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Un riz 'miracle' africain

Des vari茅t茅s de Nerica 脿 haut rendement, contre la faim et la pauvret茅 rurale

Par Ernest Harsch

Lorsque la s茅cheresse s'est abattue il y a deux ans sur Zaguiguia, dans l'ouest de la C么te d'Ivoire, seule une vari茅t茅 de riz poussait correctement, le Nouveau Riz pour l'Afrique (Nerica). La saison suivante, tous les agriculteurs de la r茅gion voulaient des graines de Nerica, mais il n'y en avait pas assez, explique Albertine Kpassa, cultivatrice locale. A Saioua, dans le centre du pays, une autre agricultrice, Elise Digbeu Ori, pr茅f猫re le Nerica parce qu'il pousse plus vite et est rapidement rentable. "C'est tr猫s important, dit-elle, parce que j'ai six enfants qui vont tous 脿 l'茅cole."

En Guin茅e, pays voisin o霉 les premi猫res vari茅t茅s de Nerica ont 茅t茅 introduites en 1997, Mamady Douno cultive un champ de riz 脿 Maferenya. "Depuis que j'ai commenc茅 脿 faire pousser ce riz, je n'ach猫te plus de riz au march茅, a expliqu茅 脿 un journaliste de la r茅gion ce p猫re de 10 enfants. Avec le Nerica, je peux nourrir ma famille, payer les frais de scolarit茅 de mes enfants et manger toute l'ann茅e."

Sur un continent o霉 il est souvent difficile de produire suffisamment de denr茅es alimentaires et o霉 un tiers de la population souffre de malnutrition, les agriculteurs d'une dizaine de pays d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique centrale obtiennent maintenant des r茅coltes de riz abondantes qui leur permettent non seulement de nourrir leur famille, mais 茅galement de vendre sur les march茅s des exc茅dents importants.

Le Nerica -- mis au point 脿 l'origine par des chercheurs de l'Association pour le d茅veloppement de la riziculture en Afrique de l'Ouest (ADRAO), un centre intergouvernemental de recherche sur le riz -- est issu du croisement d'une ancienne vari茅t茅 africaine tr猫s r茅sistante et d'une vari茅t茅 asiatique 脿 haut rendement. Il allie les caract茅ristiques de ces deux vari茅t茅s : la r茅sistance 脿 la s茅cheresse et aux parasites, des rendements sup茅rieurs m锚me avec peu d'irrigation ou d'engrais et une teneur en prot茅ines plus 茅lev茅e que les autres vari茅t茅s de riz.

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Un cultivateur de Nerica en Guin茅e : le Nerica a un rendement de 2 脿 3 fois plus 茅lev茅 que les vari茅t茅s courantes de riz.

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Photo: 漏 PNUD Choices / Sadio Barry

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C'est tout simplement "une culture miracle", a d茅clar茅 脿听Afrique Relance听le Directeur g茅n茅ral de l'ADRAO, Kanayo Nwanze, lors de la troisi猫me Conf茅rence internationale de Tokyo sur le d茅veloppement africain (29 septembre-1er octobre), au cours de laquelle le Nerica a occup茅 une place importante.

La proc茅dure "d'acc茅l茅ration" du NEPAD

En Afrique de l'Ouest, o霉 le riz est une denr茅e de base, l'accroissement de la production locale a d'茅normes r茅percussions. Pour r茅pondre aux besoins de consommation, la r茅gion doit actuellement importer environ 3,5听millions de tonnes de riz par an, ce qui lui co没te pr猫s d'un milliard de dollars. L'accroissement de la production int茅rieure pourrait permettre aux pays africains d'茅conomiser de pr茅cieuses devises 茅trang猫res. Cette ann茅e, la Guin茅e pourrait 脿 elle seule 茅conomiser environ 13听millions de dollars.

Mais comme l'a indiqu茅 M. Nwanze au cours d'un d茅placement r茅cent au Nig茅ria, l'adoption 脿 grande 茅chelle du Nerica n'aura pas pour seules cons茅quences d'accro卯tre la production de riz et de r茅duire les importations. "Les m茅nages auront aussi plus 脿 manger et les agriculteurs auront plus d'argent. Cela contribuera par cons茅quent 脿 la s茅curit茅 alimentaire et 脿 la r茅duction de la pauvret茅."

Les partisans du Nouveau Partenariat pour le d茅veloppement de l'Afrique (NEPAD), vaste programme de d茅veloppement adopt茅 en 2001 par les dirigeants du continent, ont pris conscience du potentiel que repr茅sente le Nerica. Le Comit茅 de direction du NEPAD a fait figurer le Nerica parmi les "meilleures pratiques" du continent et a approuv茅 l'objectif qui consiste 脿 d茅velopper la culture de ce riz dans l'Ouest et le centre de l'Afrique et 脿 l'茅tendre 脿 l'Afrique orientale et australe, dans le cadre d'une volont茅 plus g茅n茅rale d'accro卯tre la production agricole et la s茅curit茅 alimentaire (voir article "L'agriculture africaine, 'vecteur de croissance'听"). Le Nerica, explique le professeur Richard Mkandawire, conseiller du NEPAD pour l'agriculture, peut aider 脿 "acc茅l茅rer le processus d'茅limination de la faim et de la famine sur le continent africain".

Le meilleur de deux mondes

Gr芒ce aux travaux novateurs de M. Monty Jones, un chercheur de la Sierra Leone qui a trouv茅 de nouvelles fa莽ons de croiser des esp猫ces courantes de riz africain et asiatique, l'ADRAO -- 茅galement connue sous le nom de Centre du riz pour l'Afrique -- est parvenue 脿 mettre au point ce nouveau type de riz (voir encadr茅, page suivante). Lorsque les premiers tests du Nerica ont 茅t茅 effectu茅s dans des champs d'essai de la C么te d'Ivoire en 1994-95, explique M. Nwanze, l'ADRAO s'est aper莽ue que cette nouvelle vari茅t茅 "alliait ce que le riz asiatique et le riz africain avaient chacun de mieux 脿 offrir".

Il n'y a pas qu'une seule vari茅t茅 de Nerica, indique M. Nwanze. On en compte environ 3听000 vari茅t茅s diff茅rentes. Les vari茅t茅s les plus appr茅ci茅es ont en commun certaines caract茅ristiques.

Tout comme les vari茅t茅s de riz africain qui ont 茅volu茅 pendant des mill茅naires dans l'environnement difficile du continent, le Nerica est tr猫s robuste et r茅sistant aux agressions ext茅rieures que sont la s茅cheresse, les maladies courantes du riz et les parasites. Les vari茅t茅s de Nerica actuellement utilis茅es conviennent le mieux aux plateaux secs de l'Afrique de l'Ouest, qui ne sont g茅n茅ralement pas irrigu茅s et sont 茅loign茅s des vall茅es en basse altitude et autres sources d'irrigation d'acc猫s facile. Au lieu d'essayer de modifier l'environnement 脿 l'aide d'irrigation et d'engrais pour l'adapter aux riz asiatiques 脿 rendement 茅lev茅, explique M. Nwanze, "notre approche a consist茅 脿 fournir des technologies adapt茅es 脿 l'environnement". (Certaines nouvelles vari茅t茅s de Nerica, adapt茅es aux vall茅es plus humides, sont 茅galement test茅es actuellement au Burkina Faso.)

Comme les vari茅t茅s asiatiques, mais contrairement au riz africain traditionnel, le Nerica donne des r茅coltes beaucoup plus importantes. Il a m锚me un rendement plus 茅lev茅 que les deux vari茅t茅s dont il est issu. Chaque panicule (grappe) de la vari茅t茅 africaine compte une centaine de grains. Chaque panicule de la vari茅t茅 asiatique en compte environ 250. Mais les panicules du Nerica en comptent 400 en moyenne. Cela veut dire que m锚me sans intrants, le Nerica peut donner de 1,5 脿 2,5听tonnes de riz par hectare, contre une tonne ou moins en moyenne pour les vari茅t茅s traditionnelles.

Chaque grain de riz de Nerica comprend 茅galement plus de prot茅ine que les deux vari茅t茅s d'origine. Alors que la teneur en prot茅ines de ces deux vari茅t茅s d'origine est de 8 脿 10听% environ, elle peut atteindre de 10 脿 12听% dans le cas du Nerica.

Le Nerica pousse beaucoup plus vite. La r茅colte se fait en g茅n茅ral de 90 脿 100听jours apr猫s l'ensemencement, contre 120 脿 140听jours dans le cas des vari茅t茅s asiatiques de riz pluvial utilis茅es en Afrique de l'Ouest. Cela permet aux fermiers non seulement de toucher plus rapidement l'argent provenant de leurs ventes sur les march茅s, mais aussi de consacrer le temps ainsi gagn茅 脿 d'autres cultures.

D猫s les premiers stades de sa croissance, le Nerica pousse abondamment, pr猫s du sol, et arrive 脿 茅touffer les mauvaises herbes.

Une aubaine pour les femmes

Auparavant, note M. Nwanze, l'am茅lioration des riz pluviaux faisait l'objet de tr猫s peu de recherches. "On disait qu'ils 茅taient tr猫s peu rentables." Mais puisque environ 70听% des 20听millions de riziculteurs africains -- dont une majorit茅 de femmes -- cultivent du riz pluvial -- l'ADRAO a d茅cid茅 qu'il 茅tait essentiel de mettre l'accent sur ce "secteur particulier de la soci茅t茅 qui 茅tait n茅glig茅, les agricultrices, les petits producteurs pauvres".

En Guin茅e, le Nerica est tr猫s appr茅ci茅 par les agricultrices, qui ont vu leurs r茅coltes de riz et leurs revenus augmenter consid茅rablement. Le bureau national de coordination mis en place par le gouvernement pour le Nerica encourage les femmes 脿 cr茅er des syndicats de production contribuant 脿 la diffusion de la nouvelle vari茅t茅, 脿 la formation et 脿 la gestion des stocks de graines.

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Le cycle de croissance plus rapide du Nerica permet aux cultivateurs (des femmes pour la plupart) de gagner du temps.

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Photo: 漏 PNUD Choices / Sadio Barry

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En plus de son rendement 茅lev茅, le Nerica est 茅galement appr茅ci茅 des femmes pour plusieurs autres raisons. Le fait qu'il pousse plus rapidement que les vari茅t茅s ordinaires de riz permet aux associations de femmes de se consacrer 脿 d'autres cultures. Dans un certain nombre de communaut茅s rurales de Guin茅e, elles plantent du ni茅b茅, un type de haricot qui pousse en deux mois et qui r茅g茅n猫re les 茅l茅ments nutritifs des terres o霉 l'on cultive le Nerica.

Le fait que le Nerica r茅duise la croissance des mauvaises herbes, note M. Nwanze, est 茅galement "tr猫s important pour les agricultrices, car elles consacraient 脿 l'茅limination des mauvaises herbes de 40 脿 60听% environ" de leur travail total de riziculture. "Maintenant, les femmes passent moins de temps 脿 enlever les mauvaises herbes."

Participation des agriculteurs

Parall猫lement aux innovations scientifiques qui ont men茅 脿 la cr茅ation du Nerica, l'ADRAO a 茅galement exp茅riment茅 de nouvelles fa莽ons de faire conna卯tre et de distribuer cette vari茅t茅 de riz -- par la participation active des agriculteurs eux-m锚mes. Il a fallu pour cela rompre avec les pratiques directives des services de vulgarisation agricole en Afrique.

En 1996, l'ADRAO a d茅cid茅 qu'il valait mieux que les agriculteurs jugent par eux-m锚mes le Nerica en le comparant 脿 d'autres vari茅t茅s, dans le cadre d'une proc茅dure de trois ans connue sous le nom de "s茅lection vari茅tale participative". Pendant la premi猫re ann茅e, l'ADRAO et le personnel de l'organisme national de vulgarisation agricole 茅tablissent un "jardin rizicole" dans un village cible, souvent dans le champ d'un agriculteur de premier plan. Ce jardin comprend un grand nombre de vari茅t茅s diff茅rentes de riz : le Nerica, des vari茅t茅s asiatiques am茅lior茅es, des vari茅t茅s africaines indig猫nes et d'autres vari茅t茅s appr茅ci茅es dans la localit茅 ou dans la r茅gion. Les agriculteurs du village sont encourag茅s 脿 visiter le champ et 脿 suivre la croissance des diff茅rentes vari茅t茅s.

A la fin de la saison, les agriculteurs sont pri茅s de s茅lectionner cinq vari茅t茅s et re莽oivent des graines 脿 utiliser dans leur propre champ l'ann茅e suivante. Une fois ces r茅coltes obtenues, on leur demande de ne s茅lectionner que trois vari茅t茅s. A ce stade, explique M. Nwanze, "on leur dit que s'ils sont vraiment int茅ress茅s, ils devront acheter des graines. Cela a valeur de test. Si un agriculteur est pr锚t 脿 acheter des graines, c'est un signe d'int茅r锚t".

L'ADRAO a constat茅 que, en cultivant dans leur champ diff茅rentes vari茅t茅s, les agriculteurs finissaient par appr茅cier les qualit茅s du Nerica. Ils contribuaient 茅galement 脿 faire passer l'information aupr猫s des autres agriculteurs. "Dans le cadre de ce processus, les agriculteurs sont devenus eux-m锚mes des agents de vulgarisation, remarque M. Nwanze, leurs voisins et leurs connaissances venaient leur demander des graines."

D'apr猫s M. Gordon Conway, pr茅sident de la Fondation am茅ricaine Rockefeller, qui a contribu茅 au financement des recherches de l'ADRAO sur le Nerica, les m茅thodes habituelles de vulgarisation agricole, impos茅es d'en haut, ne conviennent pas 脿 l'Afrique, en raison de la grande diversit茅 茅cologique du continent. L'ADRAO, dit-il, "a alli茅 avec brio la science de la biotechnologie et une approche ax茅e sur la participation des agriculteurs".

En s'appuyant sur les exp茅riences qu'elle avait men茅es en Guin茅e et dans l'Ouest de la C么te d'Ivoire, l'ADRAO est pass茅e au stade suivant de l'approche participative, en encourageant la cr茅ation de syst猫mes communautaires de production de semences. Traditionnellement, les agriculteurs gardent souvent des graines obtenues lors des r茅coltes pour les semer l'ann茅e suivante, mais principalement dans leur propre champ. Dans le cadre du nouveau syst猫me (fond茅 sur une m茅thode mise au point au S茅n茅gal), les agriculteurs qui souhaitent devenir des producteurs de semences sp茅cialis茅s apprennent 脿 s茅lectionner les panicules qui donneront les meilleurs stocks de graines et 脿 pr茅parer, 脿 entreposer et 脿 garder ces semences. Ces agriculteurs peuvent ensuite toucher des revenus suppl茅mentaires en vendant ces graines 脿 d'autres agriculteurs -- et contribuer ainsi 脿 d茅velopper et 脿 acc茅l茅rer la diffusion des vari茅t茅s de Nerica.

Initiative sur le riz africain

Dans le but d'茅tendre 脿 d'autres pays le succ猫s initial du Nerica, l'ADRAO et ses partenaires ont d茅cid茅 en mars 2002 de lancer l'Initiative sur le riz africain.

Au milieu de l'ann茅e 2003, une ou plusieurs vari茅t茅s de Nerica 茅taient diffus茅es dans 10听pays de l'Afrique de l'Ouest (B茅nin, Burkina Faso, C么te d'Ivoire, Gambie, Ghana, Guin茅e, Mali, Nig茅ria, Sierra Leone et Togo). En Afrique centrale, les services de vulgarisation agricole du Gabon ont commenc茅 脿 faire la promotion du Nerica, tandis que l'Ouganda, en Afrique de l'Est, a distribu茅 une vari茅t茅 de Nerica sp茅cialement mise au point dans ce pays. L'Ethiopie, Madagascar, le Malawi, le Mozambique et la Tanzanie 茅valuent actuellement plusieurs vari茅t茅s de Nerica.

M. Nwanze note que le potentiel du Nerica est particuli猫rement important dans son propre pays, le Nig茅ria. Le Nig茅ria compte 脿 lui seul environ la moiti茅 des 840听000 hectares de riziculture de l'Afrique de l'Ouest. Le Pr茅sident Olusegun Obasanjo "s'int茅resse tout particuli猫rement" au Nerica, indique M. Nwanze, et a 茅tabli un comit茅 pr茅sidentiel sur le riz. La Banque africaine de d茅veloppement a annonc茅 qu'elle contribuerait 脿 financer la diffusion 脿 plus grande 茅chelle au Nig茅ria de vari茅t茅s de Nerica, dans le cadre d'un programme dot茅 d'un budget de 31听millions de dollars et men茅 dans sept pays.

L'engouement des agriculteurs africains pour le Nerica suscite un enthousiasme croissant de la part des donateurs, des organismes de d茅veloppement et des centres de recherche. Quelques ann茅es apr猫s la mise au point du Nerica par l'ADRAO, le Gouvernement du Japon y a vu un parfait exemple de la coop茅ration de l'Asie et de l'Afrique et a apport茅 son soutien 脿 la diffusion de cette vari茅t茅. Une organisation non gouvernementale japonaise, du nom de Motherland Academy, qui envoie depuis vingt ans du riz japonais aux r茅gions de l'Afrique touch茅es par la famine, a d茅cid茅 en 2002 d'aider les agriculteurs maliens 脿 cultiver des vari茅t茅s de Nerica.

La Banque africaine de d茅veloppement, le Programme des Nations Unies pour le d茅veloppement, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, la Banque mondiale, l'Union europ茅enne et divers organismes donateurs bilat茅raux et fondations ont 茅galement apport茅 leur soutien au Nerica. L'ADRAO, d茅clare M. Nwanze, n'est pas seulement un mod猫le de coop茅ration r茅gionale en Afrique de l'Ouest, "mais 茅galement un mod猫le de partenariat coop茅ratif -- nous avons des Africains, des Asiatiques, des Latino-am茅ricains et des Europ茅ens".

Gr芒ce 脿 cet effort collectif, l'Initiative sur le riz africain vise 脿 faire passer, d'ici 脿 2006, la superficie totale des cultures du Nerica de 24听000 hectares (en 2002) 脿 210听000 hectares. Avec le rendement moyen du Nerica, cela devrait donner une production d'environ 750听000 tonnes par an, ce qui permettrait aux pays africains de consacrer 90听millions de dollars de moins aux importations de riz.

Paix et politiques

Pour que les cultivateurs africains de riz puissent profiter pleinement des avantages du Nerica, il faut rem茅dier 脿 un certain nombre de probl猫mes. Il faut notamment 茅tablir la paix pour que les agriculteurs puissent cultiver leurs champs et que les chercheurs agronomes puissent effectuer leurs recherches.

Jusqu'aux ann茅es 1990, le si猫ge de l'ADRAO se trouvait 脿 Monrovia (Lib茅ria). Mais la guerre civile qui a 茅clat茅 au d茅but de cette d茅cennie a d茅truit les laboratoires de recherche et les banques de semences de l'ADRAO et contraint le centre 脿 s'installer en C么te d'Ivoire. L'ADRAO a investi dans ce nouveau site 30听millions de dollars, mais lorsque la guerre civile a 茅clat茅 en C么te d'Ivoire en septembre 2002, "nous avons de nouveau d没 partir", raconte M. Nwanze. Les chercheurs de l'ADRAO travaillent maintenant 脿 Bamako (Mali), l'administration et le personnel d'appui se trouvant 脿 Abidjan, la capitale 茅conomique de la C么te d'Ivoire. Heureusement, en intervenant rapidement aupr猫s du Gouvernement, et des forces de maintien de la paix des Nation Unies et de la France, l'ADRAO a pu obtenir que ses locaux ivoiriens ne soient attaqu茅s par aucun des bellig茅rants. Ce conflit, qui est intervenu alors m锚me que le Nerica gagnait en importance, a n茅anmoins fait 茅chouer la campagne de promotion men茅e dans ce pays.

Il est 茅galement essentiel de disposer de politiques agricoles favorables, explique M. Nwanze. Les agriculteurs ont besoin d'incitation 脿 produire, le secteur de la transformation et de la vente du riz a besoin de rentabilit茅, des syst猫mes de contr么le de la qualit茅 doivent 锚tre mis en place pour garantir des normes acceptables et des campagnes de sensibilisation du public pourraient aider les consommateurs 脿 appr茅cier les qualit茅s du Nerica. Le Nig茅ria, annonce M. Nwanze, a mis au point un ambitieux programme de r茅forme de l'int茅gralit茅 de la fili猫re du riz, "des producteurs aux meuniers, 脿 l'industrie de la transformation et aux vendeurs".

Par le pass茅, fait remarquer M. Nwanze, la production locale de riz en Afrique de l'Ouest a 茅t茅 comp茅titive et rentable. Cependant, 脿 la suite de l'importation 脿 grande 茅chelle de riz non africain et bon march茅 -- souvent subventionn茅 par les pays exportateurs de riz -- "les prix pratiqu茅s localement ont perdu de leur attrait". Les pouvoirs publics doivent donc "mettre en place des politiques incitant les agriculteurs 脿 investir dans le riz", explique M. Nwanze. Le Nig茅ria a par exemple impos茅 des droits de douane 茅lev茅s sur les importations de riz en vue d'encourager la production nationale.

Si tout va bien, le Nerica pourra contribuer au d茅veloppement de l'agriculture en Afrique et dans d'autres r茅gions du monde. "Le Nouveau Riz pour l'Afrique, peut-on lire dans un document de l'ADRAO, pourrait 茅galement aider les agriculteurs qui cultivent du riz pluvial" en Asie et en Am茅rique latine."

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Persistance, innovation et lait de noix de coco

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La mise au point du Nerica est le fruit de longues recherches, explique M. Kanayo Nwanze, directeur g茅n茅ral de l'Association pour le d茅veloppement de la riziculture en Afrique de l'Ouest (ADRAO). Le m茅rite de cette invention revient au "p猫re du Nerica", M. Monty Jones, chercheur sierra-l茅onais. C'est en 1991 que M. Jones a commenc茅 脿 travailler dans les laboratoires et les champs d'essai du centre, avant de croiser avec succ猫s deux esp猫ces de riz, connues sous le nom scientifique de oryza glaberrima (provenant d'Afrique) et oryza sativa (provenant d'Asie).

L'oryza glaberrima est une vari茅t茅 ancienne, dont la culture dans certaines r茅gions de l'Afrique remonterait 脿 3听500 ans. Ce riz africain, explique M. Nwanze, "s'apparentait davantage 脿 une herbe. Il avait un faible rendement. Les grains se brisaient lorsqu'ils parvenaient 脿 maturit茅."

Il y a environ 450听ans, des voyageurs portugais ont introduit le riz asiatique, oryza sativa, qui avait un meilleur rendement et a progressivement remplac茅 les vari茅t茅s africaines dans les r茅gions cultivant du riz en basse altitude. Des versions am茅lior茅es du riz asiatique ont 茅galement 茅t茅 pr茅conis茅es en Afrique dans les ann茅es听60 et 70, dans le cadre de la tentative d'exportation de la "r茅volution verte" asiatique sur le continent africain. Mais ces efforts ont 茅chou茅, en partie parce que les riz asiatiques 脿 rendement plus 茅lev茅 d茅pendaient d'intrants importants, notamment d'irrigation et d'engrais, et r茅sistaient peu aux difficiles conditions climatiques et 脿 la pauvret茅 des sols africains. Ils n'茅taient "pas adapt茅s 脿 l'environnement africain", a expliqu茅 M. Nwanze 脿听Afrique Relance.

Environ 7听% seulement des terres arables africaines sont irrigu茅es et la plus grande partie des cultures de riz de l'Afrique d茅pendent des pr茅cipitations. Les exploitants agricoles sont 茅galement pauvres et ne peuvent pas se permettre d'installer des syst猫mes d'irrigation ni d'acheter beaucoup d'engrais. A mesure que la consommation de riz a augment茅, la production locale a stagn茅 et les pays ont d没 importer des quantit茅s de plus en plus importantes de riz.

Au lieu d'essayer "d'adapter" l'environnement africain aux vari茅t茅s de riz asiatiques en mettant au point des syst猫mes d'irrigation co没teux, les chercheurs de l'ADRAO ont adopt茅 une approche diff茅rente. Ils ont avant tout cherch茅 脿 am茅liorer des vari茅t茅s de riz indig猫nes qui 茅taient d茅j脿 bien adapt茅es aux conditions africaines, tout en les dotant du haut rendement du riz asiatique.

Parmi le millier de vari茅t茅s de riz africain que contenaient les banques de semences de l'ADRAO, ils ont choisi l'une des plus courantes, l'oryza glaberrima. Apr猫s plusieurs ann茅es de travail, le croisement de cette vari茅t茅 et de l'oryza sativa a donn茅 certains r茅sultats positifs, mais se heurtait 茅galement 脿 un obstacle de taille : environ 90听% des v茅g茅taux issus de ce croisement, qu'on appelle aussi la "descendance", 茅taient st茅riles. Cela voulait dire que si les agriculteurs pouvaient cultiver cette nouvelle vari茅t茅, ils ne pourraient pas mettre de c么t茅 de graines 脿 planter l'ann茅e suivante -- ils devraient en acheter de nouvelles.

M. Jones a ax茅 ses efforts sur la technique de "r茅cup茅ration d'embryons", qui consiste 脿 enlever l'embryon d'une descendance et 脿 le placer en culture afin d'en modifier les caract茅ristiques. Au cours d'un d茅placement en Chine, il a d茅couvert qu'en ajoutant du lait de noix de coco 脿 cette culture, on arrivait 脿 r茅duire la st茅rilit茅 des nouvelles vari茅t茅s de l'ADRAO issues d'un croisement. "C'茅tait Eur茅ka !, raconte M. Nwanze. Il suffisait d'utiliser du lait de noix de coco. C'est ainsi qu'il a obtenu une descendance stable."

Conscient des inqui茅tudes qu'inspire au public la modification g茅n茅tique des plantes et autres organismes vivants, M. Nwanze pr茅cise que les m茅thodes de production du Nerica employ茅es par l'ADRAO font appel 脿 "une biotechnologie tr猫s simple". Il n'y a aucun transfert de g猫nes d'une esp猫ce 脿 l'autre, mais il s'agit plut么t du croisement de diff茅rentes vari茅t茅s de la m锚me esp猫ce. Ce type de croisement se produit dans la nature, et les agriculteurs essaient souvent eux-m锚mes d'effectuer de nouveaux croisements. L'apport de l'ADRAO consiste 脿 appliquer des m茅thodes scientifiques modernes 脿 un tel proc茅d茅.

D'ailleurs, note Mme Susan McCouch du Programme de biotechnologie du riz de la Fondation Rockefeller, la mise au point de nouvelles vari茅t茅s telles que le Nerica peut "accro卯tre consid茅rablement la biodiversit茅 mondiale du riz".