages sans terres et en diversifiant les possibilit¨¦s de cr¨¦ation de revenus pour les pauvres ruraux. Pour y parvenir, l'acc¨¨s aux intrants am¨¦lior¨¦s et aux services de vulgarisation comme les d¨¦monstrations sur le terrain, la lutte contre les ravageurs devrait ¨ºtre renforc¨¦.

L'acc¨¨s aux intrants peut ¨ºtre am¨¦lior¨¦ de plusieurs fa?ons, y compris par la distribution directe aux cultivateurs, les coupons, les syst¨¨mes de cr¨¦dit, etc. On peut aussi distribuer des intrants en m¨ºme temps que les rations alimentaires afin d'assurer leur utilisation ¨¤ des fins de production. Les semences de qualit¨¦ sup¨¦rieure devraient ¨ºtre disponibles localement afin de s'assurer qu'elles sont adapt¨¦es aux conditions et aux go?ts locaux. L'utilisation des approvisionnements d'intrants et des pratiques commerciales de production existantes fait partie int¨¦grale des filets de s¨¦curit¨¦ productifs pour soutenir la durabilit¨¦. Pour garantir une commercialisation efficace des extrants, une am¨¦lioration de l'infrastructure rurale est n¨¦cessaire. Cela peut se faire dans le court terme en ¨¦tendant les programmes vivres contre travail actuels, ce qui permet de soutenir les revenus des plus vuln¨¦rables tout en construisant ou r¨¦habilitant les infrastructures rurales qui assurent l'acc¨¨s des petits exploitants au march¨¦.

3. Modernisation des pratiques agricoles : Un facteur cl¨¦ pour stimuler la production agricole est l'adoption des pratiques de gestion moderne des semences. Par exemple, l'acc¨¨s des cultivateurs aux semences de qualit¨¦ sera am¨¦lior¨¦ par le renforcement des syst¨¨mes nationaux de distribution des semences, l'enregistrement et l'¨¦tiquetage des semences, la promotion des entreprises de semences locales, les partenariats public-priv¨¦ et une meilleure communication entre les producteurs de semences et les cultivateurs. Un autre d¨¦fi est de trouver les moyens d'augmenter l'utilisation des engrais et d'am¨¦liorer l'acc¨¨s aux march¨¦s alimentaires et aux march¨¦s d'extrants. Les parties int¨¦ress¨¦es ¨¤ la fois des secteurs public et priv¨¦ doivent prendre part ¨¤ ce processus. Stimuler la production requiert non seulement un meilleur acc¨¨s aux intrants agricoles mais aussi de meilleures pratiques de gestion des cultures. Pour obtenir des rendements ¨¦lev¨¦s, il faut organiser des d¨¦monstrations dans les fermes pour augmenter la productivit¨¦, minimiser les perturbations des sols, assurer la couverture permanente du sol, pratiquer la rotation des sols et mettre en place un syst¨¨me de lutte int¨¦gr¨¦e contre les ravageurs.

4. Am¨¦lioration des march¨¦s agricoles : Elle contribue essentiellement ¨¤ la s¨¦curit¨¦ alimentaire en fournissant les produits plus rapidement sur le march¨¦. Pour y parvenir, il faut une infrastructure ad¨¦quate, par exemple, des routes rurales. En outre, des interventions pourraient ¨ºtre envisag¨¦es comme la commercialisation collective par le biais d'associations d'agriculteurs, des investissements dans l'industrie alimentaire ou la mise en place d'accords contractuels entre les cultivateurs et les entreprises. Il faudrait ¨¦galement faire des investissements pour am¨¦liorer l'¨¦change d'informations dans les zones rurales en modernisant les syst¨¨mes de communication de radio et de t¨¦l¨¦vision. En diffusant les prix des produits agricoles, les cultivateurs pourront r¨¦pondre plus rapidement et plus efficacement aux fluctuations du march¨¦.

5. R¨¦duction des pertes de r¨¦coltes et de b¨¦tail : Ce programme comporte deux parties. La premi¨¨re vise ¨¤ r¨¦duire les pertes de r¨¦coltes li¨¦es ¨¤ la manutention, aux conditions de stockage et de transformation. Pour r¨¦duire des pertes parfois consid¨¦rables, il est essentiel de communiquer les connaissances aux cultivateurs, aux op¨¦rateurs, aux interm¨¦diaires et aux distributeurs et d'am¨¦liorer les installations de s¨¦chage et de stockage. La deuxi¨¨me partie traite du d¨¦veloppement des cultures r¨¦sistant mieux ¨¤ la s¨¦cheresse ou aux inondations, pr¨¦conise les m¨¦thodes qui r¨¦duisent les risques li¨¦s aux mauvaises r¨¦coltes (par ex. cultures intercalaires, diversification des cultures) et une gestion efficace de l'irrigation.

6. Assistance technique et coordination : Pour r¨¦pondre rapidement et efficacement ¨¤ la flamb¨¦e des prix, la coordination des activit¨¦s et la participation de tous les partenaires sont essentielles. Faire partager la responsabilit¨¦ ¨¤ un grand nombre d'acteurs incite les gouvernements, les organisations ¨¦conomiques r¨¦gionales et les partenaires ¨¤ collaborer ¨¤ l'analyse, ¨¤ la conception, aux objectifs et au suivi d'une s¨¦rie d'actions plus nuanc¨¦es et plus coh¨¦rentes. Ces actions doivent r¨¦pondre efficacement aux besoins des populations souffrant d'ins¨¦curit¨¦ alimentaire chronique. En tant qu'organisation fond¨¦e sur la connaissance, la fao se doit de fournir des informations sur l'¨¦volution des prix des denr¨¦es alimentaires et d'analyser leur impact. Elle a en outre une expertise consid¨¦rable en mati¨¨re de d¨¦veloppement des syst¨¨mes d'alerte rapide et d'informations sur l'alimentation.
Jusqu'¨¤ ce jour, 40 millions de dollars ont ¨¦t¨¦ allou¨¦s ¨¤ l'agriculture dans 57 pays les plus touch¨¦s. Toutes les mesures de l'Initiative sur la lutte contre la flamb¨¦e des prix des denr¨¦es alimentaires apportent essentiellement des fonds de d¨¦part puisqu'elle a ¨¦t¨¦ principalement con?ue pour jouer un r?le catalyseur et promouvoir l'aide internationale. Sous sa forme pr¨¦sente, l'Initiative vise ¨¤ couvrir les besoins les plus imm¨¦diats, ¨¤ se concentrer sur les pays les plus pauvres et ¨¤ donner plus de moyens aux producteurs pauvres pour augmenter leur production agricole lors des prochaines saisons de plantation. Les mesures propos¨¦es couvrent une courte dur¨¦e, environ 18 mois jusqu'¨¤ la fin 2009.
Lors de la mise en ?uvre de l'Initiative, l'accent a ¨¦t¨¦ mis sur l'int¨¦gration de nouvelles mesures dans les programmes existants, leur mise en place sur une plus grande ¨¦chelle et l'harmonisation des efforts avec le Programme alimentaire mondial, le Fonds international de d¨¦veloppement agricole, les institutions des Nations Unies et de Bretton Woods, l'Union africaine, le Nouveau partenariat pour le d¨¦veloppement de l'Afrique (nepad) et le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (cgiar). Plus important, l'initiative est int¨¦gr¨¦e au Cadre d'action global sous l'¨¦gide de l'?quipe sp¨¦ciale de haut niveau des Nations Unies consacr¨¦e ¨¤ la crise alimentaire mondiale, dont je suis le vice-pr¨¦sident.

LE PROGRAMME DE LUTTE CONTRE LA FAIM
Alors qu'il a ¨¦t¨¦ difficile de pr¨¦voir la rapidit¨¦ et la gravit¨¦ de la crise actuelle, il est clair que les progr¨¨s ont ¨¦t¨¦ insuffisants pour garantir la s¨¦curit¨¦ alimentaire pour tous. La FAO a signal¨¦ ce probl¨¨me ¨¤ maintes reprises9,10. Nous avons fait des propositions pour am¨¦liorer la situation, parmi lesquelles figure le Programme de lutte contre la faim - un plan d'aide pour atteindre l'objectif du Sommet mondial de l'alimentation de 2002 visant ¨¤ r¨¦duire de moiti¨¦ le nombre de personnes souffrant de malnutrition d'ici ¨¤ 2015.
Durant la pr¨¦paration du Programme de lutte contre la faim en 200311, nous avons estim¨¦ qu'un investissement de 24 milliards serait n¨¦cessaire chaque ann¨¦e pour atteindre cet objectif. Cette somme, r¨¦partie entre cinq domaines d'action diff¨¦rents pour am¨¦liorer la productivit¨¦ agricole et l'acc¨¨s aux denr¨¦es alimentaires dans les pays en d¨¦veloppement, devrait selon les estimations engendrer un b¨¦n¨¦fice global de 120 milliards de dollars. Apr¨¨s avoir revu ces estimations en tenant compte de l'inflation, le montant total annuel de l'investissement s'¨¦l¨¨ve d¨¦sormais ¨¤ 30,5 milliards de dollars.
L'am¨¦lioration de la productivit¨¦ agricole dans les communaut¨¦s rurales pauvres (2,9 milliards de dollars par an) : Am¨¦liorer le travail des petites exploitations agricoles dans les communaut¨¦s rurales et p¨¦riurbaines pauvres est l'un des moyens les plus efficaces et les plus durables pour faire reculer la faim en augmentant la quantit¨¦ et en am¨¦liorant la qualit¨¦ des produits alimentaires disponibles au niveau local. Cette strat¨¦gie jette aussi les bases d'une croissance ¨¦conomique ¨¦quitable. Au minimum, une meilleure performance permet d'am¨¦liorer les disponibilit¨¦s alimentaires et la nutrition des familles agricoles - et de jouir d'une vie bien remplie, d'apprendre et de travailler efficacement et de contribuer au bien-¨ºtre g¨¦n¨¦ral. Ses autres avantages sont d'accro¨ªtre et de diversifier les disponibilit¨¦s alimentaires sur les march¨¦s locaux, de cr¨¦er une base pour l'expansion et la diversification d'une production agricole orient¨¦e vers le commerce, de cr¨¦er des emplois et de ralentir l'exode rural. Pour mettre en place un tel projet, une injection initiale de pr¨ºts ou de subventions correspondantes est n¨¦cessaire pour permettre aux petits cultivateurs de d¨¦velopper des fermes productives. Le co?t moyen des investissements requis pour entamer un processus durable de modernisation d'une exploitation peut ¨ºtre estim¨¦ ¨¤ environ 600 dollars par famille. En g¨¦n¨¦ral, ce capital de d¨¦marrage finance les vari¨¦t¨¦s de semences am¨¦lior¨¦es, les plants, le fumier ou les engrais, les petits travaux et le petit mat¨¦riel agricole, comme le nivellement des terres et les pompes ¨¤ p¨¦dale; l'¨¦levage de poulets, de b¨¦tail ou de ch¨¨vres, ou bien contribue ¨¤ des activit¨¦s dict¨¦es par la communaut¨¦ pour am¨¦liorer la s¨¦curit¨¦ alimentaire, comme la cr¨¦ation de jardins dans les ¨¦coles et les services parajuridiques. Pour garantir la durabilit¨¦, les agriculteurs qui participent ¨¤ des programmes de ce type remboursent le capital initial ¨¤ des associations d'¨¦pargne et de pr¨ºts ou ¨¤ des fonds renouvelables g¨¦r¨¦s par les communaut¨¦s, ce qui permet de r¨¦investir les b¨¦n¨¦fices tir¨¦s du surcro¨ªt de production.
Pour r¨¦ussir, la mise en valeur des exploitations agricoles doit s'inscrire dans un environnement g¨¦n¨¦ral propice ¨¤ la croissance du secteur, ¨¦tay¨¦ par des instituts de recherche et de vulgarisation sachant r¨¦pondre aux besoins identifi¨¦s au niveau local. Bien souvent, la r¨¦ussite d¨¦pend aussi d'am¨¦liorations ext¨¦rieures ¨¤ l'exploitation, comme les routes et l'irrigation.
Pour soutenir et ¨¦largir le processus, il faut cr¨¦er des institutions communautaires autonomes capables de prendre en charge la s¨¦curit¨¦ alimentaire de tous leurs membres, de r¨¦investir les profits dans de nouvelles am¨¦liorations et d'¨¦tablir des liens avec d'autres communaut¨¦s. Les communaut¨¦s regroup¨¦es autour d'un objectif commun peuvent ainsi exercer des demandes effectives croissantes sur un ¨¦ventail plus large de services et d'infrastructures n¨¦cessaires pour leur permettre d'acqu¨¦rir une plus grande capacit¨¦ d'adaptation aux crises, ainsi que d'augmenter leurs gains.
Le d¨¦veloppement et la conservation des ressources naturelles (9,5 milliards de dollars par an) : La terre, l'eau, les plantes et les ressources g¨¦n¨¦tiques et animales permettent ¨¤ l'agriculture, ¨¤ la p¨ºche et aux for¨ºts de contribuer ¨¤ la production alimentaire et au d¨¦veloppement rural. L'association de ces facteurs ¨¤ des technologies appropri¨¦es, des capitaux, de la main-d'?uvre, des infrastructures et des institutions renforce leur productivit¨¦. L'association des ressources et du savoir-faire a permis ¨¤ la production alimentaire mondiale de d¨¦passer la demande croissante malgr¨¦ la diminution des disponibilit¨¦s en terres et en eau par habitant et la destruction des ressources g¨¦n¨¦tiques. Pour satisfaire la demande vivri¨¨re ¨¤ l'avenir, les accroissements de production devront provenir essentiellement d'une utilisation intensifi¨¦e et plus efficace des moyens de production limit¨¦s. Dans le m¨ºme temps, des mesures doivent ¨ºtre prises pour mettre un terme ¨¤ la destruction et ¨¤ la d¨¦gradation des ressources naturelles. On estime ¨¤ 9,5 milliards de dollars les sommes suppl¨¦mentaires que le secteur public devrait investir chaque ann¨¦e dans les ressources naturelles (terre, eau, ressources g¨¦n¨¦tiques animales et v¨¦g¨¦tales, p¨ºche et for¨ºts) afin d'atteindre d'ici ¨¤ 2015 l'objectif du Sommet mondial de l'alimentation fix¨¦ en 2002. Il est clair que ce chiffre est nettement en-de?a des besoins, ¨¦tant donn¨¦ les d¨¦fis que posent le changement climatique et la bio¨¦nergie.

Le renforcement des infrastructures et l'¨¦largissement de l'acc¨¨s aux march¨¦s (10 milliards de dollars par an) : Pendant les ann¨¦es 1990, de nombreux pays en d¨¦veloppement ont investi des sommes consid¨¦rables dans l'infrastructure urbaine. Ces investissements ont contribu¨¦ ¨¤ am¨¦liorer les conditions de vie et ¨¤ augmenter la productivit¨¦; pourtant, les zones rurales de la majorit¨¦ des pays en d¨¦veloppement ont encore des services insuffisants et une infrastructure qui se d¨¦t¨¦riore. Ces carences se sont traduites par une baisse de la comp¨¦titivit¨¦ de l'agriculture des pays en d¨¦veloppement sur les march¨¦s int¨¦rieurs et internationaux, et ont augment¨¦ les co?ts d'approvisionnement du march¨¦ national en expansion.
Pour inverser la tendance ¨¤ la baisse de la part des pays en d¨¦veloppement dans les exportations agricoles mondiales, ce qui est essentiel pour am¨¦liorer les revenus ruraux, de nombreux pays en d¨¦veloppement devront redoubler d'efforts pour att¨¦nuer les contraintes qui limitent l'offre int¨¦rieure. Si les contraintes d'infrastructure ne sont pas surmont¨¦es, les pays en d¨¦veloppement risquent de manquer les opportunit¨¦s offertes par les prix des aliments ¨¦lev¨¦s, les nouvelles opportunit¨¦s offertes par les march¨¦s libres ainsi que des nouvelles possibilit¨¦s de production, comme la bio¨¦nergie.
Des mesures doivent ¨ºtre prises d'urgence pour am¨¦liorer et d¨¦velopper les routes dans les zones rurales et assurer leur maintien et cr¨¦er des infrastructures de base afin de stimuler les investissements du secteur priv¨¦ pour la commercialisation, la distribution et la transformation des aliments. Les investissements dans les infrastructures rurales destin¨¦s ¨¤ am¨¦liorer l'acc¨¨s aux march¨¦s serviront non seulement ¨¤ compl¨¦ter les niveaux d'accroissement projet¨¦s de la production agricole, mais aussi ¨¤ amplifier et ¨¤ g¨¦n¨¦raliser les avantages socio-¨¦conomiques.
Selon les estimations, l'investissement public suppl¨¦mentaire requis pour atteindre l'objectif fix¨¦ lors du Sommet mondial de l'alimentation de 2002 s'¨¦l¨¨ve ¨¤ 10 milliards de dollars, aux prix de 2002. Ce montant comprend la construction de nouvelles routes rurales (6,6 milliards de dollars) et la mise en place des infrastructures pour am¨¦liorer l'acc¨¨s aux march¨¦s (1,1 milliard de dollars pour les moyens de transport, l'entreposage, les installations frigorifiques, l'emballage pour satisfaire aux normes de qualit¨¦ et de s¨¦curit¨¦ des aliments, les abattoirs, les ports de p¨ºche, etc.), ainsi que le maintien et la r¨¦habilitation (respectivement 1,8 milliard et 40 millions). ? cela s'ajoutent 300 millions de dollars pour couvrir les co?ts de renforcement des capacit¨¦s, l'appui aux politiques, le renforcement des institutions et le d¨¦veloppement des mesures phyto et zoosanitaires. Il faudra aussi 160 millions de dollars pour am¨¦liorer la s¨¦curit¨¦ alimentaire.
Ces estimations se r¨¦f¨¦raient au moyen terme quand les prix des intrants et des extrants ¨¦taient plus bas. ?tant donn¨¦ que le changement climatique d¨¦t¨¦riorera la base des ressources agricoles dans de nombreux pays en d¨¦veloppement, il faudra am¨¦liorer significativement l'infrastructure pour pouvoir compl¨¦ter la baisse de la production locale par des approvisionnements ext¨¦rieurs. Il faudra ¨¦galement am¨¦liorer les infrastructures pour pr¨¦server et d¨¦velopper la base des ressources. Cela comprend la fourniture de mat¨¦riel d'irrigation, de machines, d'engrais, etc.
Le renforcement des capacit¨¦s et de diffusion des connaissances (1,43 milliard de dollars par an) : Pour r¨¦ussir ¨¤ am¨¦liorer rapidement les moyens d'existence et la s¨¦curit¨¦ alimentaire gr?ce ¨¤ des investissements sur les exploitations agricoles, il faut que les petits agriculteurs aient acc¨¨s aux connaissances pertinentes. Cela suppose de mettre en place des syst¨¨mes efficaces de production et de diffusion des connaissances pour renforcer les liens entre les agriculteurs, les ¨¦ducateurs agricoles, les chercheurs, les vulgarisateurs et les sp¨¦cialistes de la communication. Le d¨¦veloppement de la recherche et des technologies agricoles sera probablement dict¨¦ de plus en plus par le secteur priv¨¦, en particulier par les fournisseurs d'intrants et les soci¨¦t¨¦s qui ach¨¨tent des produits agricoles.
Il reste toutefois de nombreux domaines de recherche fondamentale dont les retomb¨¦es seront utiles ¨¤ d'autres que ceux qui auront financ¨¦ les travaux sans qu'il soit pour autant possible de les en emp¨ºcher. Les entreprises du secteur priv¨¦ ne sont donc pas dispos¨¦es ¨¤ conduire des recherches dans des domaines comme la lutte contre les ravageurs, les mesures visant ¨¤ am¨¦liorer l'efficacit¨¦ d'utilisation des intrants (par ex. l'utilisation des engrais) ou la conservation des ressources g¨¦n¨¦tiques. C'est donc au secteur public que revient la responsabilit¨¦ de la recherche dans ces domaines.
Compte tenu de l'exp¨¦rience tr¨¨s positive du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (gcrai) qui g¨¨re un r¨¦seau international de centres de recherche, il y a tout lieu d'inverser le d¨¦clin des financements qui a p¨¦nalis¨¦ le syst¨¨me. Un financement suppl¨¦mentaire de 450 milliards de dollars par an renforcerait consid¨¦rablement l'efficacit¨¦ de ce syst¨¨me en lui permettant de continuer ¨¤ remplir une fonction essentielle d'appui au processus de d¨¦veloppement des technologies dans les pays en d¨¦veloppement. Les efforts d¨¦ploy¨¦s ¨¤ l'¨¦chelle internationale devraient ¨ºtre accompagn¨¦s de mesures pour renforcer les capacit¨¦s nationales. L'am¨¦lioration des syst¨¨mes de recherche n¨¦cessite un investissement additionnel estim¨¦ ¨¤ 450 millions de dollars par an pour renforcer les capacit¨¦s du personnel et moderniser les installations et les ¨¦quipements.
Si l'on veut am¨¦liorer l'efficacit¨¦ de la vulgarisation agricole, il faut en g¨¦n¨¦ral d¨¦centraliser les services et les rendre plus sensibles aux besoins des agriculteurs. Il faut cr¨¦er les conditions propices ¨¤ l'apparition de multiservices, comprenant non seulement les services relevant du secteur public, mais aussi ceux assur¨¦s par les ong et par le secteur priv¨¦. Les investissements seront destin¨¦s principalement ¨¤ l'introduction de r¨¦formes institutionnelles et aux activit¨¦s connexes, comme la formation d'agents de vulgarisation et notamment des agriculteurs qui peuvent assumer, ¨¤ moyen terme, une grande partie des responsabilit¨¦s en mati¨¨re de facilitation des processus d'apprentissage collectif. Des investissements seront ¨¦galement n¨¦cessaires dans la pr¨¦paration du mat¨¦riel de vulgarisation et de formation et dans les moyens de transport. Les besoins en financements publics suppl¨¦mentaires s'¨¦l¨¨vent au total ¨¤ 400 millions de dollars par an. D'autres mesures comprennent l'am¨¦lioration de l'infrastructure des communications dans les zones rurales et l'¨¦ducation sur la nutrition, dont le co?t total est estim¨¦ ¨¤ 130 millions de dollars par an.
Des filets de s¨¦curit¨¦ et autres types d'assistance directe pour garantir aux plus d¨¦munis un acc¨¨s ¨¤ la nourriture (6,6 milliards de dollars par an) : Garantir aux pauvres un acc¨¨s direct ¨¤ la nourriture est un imp¨¦ratif, non seulement pour des raisons humanitaires et pour respecter le droit ¨¤ la nourriture, mais aussi parce que c'est un investissement productif qui peut contribuer dans une large mesure ¨¤ l'¨¦radication de la pauvret¨¦. La n¨¦cessit¨¦ de cette assistance ne dispara¨ªt pas avec le d¨¦veloppement ¨¦conomique, mais elle est r¨¦orient¨¦e vers une assistance temporaire durant les p¨¦riodes de crise.
Tous les gouvernements qui ont pris l'engagement d'atteindre l'objectif du Sommet mondial de l'alimentation doivent mettre en place des programmes qui garantissent ¨¤ leurs citoyens un acc¨¨s ¨¤ une nourriture suffisante, dans les cas o¨´ les m¨¦canismes de survie traditionnels de la communaut¨¦ et de la famille ¨¦largie, les m¨¦canismes du march¨¦ et le processus de croissance ¨¦conomique ne suffisent pas. Plusieurs options sont possibles :
Les programmes d'alimentation directe cibl¨¦s. Ils comprennent les repas scolaires, l'alimentation des femmes enceintes et de celles qui allaitent, ainsi que des enfants de moins de cinq ans, distribu¨¦s dans des centres de sant¨¦ primaire, des soupes populaires et les cantines sp¨¦ciales. De tels programmes contribuent ¨¤ revaloriser les ressources humaines en aidant les enfants ¨¤ fr¨¦quenter l'¨¦cole, et en am¨¦liorant la sant¨¦ et l'¨¦tat nutritionnel des m¨¨res et des nourrissons. Ils r¨¦duisent les maladies li¨¦es ¨¤ la malnutrition et la mortalit¨¦ parmi les enfants, augmentent l'esp¨¦rance de vie et contribuent ¨¤ la baisse des taux de natalit¨¦. Selon des estimations r¨¦centes de l'Organisation mondiale de la sant¨¦, environ 30 % des enfants de moins de cinq ans (soit pr¨¨s de 200 millions d'enfants) sont plus vuln¨¦rables ¨¤ la maladie et plus expos¨¦s ¨¤ une mort pr¨¦coce pour cause de sous-alimentation.
Les programmes ? Vivres contre travail ?. Dans de nombreux pays en d¨¦veloppement, un grand nombre de ruraux sont des cultivateurs pratiquant une agriculture de subsistance ou des cultivateurs ne parvenant pas ¨¤ subvenir ¨¤ leurs besoins ou produisant ¨¤ peine de quoi nourrir leur famille pendant une partie de l'ann¨¦e. Ces programmes apportent un soutien ¨¤ ces m¨¦nages tout en cr¨¦ant des infrastructures, comme l'irrigation ¨¤ petite ¨¦chelle, les routes rurales, les centres de sant¨¦ et les ¨¦coles.
Les programmes de transfert du revenu. Ceux-ci peuvent ¨ºtre en esp¨¨ces ou en nature, notamment bons d'alimentation, rations subventionn¨¦es ou autres formes de ciblage des m¨¦nages pauvres. Ces programmes sont aussi des m¨¦canismes efficaces pour accro¨ªtre le pouvoir d'achat et am¨¦liorer l'apport alimentaire des m¨¦nages. Selon de nouvelles estimations, les programmes visant ¨¤ garantir l'acc¨¨s ¨¤ une nourriture suffisante aux 214 millions de personnes les plus d¨¦favoris¨¦es sur le plan nutritionnel dans le monde co?teront 6,6 milliards de dollars par an. Sur ce montant, environ 1,6 milliard de dollars serviront ¨¤ financer un programme d'alimentation en institution cibl¨¦ sur les enfants scolaris¨¦s les plus d¨¦favoris¨¦s. Si, selon les pr¨¦visions, les prix des aliments restent ¨¦lev¨¦s dans le court et moyen terme, les programmes de financement du revenu, ? Vivres contre le travail ? et ceux d'alimentation directe cibl¨¦s devront augmenter consid¨¦rablement.

La chine et l'inde : mettre fin ¨¤ un mythe

Il est clair que les ¨¦conomies ¨¦mergentes, comme la Chine et l'Inde, jouent un r?le important dans l'offre et la demande mondiales des produits agricoles. Ces deux pays comptent pr¨¨s de 2,5 milliards d'habitants, soit 40 % de la population mondiale et repr¨¦sentent donc une grande partie de la demande alimentaire mondiale. Or rien n'indique que la demande dans l'une ou l'autre de ces ¨¦conomies ait progress¨¦ plus rapidement que par le pass¨¦. En fait, selon les estimations sur la consommation actuelle, la demande a ¨¦t¨¦ inf¨¦rieure. Il y a toutefois lieu de douter de la fiabilit¨¦ des statistiques sur la consommation alimentaire nationale, un probl¨¨me fr¨¦quent dans les estimations de consommation, m¨ºme dans les pays qui disposent de syst¨¨mes statistiques tr¨¨s ¨¦labor¨¦s. Mais des statistiques commerciales beaucoup plus fiables appuient les r¨¦sultats des tendances de consommation. Les importations de c¨¦r¨¦ales de la Chine et de l'Inde ont m¨ºme baiss¨¦ d'environ 4 % par an depuis 1980, passant d'environ 14 millions de tonnes au d¨¦but des ann¨¦es 1980 ¨¤ pr¨¨s de 6 millions ces trois derni¨¨res ann¨¦es.

La situation est un peu diff¨¦rente pour les graines ol¨¦agineuses, un secteur o¨´ la Chine a ¨¦t¨¦ un principal acheteur au cours des dix derni¨¨res ann¨¦es, en particulier pour le soja. Mais alors que la Chine est devenue un grand importateur de graines ol¨¦agineuses, d'huiles v¨¦g¨¦tales et de produits d'¨¦levage, la balance commerciale agricole est rest¨¦e largement positive depuis le milieu des ann¨¦es 1990. Le d¨¦veloppement ¨¤ long terme de la position commerciale de l'Inde va ¨¦galement ¨¤ l'encontre de l'id¨¦e selon laquelle l'Inde est l'un des pays qui a contribu¨¦ ¨¤ la hausse des prix des denr¨¦es alimentaires. L'Inde a ¨¦t¨¦ un pays exportateur de denr¨¦es alimentaires important et entre 1995 et 2007 a export¨¦ plus de bl¨¦, de riz et de viande qu'elle n'en a import¨¦. M¨ºme ses importations relativement importantes d'huiles v¨¦g¨¦tales doivent ¨ºtre consid¨¦r¨¦es dans le contexte des exportations tout aussi importantes de tourteaux ol¨¦agineux. En fait, ni pour la Chine ni pour l'Inde, il n'y a lieu de penser qu'une augmentation soudaine des importations de graines ol¨¦agineuses, de farines et d'huiles a contribu¨¦ ¨¤ la flamb¨¦e des prix, qui a commenc¨¦ ¨¤ la mi-2007 apr¨¨s l'envol¨¦e des prix des c¨¦r¨¦ales (du ma?s en particulier) l'ann¨¦e pr¨¦c¨¦dente. En somme, on ne peut tenir ni la Chine, ni l'Inde responsables de la hausse soudaine des prix dans le secteur des huiles alimentaires. Il ne s'agit pas de minimiser leur r?le ou celui des modifications des modes alimentaires ¨¤ long terme, mais l'¨¦tude de la FAO sert ¨¤ d¨¦mystifier la notion selon laquelle ces pays seraient responsables de la hausse des prix 8 .

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IL FAUT AGIR MANTENANT ! DES OPPORTUNIT?S SANS PR?C?DENT S'OUVRENT Nous disposons suffisamment d'informations sur la crise actuelle, son ampleur et ses causes. Nous connaissons aussi l'impact qu'elle a sur la faim, la pauvret¨¦ et les in¨¦galit¨¦s. Et aussi les d¨¦fis futurs qui se pr¨¦senteront quand la production agricole mondiale devra doubler, alors que les intrants seront plus chers et les ressources plus limit¨¦es, tout en ¨¦tant affect¨¦e par les changements climatiques. Mais dans le m¨ºme temps, une ¨¨re d'opportunit¨¦s sans pr¨¦c¨¦dent pourrait s'ouvrir. Les prix ¨¦lev¨¦s pourraient ¨ºtre une source de profits pour l'agriculture pendant de nombreuses ann¨¦es ¨¤ venir et faire de ce secteur un moyen crucial pour lutter contre la faim. Mais pour y parvenir, nous devons cr¨¦er les conditions qui permettent aux cultivateurs de profiter des prix ¨¦lev¨¦s. La FAO a fait des propositions dans ce sens. Avec un financement ad¨¦quat, l'Initiative sur la flamb¨¦e des prix des aliments contribuera ¨¤ r¨¦pondre aux besoins imm¨¦diats les plus graves, et le Programme de lutte contre la faim contribuera ¨¤ r¨¦pondre aux d¨¦fis ¨¤ long terme. Mais il faut agir d¨¨s maintenant.
Nous remercions Josef Schmidhuber, directeur des ?tudes prospectives mondiales de la FAO pour sa contribution.
Notes 1 OCDE-FAO (2008). OCDE-FAO Perspectives agricoles 2008-2017. OCDE, Paris ; OCDE (2008). Les politiques agricoles dans les pays de l'OCDE, suivi et ¨¦valuation, Paris. 2 FAO (2008a). Perspectives alimentaires -- mai 2008, Rome. 3 Banque mondiale (2008). G8 Hokkaido -- Sommet de Toyako. Un double danger : r¨¦pondre aux prix alimentaires et ¨¤ ceux du p¨¦trole. Washington. DC. 4 FAO (¨¤ venir). L'¨¦tat de l'ins¨¦curit¨¦ alimentaire dans le monde 2008. Rome. 5 FAO (2008b). L'unit¨¦ d'analyse de la s¨¦curit¨¦ alimentaire pour la Somalie. Rapport trimestriel sur la s¨¦curit¨¦ alimentaire et la nutrition. Mai 2008. Rome. 6 Schmidhuber, J. (2006). Impact of an increased biomass use on agricultural markets, prices and food security: a longer-term perspective. Article pr¨¦sent¨¦ lors du Symposium international de Notre Europe, Paris, 17-19 novembre. 7. von Braun, J. (2007). The World Food Situation. New Driving Forces and Required Actions, Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), Washington. 8 FAO (2008c). La situation des march¨¦s des produits agricoles 2008. Rome. 9 FAO (2005). L'¨¦tat de l'ins¨¦curit¨¦ alimentaire dans le monde 2005. ?radiquer la faim dans le monde pour r¨¦aliser les Objectifs du Mill¨¦naire pour le d¨¦veloppement. Rome. 10 FAO (2006). L'¨¦tat de l'ins¨¦curit¨¦ alimentaire dans le monde 2005. ?radiquer la faim dans le monde - bilan 10 ans apr¨¨s ; Sommet mondiale de l'alimentation. Rome. 11 FAO (2003). Programme de lutte contre la faim. Une approche double pour r¨¦duire la faim : les priorit¨¦s pour une action nationale et internationale. Rome.

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