20 avril 2020

20 avril 2020 ¡ª Placer les communaut¨¦s au c?ur des efforts, lutter contre la stigmatisation et la discrimination, donner la priorit¨¦ aux plus vuln¨¦rables et tester : la strat¨¦gie de lutte contre l¡¯¨¦pid¨¦mie de virus d¡¯immunod¨¦ficience humaine (VIH) doit inspirer la r¨¦ponse ¨¤ la pand¨¦mie de COVID-19, soutiennent les Nations Unies, convaincues que cette approche ax¨¦e sur le respect des droits de l¡¯homme est une cl¨¦ pour venir ¨¤ bout de la crise actuelle.

? La situation est grave et difficile pour tout le monde. Pour la surmonter, nous devons puiser dans l¡¯exp¨¦rience pr¨¦cieuse tir¨¦e de ripostes ¨¤ d¡¯autres ¨¦pid¨¦mies mondiales comme le VIH, mais aussi l'enraciner dans les droits humains, impliquer les communaut¨¦s et n¡¯oublier personne ?, souligne Winnie Byanyima, Directrice ex¨¦cutive du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (), qui coordonne l¡¯action de 11 institutions onusiennes.

Cette vision doit beaucoup ¨¤ l¡¯¨¦pid¨¦miologiste , fondateur en 1986 du Programme mondial de lutte contre le sida de l¡¯Organisation mondiale de la Sant¨¦ (OMS). Avec le VIH/sida, expliquait-il, ? nous percevons tr¨¨s clairement que si nous ne prot¨¦geons pas les droits de ceux qui sont infect¨¦s, nous nous mettons tous en danger et qu¡¯en garantissant les droits de certains, nous prot¨¦geons les droits de tous ?.

Pour l¡¯ONUSIDA, 40 ans de r¨¦ponse ¨¤ l¡¯¨¦pid¨¦mie de VIH ont g¨¦n¨¦r¨¦ ? des enseignements quant ¨¤ l¡¯importance d¡¯une approche bas¨¦e sur les droits humains afin d¡¯assurer des r¨¦ponses efficaces et ¨¦quilibr¨¦es ?. L¡¯agence onusienne tire de cette exp¨¦rience sept grandes le?ons, rassembl¨¦es dans un destin¨¦ ¨¤ aider les gouvernements, les communaut¨¦s et tous les acteurs impliqu¨¦s dans les plans de riposte au coronavirus.

Impliquer les communaut¨¦s touch¨¦es

C¡¯est la premi¨¨re mesure ¨¤ prendre et c¡¯est un gage d¡¯efficacit¨¦ face ¨¤ l¡¯¨¦pid¨¦mie, affirme l¡¯ONUSIDA. Faire participer les communaut¨¦s frapp¨¦es d¨¨s le d¨¦but de la crise permet d¡¯instaurer la confiance, d¡¯¨¦viter les pr¨¦judices et de garantir le partage fr¨¦quent d¡¯informations.

L¡¯agence salue ¨¤ cet ¨¦gard le travail men¨¦ depuis 2008 par , union internationale d¡¯organisations non gouvernementales dont l¡¯objectif est de ? faire avec les personnes concern¨¦es, plut?t que faire ¨¤ leur place ?. Sur la base de la classification ¨¦tablie par l¡¯ONUSIDA des populations particuli¨¨rement vuln¨¦rables au VIH, l¡¯organisation proc¨¨de notamment ¨¤ des actions de pr¨¦vention, d'information ou de d¨¦pistage par le biais de b¨¦n¨¦voles issus de ces groupes ¨¤ risque.

Dans le m¨ºme esprit, le Programme onusien a publi¨¦ un ¨¤ l¡¯intention des personnes s¨¦ropositives. Elle les avertit que la COVID-19 est ? une maladie ¨¤ prendre au s¨¦rieux ? et les invite ¨¤ respecter ? l¡¯ensemble des mesures pr¨¦ventives ? afin de minimiser leur exposition au coronavirus. ? ? l¡¯instar de la population en g¨¦n¨¦ral, les personnes ?g¨¦es vivant avec le VIH ou les personnes s¨¦ropositives ayant des probl¨¨mes cardiaques ou pulmonaires sont potentiellement expos¨¦es ¨¤ un risque plus ¨¦lev¨¦ de contracter le virus et de d¨¦velopper des sympt?mes plus graves ?, pr¨¦vient-elle.

Pour aller plus loin encore dans l¡¯information aux personnes concern¨¦es, les ¨¦quipes de l¡¯OMS travaillant sur le VIH, l¡¯h¨¦patite et les infections sexuellement transmissibles ont ¨¦labor¨¦ une apportant des r¨¦ponses pr¨¦cises aux questions relatives aux risques d¡¯infection ¨¤ la COVID-19 et ¨¤ l¡¯utilisation des antir¨¦troviraux dans les traitements contre cette maladie.

Lutter contre toutes les formes de stigmatisation et de discrimination

Certains langages et attitudes, violations de la vie priv¨¦e et approches criminelles peuvent mener ¨¤ la stigmatisation et la discrimination de personnes, constate l¡¯ONUSIDA, mettant notamment en garde contre les attaques visant des groupes marginalis¨¦s, qui les emp¨ºchent d¡¯avoir acc¨¨s aux soins.

Dans une r¨¦cente tribune, le Dr Leo Zekeng, Directeur de l¡¯ONUSIDA pour la Tanzanie, s¡¯¨¦l¨¨ve contre l¡¯utilisation de l¡¯expression ? virus chinois ? pour d¨¦signer le coronavirus. Selon ce sp¨¦cialiste des dispositifs de lutte contre le VIH et le virus Ebola, ? ce type de discours, qui associe le virus ¨¤ un lieu ou ¨¤ une population sp¨¦cifique, peut entra?ner la discrimination de certains groupes, bien que nous courrions tous le m¨ºme risque de contracter ou diffuser la maladie si les mesures appropri¨¦es pour la contenir ne sont pas pleinement mises en ?uvre ?.

Parmi les populations r¨¦guli¨¨rement stigmatis¨¦es, l¡¯agence onusienne alerte sur le sort des professionnel(le)s du sexe. Au c?t¨¦ du R¨¦seau mondial des projets sur le travail du sexe (NSWP), elle au respect des droits humains de ces personnes ¨¤ fort risque face au VIH, qui sont confront¨¦es ¨¤ une perte totale de revenus du fait du confinement ainsi qu¡¯¨¤ une hausse de la discrimination et du harc¨¨lement. ? Leur vuln¨¦rabilit¨¦ augmente au point de ne plus ¨ºtre en mesure de subvenir ¨¤ leurs besoins ni ¨¤ ceux de leur famille ?, note-t-elle en demandant, entre autres mesures, que ces populations b¨¦n¨¦ficient d¡¯un acc¨¨s aux plans nationaux de protection sociale.

Garantir l¡¯acc¨¨s au d¨¦pistage gratuit ou abordable et tester

Comme le souligne l¡¯OMS dans ses , il n¡¯est pas possible de lutter contre un virus si nous ne savons pas o¨´ il est. Cela signifie qu¡¯il faut ? trouver, isoler, tester et traiter chaque cas, afin de rompre les cha?nes de transmission ?. Cette strat¨¦gie a fait ses preuves dans la r¨¦ponse ¨¤ l¡¯¨¦pid¨¦mie de VIH.

? Les pays qui r¨¦ussissent le mieux ¨¤ r¨¦duire l¡¯impact du VIH sont ceux qui ont adopt¨¦ des strat¨¦gies encourageant les communaut¨¦s ¨¤ faire un d¨¦pistage ou un test et, le cas ¨¦ch¨¦ant, ¨¤ se soigner, ¨¤ se prot¨¦ger et ¨¤ prot¨¦ger les autres de la contamination au virus ?, confirme Winnie Byanyima.

Il convient aussi de s¡¯occuper des personnes les plus vuln¨¦rables, ajoute l¡¯ONUSIDA. Ces personnes doivent avoir acc¨¨s aux services li¨¦s ¨¤ la COVID-19, ? ce qui passe par une strat¨¦gie s¡¯adressant sp¨¦cifiquement aux populations les plus oubli¨¦es et visant ¨¤ supprimer les barri¨¨res financi¨¨res comme les redevances ?.

Dans le m¨ºme temps, indique-t-elle dans sa note d¡¯information aux personnes s¨¦ropositives, les populations vivant avec le VIH et expos¨¦es ¨¤ un risque d¡¯infection au coronavirus doivent continuer ¨¤ avoir acc¨¨s aux services li¨¦s au VIH : pr¨¦servatifs, traitement de substitution aux opiac¨¦s, aiguilles et seringues st¨¦riles, r¨¦duction des risques, prophylaxie pr¨¦-exposition et d¨¦pistage.

Couverture du guide de l¡®ONUSIDA destin¨¦ ¨¤ aider les gouvernements, les communaut¨¦s et tous les acteurs impliqu¨¦s dans les plans de riposte au coronavirus.

A cet ¨¦gard, l¡¯ONUSIDA recommande aux pays de mettre en place la d¨¦livrance d¡¯ordonnances pour trois mois ou plus du traitement du VIH afin d¡¯¨¦viter que des personnes ¨¦puisent leur stock de m¨¦dicaments, mais aussi en vue de r¨¦duire les besoins de recourir au syst¨¨me de sant¨¦.

?liminer les obstacles emp¨ºchant les personnes de se prot¨¦ger

Acc¨¨s insuffisant ¨¤ des informations correctes, pr¨¦occupations concernant le ch?mage ou la perte de salaire, manque de capacit¨¦ financi¨¨re pour acc¨¦der aux tests et aux diagnostics, peur de la stigmatisation et de la discrimination si elles sont test¨¦es positives : les acteurs de la r¨¦ponse au VIH observent que les personnes rencontrent de nombreux obstacles dans la protection de leur sant¨¦ et de celle des autres. De plus, les services de soins bond¨¦s peuvent refuser des patients si les ressources en personnels viennent ¨¤ manquer.

? Ce n¡¯est qu¡¯en ¨¦liminant ces obstacles que nous pouvons garantir une r¨¦ponse efficace ?, explique l¡¯ONUSIDA. Elle note, en outre, que les mesures de confinement et de limitation des d¨¦placements, con?ues pour prot¨¦ger les personnes face ¨¤ la propagation du coronavirus, peuvent aussi devenir des obstacles ¨¤ l¡¯acc¨¨s aux soins pour les personnes vuln¨¦rables ou isol¨¦es.

C¡¯est notamment le cas aux Philippines, o¨´ l¡¯ONUSIDA et le Programme des Nations pour le d¨¦veloppement (PNUD) ont men¨¦ une pour ¨¦valuer les probl¨¨mes auxquels doivent faire face les personnes vivant avec le VIH dans le cadre des restrictions communautaires. Il en ressort que la suspension des transports publics est l¡¯¨¦v¨¦nement qui a eu le plus d¡¯impact sur l¡¯acc¨¨s au traitement. Les personnes interrog¨¦es ont aussi fait ¨¦tat d'anxi¨¦t¨¦ li¨¦e ¨¤ la perte de revenus, de craintes d'une exposition ¨¤ la COVID-19 et d¡¯un manque d'acc¨¨s aux services psychosociaux.

Ces r¨¦sultats, qui se sont traduits par des recommandations pr¨¦sent¨¦es au minist¨¨re de la sant¨¦, font clairement appara?tre la n¨¦cessit¨¦ d'¨¦laborer un plan de traitement et de soins pour les personnes vivant avec le VIH pendant les situations d'urgence et les crises. Pour les communaut¨¦s concern¨¦es, il s¡¯agit de garantir l¡¯acc¨¨s au traitement mais aussi aux services de sant¨¦ mentale et ¨¤ la protection sociale.

Mettre en place des restrictions ¨¦quilibr¨¦es

Sur la base de son exp¨¦rience avec le VIH, l¡¯ONUSIDA consid¨¨re que les restrictions mises en place pour prot¨¦ger la sant¨¦ publique doivent ¨ºtre ? d¡¯une dur¨¦e limit¨¦e, ¨¦quilibr¨¦es, n¨¦cessaires, bas¨¦es sur des donn¨¦es probantes et r¨¦visables par un tribunal ?. Elle recommande ¨¦galement de pr¨¦voir des exceptions pour les groupes les plus vuln¨¦rables.

L¡¯agence se dit pr¨¦occup¨¦e par des selon lesquelles l¡¯¨¦pid¨¦mie de COVID-19 sert de pr¨¦texte pour cibler les populations marginalis¨¦es et vuln¨¦rables, rogner l¡¯espace allou¨¦ ¨¤ la soci¨¦t¨¦ civile et renforcer les pouvoirs de la police. Elle s¡¯inqui¨¨te aussi du recours de certains pays au droit p¨¦nal pour criminaliser la transmission du coronavirus, ? premier pas ? selon elle, vers des violations importantes des droits humains.

C¡¯est ainsi qu¡¯en Ouganda, 23 personnes sans abri qui vivaient dans un refuge fournissant des services ¨¤ la communaut¨¦ LGBTI ont ¨¦t¨¦ arr¨ºt¨¦es d¨¦but avril, 19 d¡¯entre elles ¨¦tant accus¨¦es de ? n¨¦gligence pouvant favoriser la propagation d¡¯une infection ou d¡¯une maladie ? et de ? d¨¦sob¨¦issance ? aux directives interdisant les rassemblements de plus de dix personnes. Ces personnes, dont plusieurs suivaient un traitement antir¨¦troviral, se trouvent aujourd¡¯hui en prison sans espoir d¡¯acc¨¦der ¨¤ un tribunal, ¨¤ une repr¨¦sentation l¨¦gale ou ¨¤ des m¨¦dicaments, d¨¦nonce l¡¯ONUSIDA.

Renforcer la coop¨¦ration internationale

Le succ¨¨s de la r¨¦ponse ¨¤ l¡¯¨¦pid¨¦mie de VIH est ¨¤ mettre au cr¨¦dit de l¡¯activisme communautaire mais aussi du multilat¨¦ralisme et de la coop¨¦ration mondiale. Gr?ce ¨¤ la solidarit¨¦ et aux partenariats internationaux dans les domaines de la science et de la m¨¦decine, 24,5 millions de personnes suivent aujourd'hui un traitement antir¨¦troviral, principalement dans les pays ¨¤ revenu faible ou interm¨¦diaire.

Lors d¡¯un sommet extraordinaire du G20, le 26 mars dernier, le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l¡¯ONU et le Directeur g¨¦n¨¦ral de l'OMS ont soulign¨¦ l'urgence d'une intensification de cette solidarit¨¦ mondiale pour riposter ¨¤ la pand¨¦mie de COVID-19. Ils ont aussi plaid¨¦ pour qu¡¯une attention particuli¨¨re soit accord¨¦e aux pays les plus touch¨¦s et les plus fragiles.

Face ¨¤ la maladie, ce besoin de coop¨¦ration internationale pour le partage des informations, des ressources et de l¡¯expertise technique se retrouve aussi dans les questions de paix et de s¨¦curit¨¦. Le 9 avril, ¨¤ l¡¯occasion d¡¯une s¨¦ance officieuse et virtuelle, les membres du Conseil de s¨¦curit¨¦ de l'ONU ont ¨¦voqu¨¦ les effets de la COVID-19 sur les op¨¦rations de maintien de la paix et les missions politiques et humanitaires.

Vingt ans plus t?t, le 10 janvier 2000, le Conseil de s¨¦curit¨¦ avait d¨¦battu de l¡¯impact de l¡¯¨¦pid¨¦mie de VIH sur la paix et la s¨¦curit¨¦ en Afrique, reconnaissant pour la premi¨¨re fois la menace repr¨¦sent¨¦e par une question de sant¨¦. Cette discussion avait ouvert la voie ¨¤ l'adoption de la sur le VIH/sida et les op¨¦rations de maintien de la paix, laquelle encourageait les ?tats Membres int¨¦ress¨¦s ¨¤ intensifier la coop¨¦ration internationale entre leurs organismes nationaux.

Soutenir les personnels soignants, faire preuve de gentillesse

? Les personnels soignants sont en premi¨¨re ligne de toute r¨¦ponse et sont susceptibles de faire l¡¯objet d¡¯une stigmatisation et d¡¯une discrimination s¡¯ils sont per?us comme ¨¦tant en contact avec le virus ?, pr¨¦vient l¡¯ONUSIDA, enjoignant aux gouvernements de prendre des mesures de protection ¨¤ leur ¨¦gard afin qu¡¯ils puissent fournir les services requis sans risque excessif de contracter le COVID-19.

L¡¯agence pr¨¦conise enfin d¡¯instaurer ? une culture de solidarit¨¦, de confiance et de gentillesse ?. Comme pour le VIH, la r¨¦ponse ¨¤ la COVID-19 doit, selon elle, tenir compte des r¨¦alit¨¦s de la vie des gens et ¨ºtre ax¨¦e sur l¡¯¨¦limination des obstacles auxquels les individus sont confront¨¦s pour se prot¨¦ger et prot¨¦ger leurs communaut¨¦s. En s¡¯appuyant sur l¡¯autonomisation plut?t que sur les restrictions, elle n¡¯en sera que ? plus efficace, plus humaine et plus durable ¨¤ l¡¯¨¦pid¨¦mie ?.