6 janvier 2016

? la lumière de la célébration récente du 70e anniversaire des Nations Unies et de l’adoption remarquable des 17 objectifs de développement durable (ODD), il est nécessaire de prendre un temps de réflexion et de reconna?tre l’accomplissement historique de l’inclusion de l’ODD 7 relatif à l’énergie dans le nouveau programme. Ce n’est rien d’autre qu’une démonstration de l’influence des Nations Unies et de ses ?tats Membres sur des questions mondiales importantes ainsi que dans l’élaboration de nouvelles normes et de nouvelles valeurs universelles en plus de leur r?le dans le règlement des nombreux problèmes mondiaux rencontrés aujourd’hui dans les débats politiques, économiques et environnementaux.

L’énergie fait depuis longtemps partie du débat mondial dont l’histoire reflète les points de vue divergents que les Nations Unies considèrent depuis des décennies. L’ODD 7 est le résultat de ce long parcours et une étape importante dans les efforts déployés par l’Organisation pour relever les défis sociaux, environnementaux, économiques et politiques liés à la production et la distribution de l’énergie ainsi que l’accès aux services énergétiques. L’ODD 7 vise à ? garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes à un co?t abordable ?. Au cours des dernières décennies, alors que l’ONU se penchait sur l’inefficacité relative des énergies conventionnelles et leurs effets néfastes sur le climat, la production et la consommation énergétiques ont acquis une connotation négative, celle d’être considérées comme responsables des problèmes environnementaux. En même temps, de nombreux aspects positifs importants de l’utilisation de l’énergie, qui sont essentiels pour promouvoir les biens publics, comme le développement, la justice sociale et l’intégration plus équitable dans le processus de modernisation, ont été évincés par la priorité donnée aux effets néfastes des approches conventionnelles sur l’environnement.

Ces deux points de vue ont souvent divisé le Nord et le Sud, reflétant leurs priorités conflictuelles dans le secteur énergétique. Du programme d’action des Nations Unies Action 21 (1999)1, qui comprend un chapitre sur l’énergie, à la neuvième session de la Commission du développement durable (2001)2 en passant par le Sommet mondial pour le développement durable Rio+103 en 2002, l’énergie a été une question extrêmement litigieuse. Tandis que pour certains l’énergie était per?ue comme un ? bien social et économique ?, pour d’autres elle était la source des problèmes environnementaux. C’est dans ce contexte que, suite à la Déclaration du millénaire4, elle n’a pas été incluse dans les objectifs du Millénaire pour le développement, devenant l’objectif manquant des OMD. Or, l’énergie en soi n’a jamais été le problème. Le problème réside dans la manière dont elle est produite, transportée et commercialisée, en particulier en ce qui concerne les émissions mondiales de carbone. Et ce n’est là que l’un des aspects. Le Secrétaire général Ban Ki-moon a lancé l’initiative ?nergie durable pour tous pour réorienter le débat sur l’importance de l’énergie dans un programme de développement durable mondial tout en soulignant la nécessité de protéger l’environnement. C’est ainsi que le système des Nations Unies, les banques multilatérales de développement ainsi que de nombreux autres partenaires ont été sollicités pour appuyer la réalisation des résultats au niveau national. Dans la nouvelle perspective énergétique mondiale, qui s’est traduite dans les ODD approuvés6, l’énergie est considérée comme une partie essentielle du programme de développement durable intégré. Cette victoire, obtenue après une rude bataille, offrira des possibilités importantes pour le développement et le progrès social dans le monde.

Pour mieux comprendre, examinons l’ODD 7 et ses cibles spécifiques à l’horizon de 20307:

  • Garantir à tous des services énergétiques fiables, durables et modernes à un co?t abordable;
  • Accro?tre considérablement la part de l’énergie renouvelable dans le bouquet énergétique mondial;
  • Multiplier par deux le taux mondial d’amélioration de l’efficacité énergétique;
  • Renforcer la coopération internationale en vue de faciliter l’accès à la recherche et aux technologies relatives à l’énergie propre, notamment l’énergie renouvelable, l’efficacité énergétique ainsi que les nouvelles technologies relatives aux combustibles fossiles plus propres, et promouvoir l’investissement dans l’infrastructure énergétique et les technologies relatives à l’énergie propre;
  • Développer l’infrastructure et améliorer la technologie afin d’approvisionner en services énergétiques modernes et durables tous les habitants des pays en développement, en particulier des pays les moins avancés, des petits ?tats insulaires en développement et des pays en développement sans littoral, dans le respect des programmes d’aide qui les concernent.
  • En quoi ce programme de développement est-il différent et pourquoi l’énergie est-elle aujourd’hui un objectif spécifique ? Il y a plusieurs raisons, dont les principales sont les suivantes :
  • Il reconna?t que l’adoption de systèmes énergétiques plus durables est une nécessité mondiale et non pas un problème entre le Nord et le Sud.
  • Il reconna?t qu’une utilisation accrue des énergies renouvelables et une meilleure efficacité énergétique dans l’utilisation de l’énergie fossile sont importantes et ne s’excluent pas l’une l’autre.
  • Il reflète le fait que les solutions seront différentes selon les pays, en fonction de leur infrastructure énergétique, des conditions géographiques et des technologies disponibles pour éliminer les goulets d’étranglement.
  • Il souligne le fait que l’accès aux services énergétiques est essentiel pour le développement et non pas l’énergie en soi.

L’énergie est utilisée, entre autres, pour l’éclairage, le chauffage, la climatisation, l’alimentation des moteurs et le transport. Garantir l’accès de tous à ces services modernes, en particulier des pauvres, permet de créer des emplois et des possibilités de revenus, d’améliorer les écoles, de permettre aux h?pitaux de fournir des services de meilleure qualité, de soutenir les systèmes agricoles qui bénéficient du pompage de l’eau et, donc, d’améliorer les conditions de vie, en particulier celles des femmes et des filles, atténuant la pauvreté qui existe là où l’énergie moderne n’est pas disponible, fiable ou à un co?t abordable.

Ce programme de développement est différent des autres, car les ODD sont intégrés, liant les progrès en matière de services énergétiques à ceux des autres ODD, ce qui apportera un appui aux initiatives sectorielles menées par les gouvernements. Cela encouragera aussi les nombreuses institutions du système des Nations Unies à collaborer afin d’éviter la fragmentation du sujet. Cette décision historique a eu lieu gr?ce à la reconnaissance mondiale que les approches énergétiques actuelles ne sont pas une solution viable en termes économiques, environnementaux et sociaux face à la croissance démographique mondiale et à la demande en services énergétiques, toujours plus importante.

Prenons, par exemple, l’utilisation de l’énergie pour la cuisson et les aspects se rapportant aux femmes et à la santé. Pour les familles qui utilisent pour la cuisson des combustibles fossiles traditionnels, comme le bois, le charbon ou les déchets agricoles, l’accès à des services énergétiques modernes est une question de santé. La réduction de la pollution de l’air intérieur améliore les moyens de subsistance, car elle réduit l’incidence des problèmes respiratoires. Il s’agit d’une question sexospécifique, car ce type de pollution affecte directement les femmes et les enfants, qui sont souvent ceux qui se trouvent près des fourneaux et sont donc victimes de la fumée nocive. L’utilisation de sources d’énergie modernes et plus propres pour la cuisson présente d’autres avantages. Moins de temps est consacré au ramassage ou à l’achat de combustibles fossiles, les enfants sont scolarisés et les femmes génèrent des moyens de subsistance et des revenus en menant d’autres activités productives.

Le plan stratégique mondial du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), approuvé par les ?tats Membres, est en phase directe avec l’ODD 7. Il traite de l’accès durable à l’énergie et de l’efficacité accrue en matière énergétique, se concentrant sur la mise en place de ? cadres politiques et réglementaires et capacités institutionnelles visant à accro?tre considérablement l’efficacité en matière énergétique, ainsi qu’à développer des services à faible émission de carbone et d’énergies renouvelables, au niveau national. [Il a pour objectif] de réduire les risques liés à l’investissement, d’élargir et d’approfondir les marchés et de renforcer les capacités des secteurs privé et public en vue de développer les investissements8? ?. Cela comprend le soutien aux énergies renouvelables ainsi que les transformations du marché et des politiques nécessaires pour accro?tre la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique mondial. L’efficacité énergétique est un moyen de promouvoir des économies et une concurrence saines, en particulier dans les zones rurales, y compris dans les b?timents publics et en adaptant les codes et les normes à la nouvelle infrastructure. Traiter la question de l’accès à l’énergie montre la nécessité de fournir des outils à des fins productives, d’améliorer les moyens de subsistance et de promouvoir l’inclusion sociale, en particulier des populations marginalisées. Si les activités programmatiques sont légèrement différentes dans chaque région du monde, ces domaines ciblés de l’ODD 7 sont tous reflétés dans le Plan stratégique du PNUD.

Dans les pays d’Amérique latine et des Cara?bes (ALC), des progrès importants ont été réalisés lorsque l’on les considère dans le contexte mondial. L’accès à l’électricité est estimé à 96 % dans la région contre seulement 85 % dans le monde. La région se situe dans le 86e? centile en ce qui concerne l’accès aux combustibles modernes pour la cuisson, un classement supérieur à la moyenne mondiale de 59 %. En matière d’efficacité énergétique, les indicateurs ont progressé de manière constante au cours des 22 dernières années et, en 2012, le taux d’amélioration dans la région était 43 fois supérieur à celui de 1990. La région ALC est le leader mondial des énergies renouvelables, leur part ayant atteint près de 28 % de la consommation énergétique totale par rapport à la moyenne mondiale de 18 %9. De nombreux pays des Cara?bes appellent à une utilisation accrue des énergies renouvelables pour protéger les écosystèmes, moderniser le secteur et tirer parti des nouvelles technologies.

Malgré ce progrès, on observe certains points de stagnation où le programme des ODD peut contribuer à surmonter les obstacles.

  • L’accès : entre 2010 et 2012, le taux de croissance moyen des ménages ayant accès à l’électricité dans la région est resté inchangé à moins de 1 %, et n’a donc pas suivi la croissance démographique. Le taux d’accès aux combustibles modernes pour la cuisson a, en fait, diminué d’une fraction de point. L’analyse des données effectuée par l’Organisation latino-américaine de l’énergie (OLADE) et la Banque interaméricaine de développement (BIP) montre que si des taux d’électricité supérieurs ont été atteints, le nombre de nouvelles connexions a été faible dans chaque pays10 en raison de la difficulté d’accès des établissements les plus éloignés et les plus pauvres et du co?t d’installation plus élevé. Nous ne pourrons donc pas garantir l’accès universel sans une nouvelle approche. Par exemple, l’électrification rurale associée à la fourniture des services d’éducation et de santé dans le cadre des ODD est nécessaire pour franchir la dernière longueur11.
  • L’efficacité : si la région enregistre des progrès constants, le taux d’amélioration global est inférieur à 1 % (seulement 0,82 %), nettement inférieur à la moyenne mondiale de 1,7 %. Le Mexique et le Brésil faisant partie des 20 plus grands consommateurs d’énergie dans le monde, il reste encore beaucoup à faire pour accro?tre l’efficacité énergétique12. C’est particulièrement vrai si l’on considère les processus d’urbanisation dans la région, ce qui témoigne encore une fois de l’importance d’une approche intégrée.
  • Les énergies renouvelables :? en raison du niveau d’investissements élevé dans les ressources hydroélectriques depuis les années 1960, l’Amérique latine produit une électricité très propre par rapport au reste du monde. En effet, près de 56 % de sa production énergétique vient des énergies renouvelables, y compris l’hydroélectricité. Toutefois, la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique totale est seulement de 28 %, due en grande partie à l’absence de sources renouvelables dans le transport. Des politiques progressistes ont permis d’orienter les marchés de l’électricité vers des énergies plus renouvelables en mettant en place des mesures incitatives afin de garantir aux producteurs d’énergie un retour sur investissement et de favoriser le recours à d’autres technologies d’énergies renouvelables comme l’éolien et le solaire. Le transport est l’un des secteurs qui présente des opportunités considérables pour augmenter la part des énergies renouvelables. Si un effort concerté est atteint, cela pourrait avoir des retombées inestimables pour le développement durable13.

Chacun de ces points montre que les systèmes énergétiques ne peuvent pas devenir durables de manière isolée et que les cibles de l’ODD 7 en Amérique latine et dans les Cara?bes ne peuvent pas?être atteintes sans une action concertée. Dans le cadre d’un nouveau programme de développement mondial intégré, l’ODD 7 facilitera le travail dans ces domaines dans de nombreux pays. Les approches politiques nationales intégrées sont essentielles à ce processus.

Nous avons encore un long chemin à parcourir, mais le débat mondial qui a abouti en septembre 2015 à l’approbation du cadre des ODD a permis de reconna?tre que l’énergie était un outil essentiel dans un programme de développement durable. Avec ce nouveau mandat et l’appui ferme des ?tats Membres et des partenaires de développement dans le monde, il est désormais possible d’intégrer des systèmes énergétiques plus durables qui améliorent la vie, promeuvent des sociétés inclusives et résilientes et instaurent un développement durable pour réaliser l’avenir que nous voulons.

Notes

1? Division des Nations Unies pour le développement durable, Action 21 (1992). Disponible sur le site .

2? Documents officiels du Conseil économique et social, Commission du développement durable, Rapport de la neuvième session, 2001, supplément n° 9 (E/2001/29; E/CN.17/2001/19). Disponible sur le site .

3? Rapport du Sommet mondial pour le développement durable, Johannesburg, Afrique du Sud, 26 ao?t-4 septembre 2002, Résolutions adoptées par la Conférence (New York : Publications des Nations Unies, A/CONF.199/20). Disponible sur le site .

4? Résolution A/RES/55/2. Disponible sur le site .

5 ?Pour plus d’information sur les objectifs du Millénaire pour le développement voir .

6? Assemblée générale des Nations Unies, Transformer notre monde : le programme de développement durable à l’horizon 2030, 18 septembre 2015, A/70/L.1. Disponible sur le site .

7? Pour plus d’information sur l’ODD 7 et ses cibles voir .

8? Nations Unies, Conseil exécutif du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Fonds des Nations Unies pour la population et le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets, Projet de plan stratégique du PNUD, 2014-2017, ?voluer avec le monde, New York,?3-14 juin 2013, DP/2013/12, p. 7.

9? Banque internationale pour la reconstruction et le développement, Banque mondiale et Agence internationale de l’énergie, Sustainable Energy for All : Progress toward Sustainable Energy 2015, Global Tracking Framework Summer Report (Washington, 2015), p. 63.

10? Banque interaméricaine de développement et Organisation latino-amé- ricaine de l’énergie, dernière mise à jour : décembre 23, 2013 Disponible sur le site

11? Banque internationale pour la reconstruction et le développement, Banque mondiale et Agence internationale de l’énergie, ?nergie durable pour tous.

12? Ibid.

13? Ibid.

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La?Chronique de l’ONU?ne constitue pas un document officiel. Elle a le privilège d’accueillir des hauts fonctionnaires des Nations Unies ainsi que des contributeurs distingués ne faisant pas partie du système des Nations Unies dont les points de vue ne reflètent pas nécessairement ceux de l’Organisation. De même, les frontières et les noms indiqués ainsi que les désignations employées sur les cartes ou dans les articles n’impliquent pas nécessairement la reconnaissance ni l’acceptation officielle de l’Organisation des Nations Unies.?